Déclaration des membres du réseau européen pour la Birmanie
10 octobre 2013
L’Union européenne doit veiller à ce que les violations des droits de l’homme soient mises en lumière dans la prochaine résolution sur la Birmanie de l’Assemblée générale des Nations Unies
Les membres du Réseau européen pour la Birmanie se félicitent de la décision de l’Union Européenne (UE) de renouveler la résolution annuelle sur la Birmanie de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU).
Cependant, nous sommes très préoccupés par le fait que l’UE ait sérieusement envisagé l’arrêt de la résolution, alors même qu’aucune des vingt principales demandes formulées dans la résolution précédente n’a été respectée par le gouvernement birman.
Tout aussi préoccupant, il semblerait que l’UE ait pris la décision de renouveler la résolution seulement suite à des pressions extérieures provenant des États-Unis et de l’Organisation de la Conférence islamique (qui avait averti que si l’UE manquait à la rédaction, celle-ci c’en chargerait). Selon nous, la décision de l’UE aurait dû être guidée en fonction de facteurs fondamentaux, tel que les graves violations de droits de l’homme qui perdurent en Birmanie, et le fait que la Birmanie a échoué à se conformer aux 22 résolutions des AGNU précédentes.
L’UE a déjà levé les sanctions économiques et diplomatiques alors même qu’aucun des critères posés n’avait été rencontré. L’UE a ensuite ouvertement considéré l’arrêt de la résolution sur la Birmanie de l’AGNU, sans qu’aucune des principales revendications indiquées dans la dernière résolution n’ait été pleinement respectée. Cette approche incohérente nuit à la promotion des droits de l’homme en Birmanie et continue à miner la crédibilité de l’UE. Elle perd aussi tout levier permettant d’encourager le gouvernement birman à entreprendre des améliorations importantes concernant les droits de l’homme et des réformes démocratiques profondes et irréversibles.
S’il est important de reconnaître et d’encourager les changements qui ont eu lieu en Birmanie dernièrement, il ne faut pas minimiser ou ignorer les graves violations des droits de l’homme qui continuent et l’absence de progrès significatifs, notamment l’abrogation des lois répressives et la réforme de la constitution de 2008. Les politiques adoptées devraient se baser sur ce qui se passe dans le pays dans son ensemble, et non pas seulement à Nay Pyi Daw et à Rangoon.
Prenant acte des réformes qui ont eu lieu depuis 2011, le contenu de la résolution de l’AGNU de 2012 était bien moins étoffé que les résolutions précédentes, et le ton adopté était beaucoup plus léger. Dix-neuf principales préoccupations sont néanmoins soulignées et environ vingt-six exigences ont été formulées en direction du gouvernement birman. Pas une seule de ces demandes n’a été pleinement respectée. Sur certains points, des progrès ont été réalisées, mais pour la plupart d’entre eux très peu de progrès ont été faits. La situation a même empiré à certains égards.
L’Union européenne doit veiller à ce que les principales violations des droits de l’homme et les questions connexes qui ont été soulignées dans la résolution précédente et qui n’ont pas été pleinement prises en compte, soient incluses dans la prochaine résolution.
La plupart des exigences figurant dans la résolution de 2012 se retrouvent dans pratiquement toutes les résolutions émises depuis plus de 20 ans. Beaucoup font part des violations du droit international, notamment d’éventuels crimes de guerre, crimes contre l’humanité et des violations des traités internationaux. Deux ans et demi après le début du processus de réforme en Birmanie, il est très inquiétant de voir qu’aucun effort concret n’a été fait pour répondre aux préoccupations continuellement soulevées dans la résolution annuelle de l’Assemblée générale, notamment celles relatives aux violations du droit et des traités internationaux. La résolution de l’AGNU devrait fixer un calendrier précis pour traiter ces questions. Ce délai dépassé, les Nations-Unis devront appeler à un recours à des mécanismes internationaux pour faire respecter le droit international.
(Note: Depuis 1997, les différentes résolutions de l’AGNU ont émis au moins 20 appels distincts au gouvernement birman pour enquêter sur les violations des droits de l’homme, ce dernier continue d’ignorer chacune de ces demandes)
Outre les questions soulevées dans la résolution de 2012, de nouvelles violations de droits de l’homme ont eu lieu durant l’année écoulée.
