Aujourd’hui, à l’initiative de la Thaïlande et des Nations Unies, 17 pays ont participé à un sommet régional, à Bangkok, pour tenter de résoudre la crise des migrants en Asie du Sud-Est.
Parmi les pays présents, l’Indonésie, la Thaïlande, le Bengladesh, la Malaisie et la Birmanie sont directement concernés par la situation. L’Australie, les Etats-Unis, l’Afghanistan, le Japon, l’Inde et d’autres, indirectement touchés, ont également participé. Trois organisations internationales étaient également présentes : l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Les trois objectifs de la réunion étaient d’évoquer la crise actuelle, d’envisager des solutions de long terme et de lutter contre les réseaux criminels qui profitent de la détresse de ces populations.
Alors que le représentant thaïlandais déclarait seulement : « le principal dossier est de sauver des vies et de s’attaquer aux réseaux » sans pointer du doigt la Birmanie, Volker Turk, du HCR exhortait la Birmanie à prendre des mesures contre le flot de migrants qui fuient depuis des années les persécutions. Il a souligné la nécessité « que la Birmanie assume entièrement ses responsabilités, envers tous ses habitants » pour résoudre le problème. « Accorder la nationalité est le but ultime ». Ses commentaires ont provoqué la colère du représentant birman, le Secrétaire général des affaires étrangères, Htin Lynn qui a accusé l’ONU de « stigmatiser » la Birmanie en mettant en avant sa « responsabilité » dans la crise. Il a, par ailleurs, estimé que ces paroles représentaient une « politisation » de la problématique de migration, et ajouté, comme le fait systématiquement la Birmanie, que ces problèmes relevaient des affaires internes.
La pression diplomatique s’accentue sur la Birmanie et le Bengladesh, pays à l’origine de l’exode massif de ces dernières années.
La Birmanie avait dans un premier temps décidé de boycotter les discussions, puis avait accepté de participer à condition que le terme « rohingya » ne soit pas utilisé. Cette stratégie lui a permis de faire passer sa venue comme une faveur, auprès des pays pour lesquelles la réunion constituait une occasion indispensable de racheter leur conduite. Pour les participants, l’objectif de ce sommet semble en effet être purement médiatique, sans véritable intention de s’attaquer à la racine de la crise. Depuis des années, les autorités thaïlandaises, malaisiennes et birmanes sont impliquées dans ces trafics extrêmement lucratifs et l’ensemble des pays de l’ASEAN a préféré fermé les yeux plutôt que de venir en aide aux migrants. En une journée, comment résoudre un problème qui dure depuis des décennies et dont la responsabilité n’est assumée par personne ? Comment aborder constructivement le sujet sans utiliser le terme « rohingya » qui désigne la majorité des personnes concernées ? Par ailleurs, excepté pour la Thaïlande, les représentants des Etats présents étaient de « simples » délégués et non pas des représentants ministériels.
Les pays de l’ASEAN ne se sont pas compromis et n’ont pas pointé du doigt la responsabilité de la Birmanie. On aurait, notamment, pu attendre de la Malaisie un engagement plus important au sein de la réunion, c’est un pays qui a de plus en plus de poids économique et qui représente la première destination de ces réfugiés.
Il est important de noter que, régulièrement, l’ASEAN s’émeut de la situation des rohingyas mais aucune action concrète n’est jamais prise. En 2008 une crise similaire avait déjà eu lieu, mais l’organisation qui travaille sur le sujet depuis 1999, n’avait pris aucune mesure, se cachant, une nouvelle fois, derrière le principe de non-ingérence.
Pendant ce temps, la police thaïlandaise continue de chercher les camps abandonnés à la frontière malaisienne, 130 corps de migrants clandestins ont été retrouvés dans la jungle. Près de 3500 migrants affamés sont arrivés sur le sol thaïlandais, malaisien et indonésien et l’ONU estime qu’encore 2500 personnes sont encore piégées en mer alors que la mousson arrive. Les sauvetages continuent et les Etats Unis ont, finalement, obtenu l’autorisation de la Thaïlande de survoler la zone à la recherche de bateaux en perdition.
Tandis que l’opinion publique internationale s’émeut de la crise que traverse cette minorité persécutée, Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix, reste réservée et ne s’est pas engagée en faveur des rohingyas. Son aura internationale s’en trouve ternie et son pragmatisme politique est largement critiqué. Le Dalaï Lama l’a même appelée à sortir de sa réserve.