Les autorités birmanes doivent prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces violences, et assurer protection et assistance aux populations sans aucune discriminationLa résurgence de violences dans l’État d’Arakan met en évidence l’incapacité du gouvernement birman à mettre en œuvre des réformes visant à s’attaquer aux causes fondamentales des tensions communautaires et de la discrimination raciale. Les autorités birmanes doivent prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces violences et abus, sans discrimination, et assurer la protection et assistance aux Rohingyas et aux arakanais.
Ce regain de violences entre arakanais bouddhistes et musulmans Rohingyas a éclaté le 21 octobre dans les districts de Minbya et Mrauk U, et s’est vite propagé dans les districts voisins de Myebon, Rathedaung, et Kyauk Pyu.
Le 28 octobre, le quotidien d’Etat le New Light of Myanmar indiquait qu’entre le 21 et le 27 octobre 84 personnes avaient été tuées et que 2950 maisons et 14 bâtiments religieux avait détruits. Le 29 octobre, les autorités ont déclaré que le nombre de morts avait atteint 88 personnes. Il est cependant à craindre que le nombre de victimes soit bien plus élevé.
L’organisation Human Rights Watch a pu se procurer des images satellites montrant que dans la seule ville de Kyauk Pyu, plus de 800 bâtiments et habitations flottantes ont été incendiées et ce, dans une partie où vivent majoritairement des membres de la minorité Rohingya.
Ces dernières violences ont entraîné le déplacement d’au moins 28 000 personnes, dont la plupart sont de confession musulmane. Au moins 4000 personnes ont fui par bateau vers Sittwe, la capitale de l’Etat d’Arakan, où le gouvernement a mis en place une politique de ségrégation des musulmans, les séparant du reste de la population. Ils sont placés dans des camps de déplacés internes entourés de barbelés et gardés par des forces de sécurité armées et n’ont pas accès à une aide humanitaire adéquate.
Au moins 3.000 Rohingya sont soupçonnés d’avoir fui les dernières violences par la mer en traversant la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh, où les forces de sécurité bangladaises se sont vu ordonner depuis le mois de juin dernier de repousser toutes les personnes qui tentaient de franchir la frontière pour chercher refuge contre les violences.
Cette nouvelle vague de personnes déplacées s’ajoute aux 75 000 réfugiés qui avaient fui les violences au mois de juin et qui demeurent dans des camps surpeuplés dans des conditions sordides. L’accès humanitaire dans l’Etat d’Arakan reste insuffisant et le gouvernement doit s’assurer de la livraison de façon sûre et sans entraves de l’aide humanitaire, que ce soit par les Nations Unies ou d’autres organisations en mesure de fournir cette aide à tous ceux qui en ont besoin.
Le 26 Octobre, la commission parlementaire pour l’Etat de droit, présidée par Daw Aung San Suu Kyi, a appelé le gouvernement à renforcer la sécurité dans la région afin de mettre fin aux émeutes et d’enquêter sur les violations des droits humains à travers des procédures judiciaires transparentes. En Août, le gouvernement a créé une commission d’enquête formée par 27 membres et chargée de déterminer les causes des violences dans l’État d’Arakan. Cependant, l’indépendance de la commission et son impartialité ont été remises en cause sachant que certains membres de la commission ont exprimé publiquement de forts sentiments anti-rohingyas et qu’aucun des membres ne fait partie de l’ethnie Rohingya.
Une enquête pleinement indépendante, impartiale et approfondie est essentielle afin d’établir les faits entourant les violences, d’identifier les auteurs, et de s’attaquer aux causes profondes de la discrimination raciale et des tensions ethniques dans l’Etat d’Arakan.
Les forces de sécurité devraient agir immédiatement pour protéger tous les résidents de l’État d’Arakan, sans discrimination. Toutefois, compte tenu des antécédents de l’armée birmane dans la perpétration de graves violations des droits de l’homme et des piètres résultats du gouvernement en terme de responsabilité pour ces violations, la militarisation lourde de la région est un grave sujet de préoccupations. Le gouvernement a en effet envoyé des renforts dans la région, mais de nombreux témoignages indiquent que des soldats tuent un nombre indéterminé de civils dans leurs tentatives pour arrêter les émeutes.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, s’est dit préoccupé et a invité les autorités à faire le nécessaire pour reprendre la situation en main. « Les attaques de milices, les menaces ciblées et la rhétorique incendiaire doivent prendre fin », dit-il dans un communiqué.
« Si cela n’est pas le cas, le tissu social pourrait être irrémédiablement abîmé et la réforme et le renforcement du processus actuellement suivi par le gouvernement probablement remis en cause », ajoute-t-il, évoquant les mesures d’ouverture mises en œuvre depuis que la junte militaire a cédé le pouvoir à une administration civile, l’an dernier.