Le Haut-Commissaire V.Türk dénonce la « litanie de souffrances humaines » en Birmanie

Le Haut-Commissaire V.Türk dénonce la « litanie de souffrances humaines » en Birmanie

Traduction de la prise de parole de Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, sur la situation en Birmanie, lors de la 58ème session du Conseil à Genève en février 2025

…………………………..

Excellences, distingués délégués,

La situation des droits de l’Homme en Birmanie est parmi les pires au monde. 

Aujourd’hui, je vais passer en revue une litanie de souffrances humaines difficiles à imaginer. 

Les conflits, les déplacements de populations et l’effondrement économique combinés ont provoqué douleur et misère à travers le pays. Les civils paient un prix terrible. Le nombre de morts dû aux violences en 2024 a été le plus élevé depuis le coup d’État militaire de 2021.

Quinze millions de personnes sont confrontés à la faim cette année et, selon les derniers développements effroyables, jusqu’à deux millions de personnes seraient exposés à la famine.

La plupart des civils ont été tués dans des frappes aériennes brutales et aveugles et des tirs d’artillerie de l’armée, alors que celle-ci continue de perdre du pouvoir. Les attaques ciblées contre des écoles, des lieux de culte, des établissements de santé, des camps de déplacés et des événements publics ont provoqué des pertes massives de civils et des déplacements de population.

Au moins 1 824 personnes ont été tuées en 2024, dont 531 femmes et 248 enfants, mais ces chiffres ne représentent probablement qu’une fraction du bilan réel, faute de données vérifiées dans plusieurs zones clés où de violents affrontements ont eu lieu.

Les analyses de mon Bureau révèlent que l’armée a attaqué des établissements de santé et du personnel plus de 1 500 fois depuis le coup d’État, tuant 131 professionnels de santé.

Les groupes armés opposés au coup d’État ont également pris pour cible des administrateurs, des responsables politiques locaux et des personnes affiliées à l’armée. Bien que l’ampleur et la portée de cette violence ne soient pas comparables à celles perpétrées par l’armée, toutes les parties doivent respecter les droits de l’Homme et le droit humanitaire.

L’armée a poursuivi sa campagne de terreur de la population par des actes d’une extrême brutalité, notamment des décapitations, des incendies, des mutilations, des exécutions, des tortures et l’utilisation de boucliers humains.

Les soldats ont lancé des attaques non provoquées contre des villages où il n’y avait pas de combats en cours.

Par exemple, en octobre dernier, l’armée a mené au moins 13 frappes aériennes, incendié jusqu’à 1 000 maisons et tué au moins 25 civils dans plusieurs villages du canton de Budalin, à Sagaing, en une seule journée.

Près de deux mille personnes sont mortes en détention depuis le coup d’État, dont 410 en 2024, soit plus d’une personne par jour. Les analyses de mon Bureau indiquent que la plupart des décès sont la conséquence d’exécutions sommaires et de tortures.

Des rapports continuent de faire état d’un recours systématique à la torture et aux mauvais traitements, notamment à la violence sexuelle, dans les lieux de détention. Les conditions de détention seraient horribles avec des installations sordides, une surpopulation, de la nourriture pourrie et de l’eau contaminée.

Pendant ce temps, la crise humanitaire continue de faire rage. Plus de 3,5 millions de personnes sont déplacées et 20 millions sont dans le besoin d’assistance humanitaire.

La faim atteint des niveaux catastrophiques et la productivité agricole a chuté de 16 % depuis 2021. Les pénuries d’engrais, la flambée des prix du carburant et les perturbations des échanges commerciaux ont fait grimper le prix du riz de 47 % dans certaines régions.

Monsieur le Président,

Je suis profondément préoccupé par la recrudescence de la violence dans l’État de Rakhine. Bien qu’il n’existe pas de chiffres complets et vérifiés, on estime que les combats intenses entre l’armée et l’armée d’Arakan ont tué des milliers de civils et poussé beaucoup d’autres à fuir.

