Yanghee Lee, rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des Droits de l’Homme en Birmanie a effectué sa deuxième visite officielle en Birmanie du 7 au 16 janvier 2015.
Elle a exhorté le gouvernement à redoubler d’efforts pour améliorer la situation de Droits de l’homme qui reste très préoccupante. Si des progrès sont à constater, elle déplore ne pas avoir remarqué de réels avancées dans certains domaines, depuis sa dernière visite. En matière de liberté d’expression et de liberté de réunion elle craint même un retour en arrière.
Elle a eu l’occasion de rencontrer un large éventail d’acteurs de la société civile et politique, dont des activistes, des politiques, des leaders ethniques et religieux ainsi que des fonctionnaires du gouvernement. Elle a visité la prison d’Insein à Rangoun où elle a pu rencontrer des activistes connus. Elle s’est rendue dans l’État d’Arakan, théâtre d’affrontements intercommunautaires depuis 2012 et patrie de plus d’un million de Rohingyas. Cette minorité musulmane est considérée par l’ONU comme l’une des plus persécutées au monde. Mme Lee a ensuite visité Lashio qui avait connu des violences inter-religieuses l’année dernière, près des zones de combats du nord de l’État Shan.
La rapporteur spécial a exprimé son inquiétude face à la campagne de harcèlement, d’intimidation et de persécutions contre les journalistes, les activistes et tous ceux qui s’opposent aux projets gouvernementaux ou qui appellent à la responsabilisation des agents de l’État. Elle a évoqué les récents cas d’utilisation excessive de la force contre des fermiers et des résidents qui protestaient contre des projets de développement. Elle rappelle également l’importance des études d’impact environnemental dans la mise en œuvre de ces projets
« Si la Birmanie est sérieuse à propos de la transition démocratique, elle doit permettre aux personnes affectées par ses actions d’exprimer leurs frustrations sans répression » a-t-elle souligné. « Quant aux différends fonciers, le gouvernement doit s’assurer qu’une consultation adéquate est mise en place et que les tous avis ont été pris en compte »
Par ailleurs, Yanghee Lee estime que les violences intercommunautaires constituent un frein important à la paix nationale. « Je suis choquée de voir certaines minorités être l’objet de rumeurs, de politiques discriminatoires voire de discours de haine » a-t-elle ajouté. Elle rappelle qu’elle a, elle-même, été la cible d’intimidations sexistes auxquels font face, sans cesse, les défenseuses des Droits de l’Homme.
Elle exhorte le gouvernement et les leaders communautaires à montrer l’exemple pour mettre fin à la violence en affichant une attitude de respect et de non-discrimination envers toutes les religions et les minorités ethniques.
A Lashio, elle s’est dite impressionnée par l’engagement des leaders inter-religieux à travailler ensemble pour le maintien d’une paisible communauté après les attaques contre la communauté musulmane en mai 2013.
En revanche, elle regrette que la crise continue dans l’État d’Arakan. « L’atmosphère entre les bouddhistes et les musulmans reste très tendue. J’ai vu des personnes déplacées dans les camps de musulmans vivant dans des conditions épouvantables avec un accès limité à l’alimentation, à la santé et aux services essentiels. De plus, ils ne peuvent pas quitter ces camps à cause des tensions constantes. Certains d’entre eux vivent là depuis plus de deux ans. »
Elle réaffirme sa position en faveur de droits des Rohingyas qui « sont inaliénables ». Elle assure par ailleurs que « dans toutes ses rencontres avec les interlocuteurs du gouvernement, elle utilisera le terme Rohingya », afin de réaffirmer le droit fondamental d’un peuple à l’auto-identification. Tandis qu’elle a loué la reprise, en décembre, de l’aide humanitaire de Médecins sans Frontières, elle a déclaré que la situation « demeurait critique » et que l’accès humanitaire était « toujours minimal et de haut risque ».
En outre, elle dénonce le package de lois pour a protection de la race et de la religion, qui constitue un recul démocratique, elle appelle les parlementaires à examiner avec soin ces textes, et à jouer un rôle dans la construction d’une communauté plus tolérante et accueillante.
La rapporteur spécial est particulièrement inquiète quant à l’échec des mesures qui mettaient en place une responsabilité des militaires, notamment par rapport aux violence sexuelles dans les zones de conflits. Elle appelle aussi les responsables des groupes armés ethniques à traiter les violations du droit humanitaire et des Droits de l’Homme commises par leur personnel.
Sa visite a été l’objet de controverses, des moines bouddhistes et des sympathisants bouddhistes nationalistes ont manifesté à son arrivée à l’aéroport et le jour de son départ. Ils critiquent son soutien à la population Rohingya et la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU qui demande au gouvernement de reconnaître la nationalité birmane aux Rohingyas nés sur le territoire et de mettre fin aux restrictions les concernant. Elle a de plus fait l’objet d’insultes de la part du virulent bonze, Wirathu. Les détracteurs du rapporteur spécial estimant que les Nations Unies s’ingèrent dans les affaires internes à la Birmanie. La communauté internationale s’est largement indignée face au comportement agressif envers la rapporteur et le gouvernement a même affirmé qu’il mènerait une enquête. Yanghee Lee voit toutes ces critiques comme le signe d’une amélioration de la capacité du peuple birman à exprimer ses opinions.
En parallèle, un dialogue à propos des Droits de l’Homme entre les États-Unis et la Birmanie s’est déroulé. A cette occasion, l’ambassadeur américain a effectué une visite en Birmanie et tient une position identique à celle de l’envoyée de l’ONU. Les États-Unis déplorent particulièrement les lois à l’encontre de la population Rohingya, l’impunité des personnes commettant des violences à l’encontre des Rohingyas et la situation des journalistes.