Le dimanche 3 avril était la journée mondiale pour la liberté de la presse. C’est pourtant le jour qu’a choisi l’armée birmane pour ordonner aux médias de cesser de relayer les déclarations du groupe armé ethnique Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA) contre qui l’armée nationale est en guerre.
Malgré l’optimisme initial qu’ont suscité les réformes des médias et l’assouplissement des restrictions sur la liberté d’expression, la Birmanie a connu une véritable régression dans ce domaine ces deux dernières années.
Actuellement, 12 journalistes sont emprisonnés et la Birmanie est placée au 9e rang des pays les plus censurés au monde dans la liste du Comité de Protection des Journalistes.
Les restrictions visant la presse sont particulièrement rigoureuses lorsqu’il s’agit de critiquer l’armée birmane, d’aborder ses opérations militaires et les violations des Droits de l’Homme que ses troupes commettent. Sa susceptibilité et sa capacité à réprimer toutes les tentatives de diffusion de ces informations, montrent l’emprise disproportionnée, injuste et immorale que détient l’armée sur la presse birmane.
5 journalistes d’Unity journal sont en prison depuis qu’ils ont publié, en janvier 2014, un article sur l’existence d’une usine secrète d’armes chimiques tenue par l’armée birmane. Le gouvernement a nié les allégations et le groupe de presse a été poursuivi. Les journalistes ont été condamnés à 7 ans de prison avec travail forcé en vertu de la loi sur les secrets officiels de 1923. Ce texte mis en place par le régime colonial rend illégal, pour quiconque, de posséder, contrôler, recevoir ou communiquer tout document qui auraient une incidence négative sur la souveraineté ou l’intégrité de l’Etat, ou qui pourraient affecter les relations extérieures de la Birmanie ou constituer une menace pour la sécurité de l’Etat.
7 autres journalistes ont passé leur journée mondiale pour la liberté de la presse en prison. 5 travaillaient pour le journal Bi-Midday Sun et 2 pour le Myanmar Post Weekly.
Ce n’est pas la première fois que l’armée birmane impose ouvertement et arbitrairement sa volonté de museler les médias. En effet, après le viol et le meurtre de deux institutrices kachin en janvier 2015, elle avait menacé de condamner toute personne, y compris les médias, qui affichait un lien entre les meurtres et l’armée birmane.
Il ne s’agit malheureusement pas seulement de menaces d’arrestation. En effet, le journaliste Par Gyi qui couvrait le conflit antre l’armée karen (DKBA) et l’armée birmane a été arrêté, emprisonné et assassiné en prison par les forces de sécurité birmanes. Il aurait été victime de torture mais aucune enquête crédible n’a été menée.
Comme l’a affirmé un journaliste à Amnesty International “le gouvernement à toujours ses limites. Comparé au régime précédant, nous pouvons nous permettre plus de choses, mais si nous dépassons les limites, il y’a des répercussions. […] Si tu exposes les militaires ou les affaires militaires à des critiques, quelles qu’elles soient, tu peux être emprisonné, intimidé. Ils peuvent utiliser la loi contre toi ».
Le gouvernement birman doit libérer immédiatement et de façon inconditionnelle tous les journalistes politiques emprisonnés. Le journalisme n’est pas un crime et la liberté d’expression est plus que jamais nécessaire dans un pays en transition qui s’attend à des élections cruciales.