CP 5 novembre 2020 – Le contexte dans lequel les élections législatives vont avoir lieu dimanche en Birmanie nous inquiète. Depuis des semaines, des représentants de l’ONU et de la société civile s’alarment d’un « espace démocratique » qui se restreint encore davantage à l’approche du scrutin (à supposer qu’il existe encore) : censure de la part de la commission électorale, atteintes systématiques à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, répression de toute parole critique visant l’armée ou le gouvernement, privation du droit de vote sur des critères de «race, d’ethnie et de religion» ou au motif de l’insécurité, discours de haine à l’encontre des musulmans sur les réseaux sociaux, restriction d’accès à internet pour plus d’un million de birmans…
Avec sa décision d’annuler la tenue du scrutin dans plus de 56 cantons au nom de l’insécurité – sans discussion préalable, sans transparence et sans alternative – la Commission électorale ne fait qu’accentuer les griefs des minorités ethniques à l’encontre du pouvoir central. Cette décision prive d’élection plus de 1 500 000 électeurs issus de ces minorités. Dans l’état d’Arakan – qui a cruellement besoin de dialogue politique et où l’enjeu de la représentation politique est particulièrement fort – les élections n’auront pas lieu dans plus de la moitié des cantons. Cela comporte le risque d’accroître la violence politique au lendemain du scrutin.
New Myanmar Foundation – une organisation de la société civile qui va suivre les élections – relève que la période pré-électorale a été marquée par davantage de cas de violence, comparée au scrutin de 2015. Cette violence, qui est allée jusqu’à la mort d’un soutien de la LND, émane principalement de partisans de l’USDP, le parti associé à l’armée.
Une armée qui, à quelques jours du scrutin, joue la carte de l’intimidation. Elle émet, à son tour, des mises en garde sur le scrutin, en pointant des irrégularités de la part de la Commission électorale et en mettant en cause la responsabilité du gouvernement. Allant jusqu’à sortir du cadre de la Constitution de 2008 qui lui confère pourtant déjà des pouvoirs exorbitants, elle met en cause par avance la légitimité du scrutin. Cette intrusion publique de l’armée dans le jeu politique vient rappeler la menace qu’elle continue de faire planer sur le pays.
Une armée de nouveau mise en cause pour des crimes de guerre – voire des crimes contre l’Humanité – dans l’état d’Arakan, qui a récemment déployé des troupes à la frontière avec le Bangladesh et qui mène actuellement une campagne de propagande en ligne aux fins de diviser les populations Rohingya et Rakhine. Les diatribes et la reddition orchestrée du moine extrémiste Wirathu – poursuivi pour sédition – ne font qu’alimenter les spéculations.
Les élections n’ont pas encore eu lieu, mais la légitimité de leurs résultats semble déjà en cause, dans un mélange de motifs légitimes et de raisons moins louables qui ajoutent à notre inquiétude.
Le pays étant fermé, le suivi des élections par les organisations locales et la société civile est crucial. D’autant que les médias locaux ont été mis de côté par le gouvernement : ils sont considérés comme une « activité non-essentielle » dans le cadre des restrictions sanitaires.
A défaut de pouvoir être sur place, Info Birmanie continuera de relayer les voix de ses contacts sur le terrain. A quelques jours des élections, nous pensons à tous les birmans qui défendent les valeurs de la démocratie et les droits humains et en appelons aux médias français pour qu’ils suivent de près le scrutin, le positionnement de la France et de la communauté internationale, et l’évolution de la situation post-électorale.
Contact presse : Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33