Le 27 octobre, les représentants des gouvernements de l’Union européenne vont débattre d’un projet de règlement sur la traçabilité des minerais issus des zones de conflit dits « minerais du sang ». Alors qu’à cette occasion la France devra présenter pour la première fois sa position sur ce projet européen, un sondage CSA* paru ce 25 octobre révèle que 83% des Français, soit quatre sur cinq, souhaitent que la France se prononce en faveur d’une législation contraignante.
Particulièrement riche en ressources naturelles, la Birmanie est un pays où une part importante des revenus de l’extraction est captée par les militaires. Sous couvert d’assurer la sécurité sur les chantiers, ils se rendent coupables de violations des droits humains et d’une violente répression des résistances et des groupes armés ethniques (pressions, arrestations, affrontements armés). Depuis plus de 50 ans, les ressources naturelles, comme le jade, sont au cœur des conflits opposant l’État central aux minorités ethniques. Le contrôle de ces ressources constitue une revendication politique des minorités aspirant à une gestion autonome de ressources naturelles de leur territoire.
Si seuls 14% des sondés confient avoir entendu parler de l’expression « minerais du sang », près d’un Français sur deux déclare savoir que « les téléphones portables contiennent des minerais qui peuvent être à l’origine de conflits ou d’atteintes aux droits humains dans les pays où ils sont extraits »*.
L’enquête dévoile l’importance de la traçabilité pour les consommateurs. Ils sont 66% à affirmer que disposer des informations sur les conséquences et les conditions d’extraction des minerais pourrait influencer leur choix au moment de l’achat d’un appareil électronique.
87 % des personnes interrogées déclarent ne pas faire confiance aux fabricants de téléphones portables pour communiquer de manière transparente et informer les consommateurs sur la provenance et les conditions de fabrication de leurs produits. Les résultats de ce sondage confirment qu’il est difficile de se contenter des déclarations volontaires, ou de la bonne volonté des entreprises qui participent à ce commerce. D’autant plus, que 89% des personnes interrogées souhaitent une législation stricte en France pour venir encadrer ce commerce et 83% se prononcent pour une législation européenne contraignante en la matière.
Le Parlement européen a déjà voté le 20 mai dernier en faveur d’un règlement européen courageux qui imposerait un devoir de vigilance (due diligence), c’est-à-dire, des procédures de contrôle à toutes les entreprises liées à ce commerce, y compris celles qui commercialisent les produits finis tels que les ordinateurs, tablettes, voitures, téléphones portables, etc.
Le gouvernement français ne peut faire la sourde oreille face à cette prise de position forte du Parlement et l’expression claire de l’opinion des Français sur ce sujet. C’est maintenant aux Etats membres de se prononcer et de prendre leurs responsabilités.
*Sondage CSA réalisé du 13 au 15 octobre 2015 auprès de 994 personnes et commandé par l’AITEC, Amnesty International France, CCFD-Terre Solidaire, Info-Birmanie, Secours Catholique – Caritas France et Sherpa.
Les téléphones portables, mais aussi les ordinateurs, les voitures et d’autres objets de la vie quotidienne contiennent des minerais (étain, tungstène, tantale, or…) dont le commerce peut servir à financer des groupes armés responsables de graves violations des droits humains.
En 2013, l’Union européenne a importé près de 240 millions de téléphones portables. Et il y a environ 6,6 g d’étain, 0,83 g de tungstène, 0,04 g de tantale et 0,63 g d’or dans un téléphone portable standard. Cela signifie que quelques 1.584 tonnes d’étain et 151 tonnes d’or sont entrés dans l’UE à travers les seuls téléphones portables et ce au cours de l’année 2013 uniquement. (Source Global Witness)
Pour en savoir plus sur les minerais du sang, consultez le rapport du CCFD Terre-Solidaire : « Des ressources naturelles au cœur des conflits – Agir pour une législation européenne ambitieuse ».
Consultez le sondage complet.