Les violences contre les musulmans
L’incapacité du gouvernement à lutter contre la haine et les violences visant la minorité Rohingya a encouragé la propagation du sentiment antimusulman et des violences à travers tout le pays. Depuis le mois de mars il y a eu de nombreux incidents violents visant les musulmans, faisant de nombreux morts et des milliers de personnes déplacées. Le gouvernement a aussi échoué à prendre des mesures fortes contre ceux qui organisent les violences. Parallèlement, les forces de sécurité restent passives face aux violences, et ne prennent des mesures que tardivement, une fois seulement que les mosquées et les maisons des musulmans sont brûlées.
Aucun effort concret n’a été fait pour faire cesser les violences ou pour s’attaquer à leurs causes profondes. Cela doit être abordé dans la résolution 2013 de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité
En avril 2013, l’organisation Human Rights Watch a publié un rapport apportant les preuves d’un nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité contre les Rohingyas en Birmanie. Se disant résolu à ne « plus jamais » faire preuve d’indifférence face aux atrocités de masse, il est étonnant que l’Union européenne ait maintenu un silence total sur cette question. Il semblerait que son empressement à « s’engager » avec le gouvernement birman, ait rendu aveugle l’Union européenne face à des preuves de nettoyage ethnique.
Il est maintenant clair que le gouvernement birman n’est pas disposé à prendre des mesures efficaces pour prévenir les violences, et à tenir pour responsables les auteurs de ces violences. La résolution sur la Birmanie de l’AGNU devrait donc inclure la mise en place d’une enquête internationale indépendante sur les violences dans l’État d’Arakan.
Les arrestations massives et de nouveaux prisonniers politiques
Depuis plusieurs mois on assiste à une augmentation spectaculaire du nombre de personnes arrêtées en raison de leurs activités politiques pacifiques. Il est encore plus préoccupant de noter que ces arrestations ont lieu en vertu de nouvelles lois saluées par l’UE, notamment la loi autorisant les manifestations. Il est maintenant clair que le comité chargé d’enquêter sur les prisonniers politiques ne répondra pas de façon substantielle à la question des prisonniers politiques en Birmanie. En plus d’appeler à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, le projet de résolution sur la Birmanie de l’AGNU devrait appeler à la mise en place d’un mécanisme d’examen permanent et véritablement indépendant, afin d’évaluer si des prisonniers ont été incarcérés injustement. La résolution devrait également demander la suspension immédiate de l’application de toutes les lois répressives jusqu’à ce qu’elles soient abrogées ou révisées, afin que la Birmanie rentre en conformité avec le droit international et les standards internationaux relatifs aux droits de l’homme. La résolution devrait également exhorter le gouvernement birman à reconnaître pour la première fois que les prisonniers politiques n’auraient jamais dû être emprisonnés en premier lieu, et à fournir une compensation financière aux prisonniers politiques et à leurs familles.
Exigences de la résolution 2012 de l’Assemblée Générale de l’ONU qui n’ont toujours pas été pleinement respectées :
1) Le gouvernement doit poursuivre la réforme électorale. Non atteint – les règles électorales injustes et non démocratiques introduites en 2010 sont toujours en place. Toute élection libre en Birmanie est impossible tant qu’elles n’auront pas été amendées.
2) Le gouvernement doit respecter son engagement et procéder à la réforme complète des médias, notamment en consacrant leur liberté et leur indépendance. Non atteint – le nouveau projet de loi est très éloigné de cet objectif.
3) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à garantir la sûreté, la sécurité et la liberté des défenseurs des droits de l’homme pour qu’ils puissent poursuivre leurs activités. Non atteint – les défenseurs des droits de l’homme sont toujours arrêtés et emprisonnés arbitrairement et les lois répressives sont toujours en place.
4) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à libérer sans délai et sans condition tous les prisonniers politiques, en rétablissant leurs droits et libertés sans exception. Non atteint – Des centaines de prisonniers politiques sont toujours détenues dans les prisons birmanes et les nouvelles arrestations et condamnations d’activistes se multiplient à un rythme alarmant. De nombreux militants sont emprisonnés en attendant leur procès et la majorité des prisonniers politiques libérés, n’ont pas été graciés mais seulement remis en liberté conditionnelle.
