La junte birmane reçoit de nouveaux avions d’AVIC, proche partenaire d’Airbus, contribuant à des attaques aériennes indiscriminées

La junte birmane reçoit de nouveaux avions d’AVIC, proche partenaire d’Airbus, contribuant à des attaques aériennes indiscriminées

23 décembre 2024

La junte militaire birmane a mis en service au moins huit nouveaux avions fournis par l’Aviation Industry Corporation of China (AVIC), un partenaire proche du géant européen de l’aérospatiale Airbus qui y détient des parts.

Un examen des médias contrôlés par la junte lors de l’anniversaire de l’armée de l’air birmane, qui a eu lieu le 15 décembre 2024, montre un avion d’attaque léger Hongdu K-8 (numéro de queue MAF/3941), au moins six avions de combat légers FTC-2000G (dont les numéros de queue MAF/1407, MAF/1411, MAF/1412 et MAF/1413) et un avion de transport militaire Shaanxi Y-8 (numéro de queue MAF/5922).

Ces types d’avions sont régulièrement utilisés par la junte militaire pour effectuer des frappes aériennes indiscriminées sur la population civile. Entre février 2021 et août 2024, la junte a tué, à minima, 1749 civils dans des milliers de frappes aériennes en toute impunité.

Le dernier transfert de nouveaux avions AVIC montre que l’entreprise continue d’aider et de soutenir les crimes de guerre perpétrés par la junte.

Malgré l’attention croissante du public et les preuves des graves violations des droits humains, impliquant AVIC, Airbus a publiquement nié tout investissement préjudiciable.

Une enquête menée par Info Birmanie et Justice For Myanmar a établi le lien entre Airbus et AVIC, qui a livré de nombreux avions à l’armée birmane, notamment depuis la tentative de coup d’État de 2021 et en dépit du règlement n° 401/2013 du Conseil de l’Union Européenne concernant des mesures restrictives à l’encontre du Myanmar/Birmanie.

Cette situation a donné lieu à des manifestations exigeant qu’Airbus utilise son influence sur AVIC pour mettre fin aux livraisons continues d’avions militaires, d’armes et de services de maintenance, de réparation et de révision d’aéronefs à la junte de Birmanie.

Dans une récente déclaration publique, Airbus a défendu sa relation avec AVIC, qu’il décrit comme « un groupe public chinois d’entreprises d’aviation civile, d’aérospatiale et de défense », et a confirmé qu’il détient une participation de 5 % dans AviChina Industry & Technology Company Limited (AviChina), faisant d’Airbus le premier actionnaire international de cette filiale clé d’AVIC.

Alors qu’Airbus insiste sur le fait que sa participation financière et ses relations commerciales avec AVIC « sont exclusivement axées sur l’aviation civile et les services », il est impossible de dissocier les activités civiles et militaires d’AVIC, notamment en raison de la politique chinoise de fusion entre le militaire et le civil, qui intègre la recherche civile dans les industries militaires.

Dans ce contexte, nous ne voyons pas comment Airbus peut garantir que son activité avec AVIC est limitée à l’aviation civile et notons qu’Airbus n’a pas pris en compte cette situation dans son plan de vigilance.

En tant qu’actionnaire d’AviChina, Airbus est tenu de respecter les normes internationales en matière de commerce et de droits humains, notamment les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, qui exigent des entreprises qu’elles fassent preuve d’une diligence raisonnable en matière de droits humains dans le cadre de leurs relations d’affaires.

La position d’Airbus contraste fortement avec les actions d’autres investisseurs institutionnels, notamment le fonds souverain norvégien et d’importants investisseurs et fonds de pension néerlandais, qui se sont tous retirés d’AviChina en raison de préoccupations éthiques et des risques pour les droits humains posés par le transfert par AVIC de matériel militaire vers la Birmanie.

La défense par Airbus de son partenariat avec AVIC soulève de sérieuses questions quant à son engagement à réduire le risque que ses investissements contribuent à porter atteinte aux droits humains.

Le déni public d’Airbus de toute responsabilité éthique n’a fait qu’intensifier les appels à la responsabilité, y compris des manifestations en Birmanie et à Londres, ainsi qu’une lettre ouverte adressée au PDG d’Airbus, Guillaume Faury, par plus de 300 organisations internationales et locales de la société civile, dont Justice For Myanmar et Info Birmanie, appelant à mettre fin à tous les investissements dans des entreprises qui permettent les crimes de guerre commis par la junte militaire birmane.

La lettre demande à Mr. Faury de prendre « la responsabilité de s’assurer que vous ne permettez pas des crimes d’atrocité par les liens financiers et stratégiques d’Airbus avec AVIC et ses sociétés directement associées telles que AviChina ».