Les membres de la communauté Rohingya sont fréquemment pris en étau entre les deux parties, qui les prennent pour cible en toute impunité.

Des sources locales ont signalé qu’au moins 40 civils ont été tués et 500 maisons incendiées lors d’un seul incident dans le village de pêcheurs de Kyauk Ni Maw en janvier de cette année.

On estime que des dizaines de milliers de Rohingyas ont traversé la frontière vers le Bangladesh en 2024, malgré la fermeture officielle de la frontière. En 2024, plus de 8 000 personnes ont fui par la mer, soit une augmentation de 80 % par rapport à 2023. Au moins 650 Rohingyas, dont près de la moitié des enfants, sont morts en mer.

Dans l’ouest de l’État de Rakhine, la production alimentaire ne devrait couvrir que 20 % des besoins locaux d’ici à la mi-2025. Le Programme des Nations Unies pour le développement a mis en garde contre une menace imminente de famine et une régression vers le mode survie.

Monsieur le Président,

Le Conseil administratif d’État a pris de nouvelles mesures en 2024 pour militariser l’ensemble de la population du Myanmar.

La mise en œuvre d’une loi sur le service militaire a conduit à une conscription forcée imposée dans l’armée, à des arrestations arbitraires, souvent sous la menace, et à la disparition forcée de femmes et d’hommes aux postes de contrôle militaires et dans les camps de déplacés.

Les hommes âgés de 18 à 35 ans et les femmes âgées de 18 à 27 ans font face à un risque constant d’arrestation et de recrutement dans les forces armées. Cette situation a créé une peur généralisée et de nouveaux déplacements.De nombreux jeunes tentent de trouver refuge à l’extérieur du pays, ce qui les expose à un risque accru de trafic, d’extorsion et d’exploitation, tout en augmentant l’impact régional de cette crise.

La création de soi-disant « groupes de sécurité et de lutte contre le terrorisme » au niveau local a également brouillé la distinction entre militaires et civils, mettant ces derniers en danger.

Collectivement, ces politiques ont eu de graves conséquences sur l’économie, qui était déjà à genoux. Les trois quarts de la population vit au niveau du seuil de pauvreté ou en dessous. Moins de 80 % des enfants en Birmanie sont scolarisés et plus de 3,7 millions de jeunes sont partis chercher refuge au-delà des frontières du pays.

Le produit intérieur brut du Myanmar s’est contracté de 17 % depuis 2020 et ne devrait pas enregistrer de croissance cette année. La monnaie s’est effondrée, et les restrictions sur les importations et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ont fait grimper les prix. L’inflation devrait atteindre 30 % cette année.

Alors que l’économie formelle s’est effondrée, la criminalité et la corruption ont prospéré. Selon l’Indice mondial de la criminalité organisée, le Myanmar était le plus grand centre de criminalité organisée au monde en 2024. Le pays reste le principal producteur mondial d’opium et l’un des plus grands fabricants de drogues synthétiques.

Les centres d’escroquerie à l’Est du pays suscitent de graves inquiétudes dans toute la région et dans le monde entier, concernant la traite d’êtres humains et d’autres violations et abus. Les personnes forcées à la cybercriminalité sont souvent soumises à la torture et à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, notamment des violences sexuelles, des détentions arbitraires et des travaux forcés.

Même lorsqu’elles sont libérées, ces personnes risquent d’être poursuivies dans leur propre pays.

Monsieur le Président,

Il est évident que cette situation suscite de vives préoccupations au sein de la communauté internationale, avec de graves implications pour la paix et la sécurité dans la région et au-delà.

En réponse à cette situation horrifiante, et les rapports à ce sujet sont très sombres, il est impératif que l’armée mette fin immédiatement à la violence, autorise l’accès humanitaire sans entrave et libère toutes les personnes détenues arbitrairement, comme exigé par la résolution 2669 du Conseil de sécurité.

Dans l’État de Rakhine, l’armée d’Arakan doit faire davantage pour honorer ses obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’Homme, et protéger toutes les personnes dans les zones qu’elle contrôle.