5) Le gouvernement doit redoubler d’effort pour mettre un terme aux violations des droits de l’homme, notamment les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les confiscations de terres, les viols et autres formes de violences sexuelles, la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que des violations du droit international humanitaire. Non atteint – Pour chacun de ces abus, des cas ont été documentés par les Nations Unies en 2013, notamment la persistance des viols et autres formes de violences sexuelles. Dans certains cas, comme la confiscation des terres et les déplacements forcés, le nombre de cas a même augmenté.
6) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent pour traduire les coupables en justice afin de mettre fin à l’impunité, notamment en ouvrant une enquête complète, transparente et indépendante sur tous les cas signalés de violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Non atteint – Les abus continuent et le gouvernement et les militaires ne reconnaissent pas que des violations des droits de l’homme ont été commises ni qu’elles continuent en toute impunité.
7) Le gouvernement doit envisager de ratifier d’autres instruments internationaux dans les domaines des droits de l’homme, du droit du travail, des droits des réfugiés et du droit humanitaire. Non atteint – En septembre 2013, le gouvernement birman a même refusé de s’engager à signer la Déclaration d’engagement à mettre fin aux violences sexuelles dans les conflits.
8) Le gouvernement doit poursuivre l’examen de la législation pour en vérifier la conformité aux normes internationales et au droit international des droits de l’homme. Non atteint – Bien que de nouvelles lois aient permis des améliorations dans certains domaines, elles ne sont pas conformes aux standards internationaux et presque toutes les anciennes lois répressives sont toujours en place.
9) Les Nations Unies encouragent la Commission nationale des droits de l’homme à étoffer ses activités de protection et lui rappelle qu’elle doit être une institution indépendante, libre, crédible et efficace conformément aux Principes de Paris. Non atteint – La Commission a refusé de consulter les rapports des violations des droits de l’homme commis dans les zones de conflits, alors que ce sont justement là où les violations les plus graves ont eu lieu. La Commission n’est pas indépendante du gouvernement, ni de la police et des forces de sécurité.
10) . Le gouvernement doit favoriser l’ouverture d’un dialogue politique officiel dans le cadre d’un processus ouvert à tous visant à garantir l’instauration d’une paix durable et la réconciliation nationale. Non atteint – Le gouvernement birman s’est concentré sur des accords de cessez-le-feu sans dialogue politique substantiel.
11) Le gouvernement doit prendre des mesures pour protéger la population civile. Non atteint – Pendant que la dernière résolution était adoptée en décembre 2012, l’armée birmane a lancé une nouvelle offensive militaire et a mené des attaques visant des civils. Des tirs de roquette dans la ville de Laiza – principalement occupée par des civils – ont notamment été lancés. Depuis, l’armée birmane continue de commettre des attaques contre les civils et d’utiliser le viol comme arme de guerre.
12) Le gouvernement doit prendre des mesures pour garantir l’accès entier et rapide des organismes humanitaires, dans des conditions de sécurité et sans entrave. Non atteint – Le gouvernement birman continue d’imposer des restrictions à l’accès humanitaire dans le pays en violation du droit international. Seulement quelques convois humanitaires ont été autorisés.
13) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à prendre des mesures pour améliorer la situation de la minorité ethnique Rohingya et à protéger leurs droits fondamentaux, y compris le droit à une nationalité. Non atteint – Bien qu’aucune attaque n’ait été aussi violente que les événements de juin et d’octobre 2012, les violations des droits de l’homme à l’encontre des Rohingyas sont quotidiennes.
14) Les Nations Unies exhortent le gouvernement, la police et la gendarmerie locale à prendre toutes les mesures nécessaires dans l’État d’Arakan pour protéger immédiatement les civils. Non atteint – Les Rohingyas sont toujours les cibles d’attaques dans l’État d’Arakan et les violences se sont propagées aux Kaman et à l’ensemble des musulmans de l’État. Ces violences ont eu pour conséquence la mort de plusieurs centaines de personnes, des blessés, la destruction de centaines de maisons et le déplacement de dizaines de milliers de personnes.
15) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, notamment les membres du personnel des Nations Unies. Non atteint – Le Rapporteur spécial des Nations Unies a constaté que des centaines d’homme et de femme musulmans sont toujours en prison alors que la plupart ont été arrêtés arbitrairement et jugés lors de procès entachés de graves irrégularités.
16) Le gouvernement doit donner suite aux allégations de violations des droits de l’homme par certaines autorités. Non atteint – Aucune enquête exhaustive n’a été menée sur les violations des droits de l’homme commises par la police, les forces de sécurité, l’armée, l’État et les fonctionnaires ou les autorités pénitentiaires.
17) Le gouvernement doit appuyer l’indemnisation pour dommages graves aux biens ou destruction de biens. Incomplet – Bien que des efforts aient été consentis, la majorité des déplacés vivent toujours dans des camps sordides et n’ont pas reçu d’indemnisation.
18) Le gouvernement doit mener un travail d’investigation avec la participation de toutes les communautés touchées. Incomplet – La Commission chargée d’enquêter sur les événements dans l’Arakan n’a pas suffisamment impliqué les communautés locales et a totalement exclu les musulmans du processus.
19) Traduire les coupables en justice. Non atteint – Bien que certains bouddhistes responsables des violences pendant les attaques dans l’Arakan aient commencé à être jugés, aucune mesure concrète n’a été prise pour juger les personnes responsables de l’incitation, de la planification et de l’organisation de celles-ci.
20) Le gouvernement doit adopter des mesures à court et à long terme dans la ligne d’une politique d’intégration, de réconciliation et de coexistence pacifique de toutes les communautés de l’État d’Arakan. Incomplet – Les recommandations présentes dans le rapport de la Commission d’enquête sur les attaques dans l’État d’Arakan ont été déléguées aux comités et aux ministères, mais ne sont pas considérées comme prioritaires, n’ont pas de soutien politique, ne dispose pas de ressources financières et ne sont pas mise en place de manière à ce que les objectifs affichés puissent être atteints.
21) Le gouvernement doit mettre un terme au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats. Non atteint – L’armée birmane continue de recruter des enfants et ne respecte pas l’accord qu’elle a conclu avec les Nations Unies pour mettre fin au recrutement des enfants soldats.
22) Le gouvernement doit autoriser aux Nations Unies un libre accès à toutes les zones où des enfants soldats sont recrutés. Non atteint – Le gouvernement interdit aux Nations Unies l’accès à certaines bases militaires de l’armée birmane.
23) Le gouvernement s’est engagé à éliminer d’ici à 2015 toutes les formes de travail forcé. Incomplet – L’utilisation du travail forcé par les autorités civiles est en baisse mais il continue d’être utilisé par l’armée birmane dans les régions ethniques.
24) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à donner au Comité International de la Croix Rouge (CICR) accès aux personnes détenues. Incomplet – Certaines visites sont organisées mais le CICR n’a pas été autorisé à mener librement des visites à travers le pays.
25) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à donner accès au Comité International de la Croix Rouge (CICR), aux zones de conflit armé interne. Incomplet – Le CICR n’a été autorisé à se rendre dans les zones de conflits armés qu’à de rares occasions et son accès y a été limité.
26) Les Nations Unies exhortent le gouvernement à intensifier sa coopération avec le Haut-Commissariat de l’ONU pour poursuivre et consolider les réformes engagées au Myanmar dans le domaine des droits de l’homme. Non atteint – Le président Thein Sein est revenu sur sa promesse faite en 2012 d’autoriser le Haut-Commissariat de l’ONU à installer un bureau en Birmanie.
Organisations signataires :
Actions Birmanie (Belgique)
Association Suisse-Birmanie
Azione Birmania (Italie)
Austrian Burma Center
Burma Action Ireland
Burma Aktion (Allemagne)
Burma Campaign UK
Burmese Rohingya Organisation UK
Christian Solidarity Worldwide
Info Birmanie (France)
Norwegian Burma Committee
Polish Burma Solidarity
Social Democratic Students´ Burma Project (Suède)
Society for Threatened Peoples – Germany
Swedish Burma Committee