Si Airbus veut se conformer aux normes internationales en matière de droits humains, l’entreprise doit user de son influence sur AVIC pour mettre un terme au flux continu d’armes, d’avions militaires et de services de maintenance fournis à l’armée birmane par AVIC et ses filiales.

Pour plus d’informations

Lire le rapport #Airbusted en français et en anglais ici et l’article de Disclose « Birmanie : Airbus impliqué dans l’armement de la junte militaire »

Communiqué en anglais, format PDF

Communiqué en français, format PDF

#AIRBUSTED

#AIRBUSTED

Comment un proche partenaire d’Airbus, AVIC, fournit des armes à l’armée birmane et ce qu’Airbus devrait faire à ce sujet

Le géant français de l’aérospatiale Airbus est un investisseur et un partenaire d’ Aviation Industry Corporation of China-AVIC, un fournisseur clé d’aéronefs de l’armée birmane, qui sont utilisés pour commettre des crimes internationaux.

Airbusted, un rapport conjoint avec Justice For Myanmar, détaille les affaires d’AVIC avec l’armée birmane et les liens d’Airbus avec AVIC. Malgré le rôle évident d’AVIC dans l’armement de la junte birmane, Airbus a non seulement maintenu, mais augmenté ses investissements et sa collaboration avec les entreprises d’AVIC.

Justice For Myanmar et Info Birmanie demandent à Airbus d’utiliser son influence pour faire pression sur AVIC afin qu’elle cesse toute activité avec l’armée birmane, ou qu’Airbus se désengage de manière responsable.

Notre rapport en français et notre communiqué de presse

Lire l’article de Disclose « Birmanie : Airbus impliqué dans l’armement de la junte militaire »

Our report in english and our press release in burmese

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« Airbus ferme les yeux depuis trop longtemps sur les affaires douteuses conclues par AVIC avec la brutale junte militaire du Myanmar.


« Avec la documentation et les rapports crédibles des Nations Unies sur la crise des droits humains au Myanmar, Airbus devait savoir que son partenaire commercial clé, AVIC, fournissait des aéronefs, des armes et des services de maintenance technique à la junte du Myanmar.


« Airbus et ses États actionnaires doivent mettre fin au flux d’armes d’AVIC vers l’armée génocidaire du Myanmar, ou s’assurer qu’Airbus cesse définitivement ses activités avec AVIC.


« Comment prendre au sérieux les condamnations de l’Espagne, de l’Allemagne et de la France si leurs investissements soutiennent la junte au Myanmar ?


Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar

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« De multiple outils ont été mis en place, en France, au niveau européen et international pour garantir la responsabilité des entreprises. Notre enquête établit de sérieux doutes sur la capacité d’Airbus à les respecter sur la conflit birman.


« Airbus n’est pas une entreprise comme les autres, de par sa production liée à la défense et du fait de l’identité de ses actionnaires fixes : des Etats. Les gouvernements français, espagnol et allemand ont une responsabilité et un devoir d’agir lorsque le partenaire d’Airbus est lié à des crimes de guerre.


« Les gouvernements français, espagnol et allemand, aux côtés de l’Union Européenne ont condamné les atrocités commises en Birmanie. Aujourd’hui ils ont l’occasion de montrer leurs capacité d’actions, en cohérence avec leurs discours, valeurs et prise de sanctions.

Johanna Chardonnieras, coordinatrice d’Info Birmanie
Justice for Myanmar révèle l’existence d’un réseau mondial permettant à l’armée birmane d’utiliser des avions ATR

Justice for Myanmar révèle l’existence d’un réseau mondial permettant à l’armée birmane d’utiliser des avions ATR

Une nouvelle enquête révèle l’existence d’entreprises soutenant l’armée de l’air birmane, qui commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en toute impunité.

Traduction française par Info Birmanie, du communiqué de presse de Justice For Myanmar du 29 août 2024 : « Justice for Myanmar reveals global network enabling Myanmar military’s use of ATR aircraft »

Justice For Myanmar a mis au jour un réseau mondial d’entreprises qui ont permis à l’armée birmane d’acquérir et d’exploiter au moins dix Avions de Transport Régional (ATR) de fabrication française à partir de 2013.

L’armée a utilisé ces appareils pour transporter des troupes et des armes utilisées pour commettre des crimes internationaux, ainsi que pour la surveillance et la reconnaissance.

L’enquête révèle que des sociétés internationales, des courtiers en armes militaires privés et des compagnies aériennes commerciales ont transféré des avions ATR à l’armée, en dissimulant dans certains cas l’utilisateur final, dans une tentative apparente d’échapper aux sanctions.

