Vendredi 28 mars, 12h50 (heure locale)
Un séisme de magnitude 7,7 frappe l’ensemble du pays. C’est le séisme le plus puissant enregistré en Birmanie depuis des décennies. Son épicentre est à 14 km de la ville de Sagaing et 16 km de la deuxième ville du pays : Mandalay. Le séisme a frappé en plein cœur d’une zone urbaine, densément peuplée, s’étire du nord au sud et a un impact jusqu’à Bangkok (Thaïlande) et la province chinoise du Yunnan.

La zone géographique impactée est colossale et la population birmane fait déjà face une « litanie de souffrances humaines », avec une crise humanitaire d’ampleur, conséquence du coup d’Etat de la junte le 1er février 2021 ayant déclenché une répression et une guerre d’une violence extrême. Les nouvelles émergent lentement de Birmanie qui subissait déjà des coupures de réseaux imposées par la junte. Le monde découvre les images des piscines qui vacillent sur les toits des immeubles de luxe et l’effondrement d’un immeuble en construction à Bangkok, piégeant des dizaines de travailleurs que nous supposons en grande partie birmans – mais les informations de Birmanie tardent à arriver .
Les zones touchées par le tremblement de terre comprennent les régions de Sagaing, Mandalay, Magwe et Bago, l’est et le sud de l’État Shan, ainsi que Naypyidaw. La quantité d’informations reçue varie grandement selon les zones (celles sous contrôle des forces anti-junte subissaient déjà des coupures de communication) mais dès les premières images, l’ampleur des ravages matériels et humains ne fait aucun doute.
Immeuble, hôpitaux, maisons, écoles, mais aussi lieux de cultes se sont effondrés sous le choc du séisme, qui continue trois jours après de faire des répliques. Les lieux de culte des minorités religieuses, chrétiens et musulmans, sont particulièrement touchés ; cela fait des décennies qu’ils n’arrivent pas à obtenir des autorisations de rénovation, encore moins de construction de nouveaux lieux dans les plaines centrales. En cette période de ramadan, le séisme a frappé à l’heure de la prière des mosquées pleines, datant majoritairement du 19ème siècle. Plus de 50 mosquées dans les régions de Sagaing et Mandalay se seraient effondrées.
Les quelques équipes de secours qui ont pu avoir des visas pour l’instant se sont retrouvées bloquées plusieurs jours sur Yangon. A ce moment-là, les routes sont difficilement praticables certes ; mais la voie fluviale est inactive (les capitaines étant pris pour cible par la junte) et l’aéroport de Mandalay est fermé par la junte. Résultat une seule proposition : Naypyidaw dont l’aéroport a pourtant été bien plus endommagé que celui de Mandalay. La junte a donc monopolisé l’aide vers sa capitale militaire, au détriment des zones densément peuplées de Sagaing et Mandalay. Selon nos informations, de petits avions sont désormais autorisés sur Mandalay, aucune aide internationale n’arrive à Sagaing et les visas et autorisations sont extrêmement rares et difficiles à obtenir pour les humanitaires.

Dimanche soir, le porte-parole de la junte a annoncé interdire les journalistes étrangers, officiellement du fait des conditions instables du pays.
“Le mépris insensible de la junte pour la vie humaine, même face aux ravages causés par le tremblement de terre, témoigne de son inaptitude à superviser l’aide et, plus important encore, de sa volonté de manipuler toute intervention humanitaire.” | Communiqué de presse cosigné par 265 organisations de la société civile, dont Info Birmanie, disponible en français ici.

Trois jours plus tard, les rescapés font face à un manque d’eau, de nourriture, de soins, d’aide médicale, d’outils mécaniques pour les secours… La population est terrorisée par les répliques du séisme qui continue alors que de nombreux bâtiments menacent de s’effondrer. La majeure partie dort donc dans la rue, mais craint un retour en force de l’armée qui a, dans les semaines précédentes le séisme, kidnappé des jeunes pour la conscription militaire et emprisonné des parents qui refuser de livrer leurs enfants. La junte aurait imposé un couvre feu sur la ville de Mandalay, empêchant les secours de travailler de nuit dans ces précieuses heures post catastrophe.
Le risque d’épidémie du fait de l’absence d’eau potable et d’hygiène est très élevé et des barrages ont été endommagés. S’ils ne sont pas réparés à l’arrivée de la saison des pluies, les catastrophes pourraient s’enchaîner. Le NUG a annoncé une cessation de ces activités militaires offensive pour deux semaines ; cette annonce n’a malheureusement pour le moment pas été suivie par l’armée qui continue ses attaques, ni d’autres groupes anti-junte.
L’appel à l’aide internationale de la junte a tourné court, comme lors des précédentes catastrophes naturelles tels que le cyclone Mocha en 2023 et le typhon Yagi en 2024. En pleine campagne de propagande, la junte a continué à bombarder sa population à la suite du séisme !
Bilan provisoire
Dimanche 30, le nombre de victimes documentés par DVB était déjà de 2928, et ce malgré les multiples difficultés d’informations et de communication. Le bilan du tremblement de terre pourrait se situer entre 10 000 et 100 000 morts, a estimé l’institut géologique des États-Unis. L’agence a émis une alerte rouge pour le nombre estimé de morts et estime que cela pourrait réduire le PIB jusqu’à 70 %.