Pour briser le cycle d’impunité qui caractérise le régime militaire en Birmanie depuis des décennies, il faut que les coupables de violations et d’abus des droits de l’Homme soient tenus responsables.

En novembre, le procureur de la Cour Pénale Internationale a demandé un mandat d’arrêt contre le chef de la junte militaire, Min Aung Hlaing, pour crimes contre l’humanité présumés impliquant des aspects de déportation et de persécution des Rohingyas en 2017. Le procureur a indiqué que d’autres demandes de mandats suivraient.

À la Cour Internationale de Justice, jusqu’à présent, 11 États sont intervenus dans l’affaire intentée par la Gambie contre la Birmanie, au vu d’allégations de violations de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Sur la base des principes de compétence universelle, un tribunal fédéral argentin a émis un mandat d’arrêt contre Min Aung Hlaing ainsi que les dirigeants militaires et politiques birmans pour les violences commises en 2017 à l’égard des Rohingyas.

Ces mesures envoient un signal important, parallèlement à la mise en place par plusieurs pays et une organisation régionale de sanctions ciblées contre des individus et des entreprises en Birmanie.

Cependant, compte tenu des impacts humanitaires, politiques et économiques qui alimentent l’instabilité dans toute la région, la communauté internationale doit faire davantage.

Je réitère donc mon appel à un embargo sur les armes, assorti de sanctions ciblées conformes au droit international – notamment sur le carburant d’aviation et les biens à double usage – afin de mieux protéger la population de la Birmanie.

Des stratégies créatives sont nécessaires pour fournir une aide humanitaire au-delà des frontières et soutenir les prestataires de services locaux.

Les États membres, en particulier ceux qui ont de l’influence, doivent travailler ensemble pour soutenir les membres de l’ASEAN afin de mettre fin à la violence et résoudre la crise. Cela nécessitera une voie politique qui inclura non seulement le Gouvernement d’Unité Nationale, les groupes ethniques armés et le mouvement démocratique, mais aussi des représentants des groupes de femmes, des jeunes et de la société civile.

Je suis profondément préoccupé par l’impact que les coupures de financement auront sur la société civile et les humanitaires retranchés en Birmanie.

Dans un contexte de situation difficile des droits de l’Homme dans le monde, j’appelle la communauté internationale à donner la priorité à la Birmanie.

Merci.

Rapport | Fermez le ciel

Rapport | Fermez le ciel

Les conséquences désastreuses de l’inaction sur le carburant d’aviation en Birmanie

Un rapport, riche de témoignages, publié par la Blood Money Campaign,  maintenant disponible en français.

Résumé

Cela fait plus de trois ans que l’armée birmane utilise diverses stratégies et tactiques pour réprimer le peuple en révolte depuis la tentative de coup d’État. L’armée birmane s’est également emparée des finances, de l’économie et des revenus tirés des ressources naturelles du pays. Les revenus commerciaux sont également utilisés à des fins militaires. Nous sommes notamment préoccupés par le fait que l’armée birmane détourne le carburant d’aviation commercial à des fins militaires pour cibler les civils. Ces frappes aériennes ont non seulement causé des pertes en vies humaines, mais elles ont également perturbé les moyens de subsistance, déplacé des communautés et détruit des infrastructures, aggravant encore la crise humanitaire.


La faiblesse des mécanismes de contrôle et l’insuffisance des sanctions ont permis non seulement le détournement de carburant d’aviation commercial à des fins militaires, mais aussi l’importation de carburant d’aviation directement par l’armée birmane. Dans ce contexte, les gouvernements des États-Unis, de l’Union Européenne et de l’ANASE doivent prendre des mesures bloquant l’accès de l’armée birmane à toute la chaîne d’approvisionnement en carburant d’aviation en collaborant avec les organisations de sociétés civiles, les instituts de recherche et les défenseurs des droits humains pour surveiller les itinéraires d’expédition et les installations de stockage afin d’adopter des mesures de contrôle, garantissant l’utilisateur final.


