Nous accueillons avec beaucoup d’intérêt, et de joie la décision des autorités birmanes de libérer un grand nombre de prisonniers politiques incarcérés dans le pays. Les chiffres ne sont pas encore définitifs, car aucune liste officielle n’a été publiée, mais il semblerait que l’ensemble des prisonniers politiques répertoriés par la Ligue Nationale pour la Démocratie aient été libérés. D’après les chiffres fournis par les médias birmans, le nombre de libération s’élève à 691, dont environ 600 prisonniers politiques.
Cet événement est important non seulement au vu du nombre de prisonniers libérés mais aussi de par leur rôle politique majeur, puisque toutes les grandes figures de l’opposition au régime, tant des journalistes, des moines, des activistes de la société civile et des hommes et femmes politiques ont été libérées. Malgré leurs profils variés, ce qui unit ces prisonniers politiques est le rôle de première importance qu’ils ont joué et pourront à nouveau jouer au niveau politique ou social.
Citons quelques noms, les plus emblématiques :
- Min Ko Naing, Ko Ko Gyi et Nilar Thein, du mouvement Génération 88,
- le moine U Gambira incarcéré depuis 2008,
- Le grand leader shan Khun Tun Oo, qui avait été condamné à 93 ans de prison,
- Ngwe Soe Linn, Sithu Zeya, U Maung Zeya et Hla Hla Win, tous reporters de la Democratic Voice of Burma (DVB), le journaliste Zaw Thet Htwe, le jeune bloggeur Nay Phone Latt
Il est à noter que ce même jour, l’ancien chef des services de renseignements Khin Nyunt (assigné à résidence depuis 2004), plus de 60 anciens agents des services de renseignements (victimes de purges successives) et la famille de Ne Win (l’ancien dictateur dont la famille est assignée à résidence depuis plusieurs années), ont aussi bénéficié de cette amnistie.
Cette annonce constitue une réponse très attendue aux appels répétés des familles des prisonniers de conscience, de l’ensemble du mouvement pour la démocratie et de la communauté internationale depuis plus de 20 ans.
Mais loin des effusions de joie, les premières réactions des prisonniers libérés au cours de la journée sont plutôt mitigées, rappelant l’injustice de leur incarcération, ainsi que leurs camarades toujours emprisonnés.
Depuis mai dernier, les amnisties s’étaient multipliées mais avaient été décevantes, le gouvernement ayant par ailleurs indiqué qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques en Birmanie.
Suite au soulèvement populaire de 1988 et de 2007, environ 2000 prisonniers politiques ont été incarcérés en Birmanie. Pendant plus de 20 ans et malgré les appels incessants de la communauté internationale, les autorités birmanes ont nié leur existence. Emprisonnés dans les conditions les plus abominables, ils ont subi des actes de torture physique et psychologique, ont souvent été placés en isolement total, dans des prisons loin de leurs familles et n’ont pas eu un accès à l’assistance médicale dont ils ont besoin pour survivre. Nombre d’entre eux ont péri du fait de mauvais traitements ou d’un manque de soins adaptés à leurs problèmes de santé.
« Nos pensées vont aux personnes qui viennent de recouvrer leur liberté et à leurs familles. Nous espérons vivement que les autorités birmanes sauront respecter leurs engagements nouvellement proclamés pour la réconciliation nationale et la démocratie en garantissant les libertés civiles et politiques de ces personnes, pour qu’elles n’aient plus jamais à subir d’incarcération infondée et qu’elles puissent, si elles le souhaitent, participer librement et sans crainte à l’avenir politique de leur pays. Si le gouvernement désire véritablement voir se mettre en place une transition démocratique, cette garantie doit s’appliquer à l’ensemble des citoyens de Birmanie », a déclaré Isabelle Dubuis, coordinatrice de l’association Info Birmanie.
Si cette libération constitue indéniablement un geste de bonne volonté sans précédent de la part des autorités birmanes, Info Birmanie appelle la communauté internationale à une grande prudence : si la LND a pu faire état d’environ 600 prisonniers politiques, elle reconnaît cependant qu’il pourrait en avoir bien plus, comme le proclame l’Association d’Assistance aux Prisonniers politiques Birmans (AAPPB). Avant l’amnistie du 13 janvier, l’AAPPB comptabilisait environ 1500 prisonniers de conscience derrière les barreaux.
Il incombe donc à la communauté internationale de s’assurer que le nombre exact de prisonniers qui demeurent incarcérés injustement soit déterminé et d’exiger que tous ceux qui viennent d’être libérés puissent jouir pleinement de leurs libertés civiles et politiques.