Des entreprises birmanes et des entreprises internationales ont également aidé l’armée en achetant des pièces détachées et en fournissant des services de maintenance.

Des entreprises établies dans l’Union Européenne – notamment ATR et Sabena Technics en France et Axis Flight Simulation Systems en Autriche – ont permis la poursuite des opérations de vol des avions ATR de l’armée en assurant la réparation des principaux composants, en fournissant des pièces de rechange et des éléments clés, et en permettant la formation des pilotes de l’armée de l’air birmane au pilotage d’avions ATR.

Ces activités ont eu lieu malgré les mesures restrictives de l’UE à l’égard du Myanmar en vigueur au cours de la période examinée et renforcées en 2018.

Des entreprises de Singapour ont permis la poursuite des opérations aériennes des avions ATR au Myanmar en fournissant des pièces de rechange essentielles, y compris après la tentative de coup d’État de l’armée.

Air KBZ – rebaptisée Mingalar Aviation, détenue par le groupe de crony 24 Hour, a joué un rôle central en transférant deux avions ATR à l’armée de l’air et en permettant au courtier en armes International Gateways Group d’utiliser son nom pour acheter deux autres ATR à Vietnam Airlines avant le coup d’État.

Air KBZ a également loué au moins deux ATR à l’armée pour un usage commercial, lui procurant une source de revenus.

Le conglomérat de crony KT Group, lié à l’armée, a négocié l’acquisition de deux avions ATR pour l’armée, par l’intermédiaire de sa filiale MWG Limited, établie dans les îles Vierges britanniques.

D’autres avions ATR ont été fournis par le conglomérat de crony Htoo Group, qui a en outre assuré la maintenance d’au moins six des ATR de l’armée de l’air.

Justice For Myanmar demande aux gouvernements d’empêcher d’urgence l’armée de l’air birmane et ses courtiers d’accéder aux pièces détachées et de remplacement, de recevoir une formation pour le personnel navigant et la maintenance et d’accéder aux instructions nécessaires au maintien en service de ses avions ATR.

Des sanctions ciblées et coordonnées devraient être étendues à toutes les entreprises birmanes qui soutiennent la flotte d’ATR de l’armée, notamment le 24 Hour Group, le KT Group, l’International Gateways Group et le Htoo Group.

Les mesures existantes doivent être appliquées aux violations directes et indirectes passées et présentes.

Les entreprises internationales doivent cesser toute activité avec les négociants en armes et les compagnies aériennes civiles birmanes qui soutiennent la junte.

Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar, déclare :

« Il est inacceptable que l’armée birmane ait pu acquérir des avions ATR, des pièces détachées et des services de maintenance pendant de nombreuses années alors qu’elle commettait un génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en toute impunité.

« La junte utilise maintenant ces avions pour transporter ses troupes et ses armes dans le cadre de sa campagne de terreur à l’échelle nationale, soutenant des attaques indiscriminées contre les civils qui s’apparentent à des crimes de guerre.

« ATR et d’autres entreprises internationales ont manqué à leurs responsabilités en matière de droits humains en ne faisant pas preuve de la diligence requise pour empêcher l’utilisation de leurs produits par l’armée birmane.

«  Les gouvernements doivent prendre des mesures urgentes pour que l’armée de l’air birmane ne puisse plus utiliser les – au minimum – dix avions ATR sur lesquels elle s’appuie pour mener ses attaques brutales contre des enfants, des écoles, des cliniques et des communautés entières.

« Cela doit impliquer de couper l’accès de l’armée aux pièces détachées, à la formation et à l’assistance technique pour ses avions ATR.

« L’utilisation d’avions français par l’armée birmane pour commettre des crimes internationaux montre également que l’Union européenne doit étendre et mieux appliquer ses mesures restrictives à l’égard du Myanmar.

« Singapour doit également faire davantage pour empêcher l’armée d’accéder aux biens et aux technologies à double usage et pour cesser d’autoriser les courtiers en armes de l’armée birmane d’opérer sur son territoire.


Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar

Pour lire le communiqué d’origine en anglais cliquez ICI

Pour lire le rapport complet de Justice for Myanmar en anglais cliquez ICI

Qu’es qu’un Crony ?

Le mot « crony ou cronies » est tiré de l’expression anglaise « crony capitalism » qui pourrait être traduite comme  « capitalisme de connivence ». En Birmanie, on parle de cronies lorsqu’on désigne les magnats de la finance et de secteurs clés de l’économie birmane entretenant des relations de copinage avec les hauts gradés de la junte militaire. Ils sont essentiels à l’existence la junte birmane qui s’est infiltrée, à la manière d’un cartel, dans de nombreux pans de l’économie birmane, lui offrant ressource et pouvoir.