Fermez le ciel : Les conséquences désastreuses de l’inaction sur le carburant d’aviation en Birmanie | Blood Money Campaign

Rapport complet en français disponible ICI


Lumières sur la Birmanie

Lumières sur la Birmanie

Rassemblement solidaire aux cotés d’artistes birmans

Commémoration du coup d’Etat du 1er février 2021

Le 1er février 2021, l’armée birmane tente de reprendre le pouvoir par un coup d’Etat. 4 ans plus tard, la population birmane refuse toujours ce retour à la dictature. Pour ce combat pour sa liberté et son avenir, elle subit une répression sanglante. Son quotidien se conjugue entre l’anéantissement de toutes libertés, des attaques aériennes et une crise humanitaire d’une ampleur inédite avec de 20 millions personnes dans le besoin. Malgré l’indifférence de la communauté internationale, le peuple birman poursuit sa lutte avec détermination et résilience.

Programme

Projection du travail de trois femmes photographes birmanes Khin Sandar Nyunt, Shwe Paw Mya Tin et Ri, commentée par Mayco Naing

Dialogue sur les perspectives de la Birmanie avec les chercheurs du Centre Asie du Sud-Est (CNRS-EHESS-INALCO)

Fresque collaborative avec Kyar Pauk

Prise de parole de Nan Su Mon Aung, représentante du Gouvernement d’Unité Nationale en France

Chanson et photographie collective

Retrouvons nous en solidarité avec le peuple birman le 31 janvier à 19h, 4 rue Jean Lantier, Paris

𝑽𝒐𝒖𝒔 𝒂𝒗𝒆𝒛 𝒅𝒆𝒔 𝒃𝒐𝒖𝒈𝒊𝒆𝒔 𝑳𝒆𝒅 𝒆𝒕 𝒍𝒐𝒏𝒈𝒚𝒊 ? 𝑨𝒑𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆𝒛 𝒍𝒆𝒔 !

Organisé par CCFD-Terre solidaire, Doh Atu et Info Birmanie

Discours de Tom Andrews, rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Birmanie

Discours de Tom Andrews, rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Birmanie

Traduction du discours de Tom Andrews, présentant son dernier rapport au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève le 19 mars 2024.

Je comprends que la communauté internationale se concentre sur plusieurs évolutions difficiles à travers le monde. Mais je vous implore, en tant que Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, de diriger votre attention et celle des Nations Unies sur la crise au Myanmar. Si les droits de l’Homme signifient quelque chose, alors ce qui se passe actuellement au Myanmar requiert l’attention et l’action des Nations Unies, y compris du Conseil de sécurité, et si le Conseil de sécurité n’agit pas, alors les États membres des Nations Unies qui se soucient des droits de l’Homme, y compris le les États membres de ce Conseil doivent agir ensemble.

Il y a d’abord une bonne nouvelle à annoncer. Le vent tourne au Myanmar et il tourne en raison de l’opposition généralisée des citoyens à la junte et de la multiplication des victoires sur le champ de bataille des forces de résistance. La junte militaire perd son territoire et ses bases, elle perd des troupes. Elle perd sa capacité à promouvoir la fiction selon laquelle elle est en quelque sorte légitime ou qu’elle peut unir le pays par la force. La junte contrôle désormais moins de la moitié du Myanmar et a perdu des dizaines de milliers de soldats en raison de pertes, de capitulations ou de défections depuis qu’elle a lancé son coup d’État militaire il y a plus de trois ans.

La mauvaise nouvelle est que, bien que désespérée, la junte reste extrêmement dangereuse. Le massacre de civils se poursuit grâce à des armes de guerre puissantes et sophistiquées obtenues à l’étranger. Au cours des cinq derniers mois, les frappes aériennes contre des cibles civiles ont quintuplé, soit une multiplication par cinq. Le nombre de personnes tuées ou blessées par les mines terrestres a plus que doublé, 2,7 millions de personnes ont été déplacées et 1 million de plus devraient l’être cette année, 1 million.

