Info Birmanie dénonce les agissements antidémocratiques de la Commission Électorale à l’encontre des candidats musulmans et notamment des Rohingyas. La politique gouvernementale « d’exclusion » des minorités musulmanes touche désormais les hommes politiques. Depuis 1947, ceux-ci ont toujours eu le droit de participer à la vie politique birmane en tant qu’électeurs mais aussi candidats. Ce ne sera plus le cas à partir de 2015, si la Commission Électorale ne revient pas sur ses décisions.
Au mois d’août, 88 candidats ont été refusés par la Commission Électorale car ils n’étaient pas « conformes aux critères » de citoyenneté ou d’age ou parce qu’ils étaient affiliés à des « organisations illégales ». 28 de ces refus concernent des candidatures de la minorité musulmane des Rohingyas dans l’Etat d’Arakan.
D’autres partis musulmans craignent que leurs candidats ne soient refusés par la Commission Électorale et ne puissent participer aux élections de novembre. « Je crains que les candidats musulmans ne soient pas autorisés à représenter les circonscriptions à majorité musulmane » a déclaré U Zaw Win, le président du Kaman National Development Party (de la minorité musulmane Kaman, reconnue par la constitution). « La question de la citoyenneté est un enjeu très présent… Je pense que d’autres candidats vont être disqualifiés pour cette raison ».
Le parti des anciens militaires de la junte a également décidé que Shwe Maung, actuel député rohingya, ne représenterait plus leur parti politique, l’USDP. Suite à cette exclusion du parti, She Maung avait annoncé qu’il se présenterait en tant que candidat indépendant, dans sa circonscription. Toutefois, le 22 août, la Commission Électorale birmane a annoncé qu’il était désormais inéligible puisque ses parents n’étaient pas citoyens birmans au moment de sa naissance. À l’origine de cette décision, une plainte déposée par son rival issu du Parti National Arakanais – dont l’objectif est de protéger les intérêts de l’ethnie arakanaise.
Shwe Maung a été élu en 2010 en tant que membre de l’USDP, le parti au pouvoir, pour représenter la circonscription majoritairement Rohingya de Buthidaung, dans le nord de l’État d’Arakan. Suite au regain des violences à l’encontre des Rohingyas, c’est l’un des seuls à avoir appelé le gouvernement à garantir le respect des droits de la minorité musulmane.
Shwe Maung souhaite faire appel de cette décision qu’il juge « ridicule » dans la mesure où ses parents « avaient la nationalité birmane bien avant sa naissance en 1965 » et surtout parce qu’il occupe déjà ce poste : «En 2010, j’étais considéré comme un ressortissant. Maintenant, cinq ans plus tard, comment pourrai-je être inéligible ? »
Abu Taher, célèbre homme politique rohingya et président du parti Union Nationals Development et U Kyaw Min, deputé rohingya élu en 1990 et père de la célèbre activiste Wai Wai Nu, devraient en effet être concernés par l’interdiction de se présenter aux prochaines élections. 17 des 18 candidatures déposées pour le parti de U Kyaw Min, dont la majorité des adhérents sont musulmans, ont déjà été invalidées, excluant presque la participation de son parti aux élections. Pourtant celui a déclaré « que toutes les candidatures avaient été étudiées et estimées conformes avec la lois et les règlements de la commission« .
Même s’ils réussissent à se présenter, les candidats musulmans et surtout rohingyas, auront beaucoup de difficultés à remporter leur circonscription. En effet la majorité de leurs électeurs de 2010, disposaient de documents d’identité temporaire : les « white cards » mais celles-ci ont été invalidées au début de l’année 2015 par le président Thein Sein. Plus de 500 000 musulmans de l’État d’Arakan se sont ainsi retrouvés déchus de document d’identité mais aussi de leur droit de vote. Selon la Rapporteur Spéciale pour les Droits de l’Homme, les rares personnes à avoir obtenu par la suite de nouveaux documents d’identité, ne seront pour autant pas autorisés à voter.
Sept candidats du parti de l’opposition ont également été refusés par la Commission Électorale souvent sur des motifs ethniques, mais aucun candidat de l’USDP n’ait été déclaré inéligible jusqu’à présent.
Info Birmanie, qui travaille depuis des années avec Shwe Maung, Abu Taher et U Kyaw Min pour dénoncer les discriminations dont est victime la minorité des Rohingyas, appelle la Commission Électorale à garantir à ses citoyens le droit de se présenter aux élections, quel que soit leur origine ethnique. La Commission Électorale ne doit pas détourner la réglementation birmane pour privilégier les intérêts politiques du parti au pouvoir.
La Communauté internationale et notamment le gouvernement français doivent faire pression sur le président Thein Sein et son gouvernement pour que les minorités ethniques de Birmanie bénéficient des mêmes droits civiques que la majorité bamar. Si la communauté musulmane de Birmanie n’est pas représentée aux élections et ne peut pas voter, les élections ne seront ni libres ni équitables.