Depuis la fin de la dictature en 2011, la liberté de la presse a incontestablement progressé. Mais 3 ans après, le gouvernement semble opérer un retour en arrière inquiétant.
Le 7 juillet, le Président Thein Sein est intervenu à la radio pour aborder les émeutes survenues quelques jours plus tôt à Mandalay. Plutôt que de s’en prendre aux instigateurs des violences, il a menacé les journalistes en déclarant : « si un média abuse de ses libertés et porte atteinte à la sécurité nationale au lieu de favoriser le bien du pays, des mesures judiciaires seront prises contre ce média ». Il venait pourtant d’affirmer que « grâce aux réformes politiques mises en place par le gouvernement, il y a maintenant une liberté d’expression en Birmanie et le pays est devenu l’un des plus libre d’Asie du Sud Est en terme de presse ».
Il semblerait que cette liberté présumée soit accompagnée d’un certain nombre de conditions puisque le soir même, trois rédacteurs du quotidien Bi Mon Te Nay ont été interpellés à leur domicile pour être interrogés sur la couverture du quotidien parue la veille. Celui-ci annonçait qu’Aung San Suu Kyi et des leaders communautaires avaient été élus par le peuple pour faire partie d’un gouvernement d’intérim. Le gouvernement, jugeant que cette Une pouvait « causer un malentendu parmi les lecteurs, constituer une diffamation à l’égard du gouvernement, porter atteinte à la stabilité de l’État et endommager l’intérêt public », a annoncé que des poursuites judiciaires seraient lancées contre le journal. Depuis le 20 juin 2014, de nombreux responsables de médias privés ont été convoqués pour être interrogés par le « département des Renseignements spéciaux ».
En janvier, 5 journalistes d’Unity Weekly avaient été arrêtés pour « violation des secrets d’État » suite à la publication d’un article sur l’existence d’une usine réaffectée en site d’armement et régulièrement visitée par des généraux. Le 10 juillet, ils ont été condamnés à dix ans de prison avec travaux forcés. « Cette décision de la cour de Magway représente un recul grave pour la liberté de la presse. Alors que des progrès avaient été faits en la matière, cette affaire marque un retour à une période obscure du pays, quand les journalistes et les blogueurs étaient emprisonnés pour atteinte à la sécurité nationale ou tentative de renversement du régime, pour avoir simplement effectué leur travail », a déclaré Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
Depuis le début du mois, des journalistes protestent contre ce recul de la liberté de la presse. À Rangoun, plusieurs ont déposés leur appareils photos au sol, se sont barrés la bouche de scotch et ont dévoilé leur tee shirt « stop killing press ». Dans la division de Bago, d’autres ont refusé de couvrir la visite du vice-président birman et ont organisé une marche silencieuse pour soutenir leurs confrères d’Unity, condamnés ces derniers jours.
Sommes-nous en train d’assister au retour des vieilles habitudes de la junte militaire en termes de contrôle de la presse ? Alors que le gouvernement birman vante ses réformes démocratiques, la communauté internationale ne peut pas se contenter des déclarations des dirigeants birmans, elle s’intéresser à ce qu’il se passe réellement sur place.
La Birmanie se situe à la 145e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Sources : RSF, DVB
Pour en savoir plus:
– Communiqué de Reporters Sans Frontières – 10 juillet 2014. : Dix ans de prison pour les journalistes d’Unity : “un recul grave pour la liberté de la presse” en Birmanie
– Communiqué de presse de Reporters Sans Frontières – le jeudi 10 juillet 2014 : Investigations policières et poursuites en justice : les nouveaux outils de la répression à l’encontre de la presse