18,6 millions de personnes, dont 6 millions d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire. Lorsque je suis devenu rapporteur spécial (sur le Myanmar), ce chiffre était d’un million – 1 million avant le coup d’État.

Aujourd’hui, la junte a lancé un programme de recrutement militaire forcé, enlevant parfois des jeunes hommes dans les rues. Cela pousse les jeunes à se cacher, à fuir le pays ou à rejoindre les forces de la résistance. Des jeunes qui ne veulent pas se laisser entraîner dans la campagne de brutalité de la junte.

Les membres assiégés de la communauté rohingya sont particulièrement touchés et subissent désormais les bombardements continus des forces de la junte. Mais contrairement à la plupart des habitants du Myanmar, il est interdit aux Rohingyas de se mettre en sécurité. Hier, 23 Rohingyas, dont de très jeunes enfants, ont été tués lors du bombardement d’un village rohingya dans l’État de Rakhine.

Ces horribles attaques et autres violations systématiques des droits humains contre la communauté rohingya se poursuivent sans relâche, malgré les mesures provisoires prononcées par la Cour internationale de justice dans l’affaire de génocide intentée par la Gambie et auxquelles se sont ralliés plusieurs membres de ce Conseil.

Aujourd’hui, la junte tente de forcer les jeunes rohingyas à faire l’inimaginable : rejoindre l’armée même qui commet ces attaques incessantes et qui a commis un génocide contre leur communauté, forçant des centaines de milliers de personnes à traverser la frontière avec le Bangladesh.

Monsieur le président, les actions de la junte militaire ont des conséquences non seulement sur la population du Myanmar, mais également sur la région et, bien sûr, sur le monde entier.

Des milliers de personnes désespérées continuent de fuir vers les pays voisins. Les avions de combat de la junte ont violé l’espace aérien des voisins du Myanmar, des bombes ont atterri au-delà des frontières, les soldats de la junte ont fui pour se mettre en sécurité hors du Myanmar, les réseaux criminels internationaux ont trouvé refuge au Myanmar.

Le Myanmar est désormais le premier producteur d’opium au monde et un centre mondial d’opérations de cyber-arnaque qui asservissent des dizaines de milliers de personnes et victimisent un nombre incalculable de personnes dans le monde. Soyons honnêtes, la réponse de la communauté internationale à ces développements ne fonctionne pas. L’apaisement ne fonctionne pas. Engager la junte sans conditions ne fonctionne pas et cet échec a un impact mondial et doit changer.

Il y a près de trois ans, l’ASEAN a convoqué une réunion d’urgence sur la crise à laquelle participait le chef du coup d’État, le général Min Aung Hlaing. Ce qui en est ressorti s’appelle le consensus en cinq points, dont le premier était de mettre fin à la violence. Mais l’encre de ce document était à peine sèche lorsque le général en chef est retourné au Myanmar et a considéré le document comme de simples suggestions. Sa campagne de meurtres et de chaos s’est accélérée. Depuis, plus de 4600 civils ont été tués, plus de 2,4 millions ont été déplacés.

L’ASEAN et ses dirigeants ont tenté à maintes reprises de dialoguer avec la junte pour mettre fin à cette crise. L’année dernière, par exemple, l’Indonésie, en tant que présidente de l’ASEAN, a facilité des centaines d’engagements avec les parties prenantes de l’ASEAN, y compris la junte. J’ai le regret de dire que ces tentatives vigoureuses et bien intentionnées d’engagement n’ont pas mis fin aux tueries. 

Je crois que la conclusion inévitable à tirer est la suivante : pour que l’engagement réussisse, certaines conditions préalables sont impératives et la première de ces conditions préalables est que la violence doit cesser. Ce point, l’un des cinq points du consensus de l’ASEAN, doit être respecté et devenir une réalité. La communauté internationale doit saper la campagne meurtrière de la junte en lui refusant d’acheter les armes et de disposer de l’argent dont elle a besoin pour poursuivre sa campagne.

Il y a maintenant de bonnes et de mauvaises nouvelles. Bonne nouvelle à signaler sur ce front : dans un document de séance que j’ai publié l’année dernière, «The Billion Dollar Death Trade», j’ai discuté des sources d’armes de la junte.

