InfoBirmanie, en partenariat avec Terre des Hommes France (TDH), la Fédération Internationale Terre des Hommes (FITDH), et Foundation for Education and Development (FED) participe à un projet visant à réduire la vulnérabilité des migrants entre la Thaïlande et la Birmanie. Cet article d’InfoBirmanie est le cinquième d’une série mensuelle : retrouvez tous les mois une publication thématique pour rendre compte de la situation pressante des migrants birmans en Thaïlande et du contexte de cette migration.
Le périple des enfants birmans vers la Thaïlande
Avec 2401 km de frontière commune entre la Thaïlande et la Birmanie, on compte aujourd’hui au moins 3 millions de birmans travaillant dans le pays voisin, dans l’espoir de mieux gagner leur vie et d’échapper à une situation politique oppressante. Si une partie de ces migrants laisse leurs enfants à leurs familles et envoie de l’argent régulièrement, d’autres, les emmènent avec eux. Malgré des efforts du gouvernement thaïlandais afin de régulariser l’arrivée et la situation des travailleurs migrants birmans sur le territoire, les personnes à charge sont exclues des voies formelles de migration. Les enfants se retrouvent donc clandestins alors que leurs parents ont entrepris les démarches pour acquérir un statut juridique et les avantages sociaux qui vont de pair.
D’autres enfants que l’on retrouve sur les chemins de la migration décident de partir seuls, sentant une grande responsabilité envers leurs familles et un désir de leur envoyer de l’argent pour les aider à survivre, rembourser des dettes et pour que leurs frères et soeurs n’aient pas à subir le même sort. Cependant, les enfants voyageant en solitaire sont bien plus vulnérables à l’exploitation ou à la traite d’êtres humains dans plusieurs secteurs, comme les services domestiques, les usines, l’agriculture, la pêche et la construction. De plus, d’après le rapport américain de 2016 sur la Traite des Personnes, les jeunes femmes et filles birmanes continuent à être victimes de traite pour l’exploitation sexuelle. En utilisant les réseaux de passeurs ou en tombant aux mains des trafiquants, les voyages des enfants sont éprouvants, longs et chers. Ils passent par des zones montagneuses et dangereuses durant la nuit pour éviter d’être repérés, ou sont cachés à plusieurs à l’arrière de camions, exposés à la soif et à la faim et risquant l’asphyxie.
Les petites mains birmanes au travail en Thaïlande
L’âge minimum légal pour travailler en Thaïlande est de 15 ans. Les enfants de moins de 18 ans ne sont pas autorisés à exercer des métiers considérés comme dangereux : les casinos, les salons de massage ou le secteur de la prostitution. En réalité, beaucoup d’enfants birmans trouvent un emploi dans le secteur de la construction et de la pêche. Ils suivent leurs parents et ont la réputation d’avoir de petites mains, idéales pour décortiquer les crevettes et nettoyer les poissons. En effet, une enquête de UNACT a trouvé des enfants dès l’âge de 7 ans travaillant dans cette industrie.
De par leur jeune âge et leur statut irrégulier, ils sont en proie à l’exploitation. Ils ne reçoivent pas le salaire minimum, travaillent de très longues journées, font régulièrement des heures supplémentaires et n’ont peu, voire pas, de jours de repos. Les conditions de travail sont dangereuses, avec beaucoup d’enfants dans le secteur de la pêche qui disent souvent glisser, se couper, se brûler avec de l’huile et coincer leurs doigts dans les machines. Ils sont obligés de payer le matériel de protection et bien qu’il y ait des panneaux de sécurité dans les usines pour les avertir des risques, ils ne savent pas lire pas le thaïlandais.
Protégés par des droits qu’ils ne connaissent pas
En cas de blessure ou de maladie, les enfants birmans n’ont pas accès aux services de santé. Comme ils n’ont, pour la plupart, pas de papiers, ils ne peuvent avoir d’assurance, même si leurs parents en ont une. En effet, les employeurs n’incluent pas les personnes à charge dans leur couverture. Outre la barrière de la langue qui limite leur utilisation des services, les travailleurs birmans ont peur des répercussions de la part des autorités si elles découvrent l’existence de leurs enfants. L’association partenaire d’InfoBirmanie, Foundation for Education and Development (FED) vise à réduire cette vulnérabilité et à répondre aux besoins de santé et d’hygiène des familles birmanes dans la province de Phang Nga, à travers des visites médicales et la diffusion d’information.
Cependant, ces craintes n’ont pas lieu d’être : tous les enfants en Thaïlande, qu’ils possèdent ou non des documents, ont droit à la santé, la protection et l’éducation. Ils n’en sont simplement pas informés. Ainsi, de nombreux enfants migrants birmans ne sont pas scolarisés alors même que les écoles sont chargées d’accueillir des élèves de toutes origines et de leur procurer un numéro d’identification s’ils n’en ont pas. A défaut, des organisations comme FED ont mis en place des “migrant learning centers” (MLC) : centres d’apprentissage pour les migrants. Leur nature associative tend à rassurer les parents mais d’autres obstacles financiers et pratiques entravent l’éducation des jeunes, tels que la distance des écoles et le coût des transports ou des dortoirs sur place. Les familles sont souvent découragées par le fait que les cours soient dispensés en thaïlandais, par l’absence d’équivalence entre les diplômes birmans et thaïlandais et par la non-reconnaissance des certificats des MLC. Elles en concluent donc que travailler est une meilleure utilisation du temps.
L’importance de l’éducation des enfants migrants : une reconnaissance essentielle au niveau local, national et régional
Lors d’un entretien, Patima Tungpuchayakul et Chutima Sidasatian de la Labour Protection Network (LPN), basée à Bangkok, ont fait part de l’importance de l’éducation pour lutter contre le cycle de l’exploitation et la traite des êtres humains, notamment chez les enfants birmans. Leur association milite pour qu’ils soient intégrés dans les écoles publiques thaïlandaises, malgré une forte résistance et discrimination de la part des parents thaïlandais. Afin de faciliter leur insertion, le LPN organise des centres éducatifs temporaires, des classes bilingues et un dispositif éducatif mobile afin d’encourager les enfants à s’inscrire à l’école. Pour les parents, ils organisent des ateliers afin de renforcer leur confiance en la communauté locale et les services publics proposés sur place. Elles ont évoqué le futur projet de la LPN qui est celui de mettre en place des centres éducatifs sur les lieux de travail car beaucoup d’enfants y restent la journée en attendant leurs parents, ou y travaillent. Cela permettrait à l’organisation de toucher une population souvent exclue de ces initiatives, mais elle a besoin de dons pour réussir à atteindre cet objectif.
Cette mobilisation associative autour de la situation des enfants birmans en Thaïlande s’inscrit dans le cadre d’un mouvement régional pour lutter contre le cycle de la pauvreté et les risques d’exploitation qui vont avec. Début août 2019, à Bangkok, les ministères de l’Education birman et thaïlandais se sont réunis pour parler de leur coopération au sujet de l’éducation des enfants vivant entre leurs deux pays. Ils ont reconnu que la qualité de cette éducation devait venir de leur étroite collaboration, notamment pour réduire la barrière de la langue, former les professeurs, soutenir la transition entre les systèmes birmans et thaïlandais et renforcer les mécanismes de gestion de données afin de mieux pouvoir appréhender le problème.
Comme nous l’a si bien dit le LPN, il faut agir : les enfants sont à un âge où l’on peut encore intervenir et c’est une responsabilité que de leur donner l’espoir et les clés d’une vie meilleure.
20 novembre 2019,
Clara Sherratt, pour InfoBirmanie.