Nous appelons à
- La plus grande vigilance sur l’instrumentalisation de l’aide humanitaire internationale par la junte et l’utilisation de la catastrophe à des fins de légitimation politique, qui a une longue histoire de militarisation de l’aide comme détaillé dans ce communiqué co-signé par 265 OSC, dont Info Birmanie.
- L’aide doit atteindre l’ensemble des victimes, y compris dans les zones hors du contrôle de la junte et impliquer l’ensemble des acteurs, y compris le Gouvernement d’Unité Nationale (NUG), les Organisations Révolutionnaires Ethniques (ERO) et la société civile
- Des observateurs internationaux indépendants doivent être acceptés pour rendre compte de la distribution de l’aide sur l’ensemble des territoires impactés.
- Avant la saison des pluies des équipes d’experts et maîtres d’ouvrage doivent être déployés pour vérifier les infrastructures, notamment les barrages.
- La libération du personnel médical birman emprisonné par la junte, le rétablissement de leur licence et la réouverture des hôpitaux fermés par l’armée – notamment les sept hôpitaux privés à Mandalay forcés à la fermeture car accusés d’employer des professionnels de la santé du mouvement de désobéissance civile. La compétence de l’ensemble du personnel de santé est nécessaire pour faire face à la crise, tout comme l’utilisation de l’ensemble des infrastructures encore en état de mobilisation.
- Le rétablissement des connexions internet et des communications, permettant la coordination de l’aide et l’information aux survivants ainsi que la levée des restrictions sur la communication, l’information et la presse (censure, pare-feu, interdiction de VPN…).
- Un cessez-le-feu immédiat et de longue durée doit être mis en place, incluant une cessation des offensives en cours de l’armée contre la population, particulièrement les attaques aériennes et fluviales qui entravent les efforts d’aide d’urgence et prennent encore d’autres vies birmanes.
- L’aide humanitaire doit privilégié le transfrontalier et la réouverture des aéroports et l’instauration d’une voie fluviale sécurisée est capital, notamment sur l’Irrawaddy permettant à l’aide humanitaire d’atteindre les populations le long de la faille sismique de Sagaing.
- Une grande vigilance des médias vis à vis des informations transmises par le régime militaire birman et saluons le courage et la ténacité des journalistes birmans, ainsi que l’engagement de la presse internationale pour faire sortir une information juste et vérifiée sur la Birmanie malgré l’extrême répression de la liberté de la presse et d’expression dans le pays.
- Les efforts diplomatiques, humanitaires et médiatiques doivent s’inscrire sur le long terme. Le nombre de décès dus à la catastrophe risque d’augmenter massivement dans les semaines qui suivent le séisme et l’impact du cataclysme sera à long terme.
Appel aux dons
Face à l’ampleur de la catastrophe, Info Birmanie et Doh Atu-Ensemble pour le Myanmar s’associent pour une collecte de dons, destinée en totalité aux réseaux d’entraides et d’assistances locaux de la région de Sagaing et de Mandalay, sans intermédiaire.
Les dons collectés serviront exclusivement à répondre aux besoins essentiels des victimes du séisme. Nous concentrerons notre aide sur :
- l’alimentation : distribution de rations alimentaires et d’eau potable aux familles sinistrées
- les soins médicaux : achat de médicaments, premiers secours et prise en charge des blessés
- les abris d’urgence : fourniture de bâches, couvertures et matériel pour protéger les familles déplacées
- les articles de première nécessité : vêtements, produits d’hygiène, couches pour bébés et lampes solaires
Nous comptons sur votre solidarité en cliquant ici. Aidez-nous à leur venir en aide. Chaque geste compte.