Parmi eux, 138 entités basées à Singapour avaient transféré des armes d’une valeur de 254 millions de dollars à la junte. J’ai bien précisé qu’il n’y avait aucune preuve que le gouvernement de Singapour était impliqué ou même était au courant de ce commerce et, c’est tout à son honneur, le gouvernement de Singapour a immédiatement lancé une enquête. Je suis très heureux d’annoncer que les transferts d’armes par Singapour, et les entités basées à Singapour, ont chuté de 83 %.

D’autres États membres des Nations unies ont pris des mesures pour priver la junte d’armes et d’argent et ces mesures ont eu un impact, mais elles ont également été lentes. Elles ont été progressives, non coordonnées et réactives. Cela doit cesser et j’appelle à la création immédiate d’une coalition d’États pour établir une stratégie coordonnée et ciblée de sanctions afin de protéger le peuple du Myanmar.

J’aimerais souligner trois autres étapes cruciales, avant de conclure mes remarques, qui peuvent être prises immédiatement.

Premièrement, une stratégie d’aide humanitaire qui apporte rapidement et efficacement l’aide dont ils ont désespérément besoin à ceux qui en ont le plus besoin, y compris ceux qui se trouvent dans les zones de conflit et qui n’ont actuellement que peu ou pas d’accès à cette aide.

Deuxièmement, mettre fin à l’impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. J’exhorte les États membres à la Cour pénale internationale à référer la situation du Myanmar au procureur de la CPI en vertu de l’article 14 du Statut de Rome, en lui demandant d’ouvrir une enquête. Les responsables des atrocités commises au Myanmar doivent savoir qu’ils devront rendre des comptes.

Troisièmement, investir dès maintenant pour préparer la transition du Myanmar. Je demande instamment que l’on soutienne ceux qui construisent un cadre politique permettant aux populations riches et diverses du Myanmar de s’émanciper tout en affirmant que les droits de l’Homme, l’égalité et la justice sont la voie de la paix.

Monsieur le Président, le vent tourne au Myanmar et il tourne grâce au courage et à la ténacité du peuple du Myanmar. Il est temps que la communauté internationale prête attention à la situation du Myanmar et prenne des mesures coordonnées et fortes qui permettront à ces populations de saisir cette opportunité. Ils ne méritent rien de moins.

Merci Monsieur le Président

Birmanie, au lendemain du soulèvement

Birmanie, au lendemain du soulèvement

Un long métrage, six regards

Rejoignez-nous le 31 janvier 2024, à 14h30 au Forum des Images dans le cadre du festival « Un Etat du monde »

Projection en avant-première du long-métrage « Birmanie : au lendemain du soulèvement », suivie d’une discussion en présence de :

Chloé Baills | Doctorante en anthropologie à l’EPHE Olivier Guillard | Chercheur associé à l’Institut d’études de géopolitique appliquée ; Mayco Naing | Artiste et commissaire d’exposition ; Hpone Soe | Chorégraphe et créateur de la troupe Yan Gone ; Modération Johanna Chardonnieras | Coordinatrice d’Info Birmanie

Ouverture par Jean-Luc Romero-Michel | Adjoint à la Maire de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations

art by T_H_A.mm

𝐒𝐲𝐧𝐨𝐩𝐬𝐢𝐬

Des manifestations de masses aux combats armés, la société birmane est entrée en résistance suite à la tentative de prise de pouvoir par l’armée le 1er février 2021. Trois ans plus tard, nous vous proposons un long métrage unique composé du travail inédit de six réalisateurs birmans. Cette immersion se veut une clé de compréhension de l’ampleur d’une révolution qui dépasse désormais la seule volonté d’un système politique fédéral démocratique et s’attelle à questionner tous les aspects collectifs et individuels liés à la dignité humaine.

Collectif de réalisateurs birmans anonymes, production Info Birmanie et Visual Rebellion Myanmar, avec le soutien de la Mairie de Paris.