Le sort des prisonniers politiques, enjeu fondamental de la démocratisation de la Birmanie

Le sort des prisonniers politiques, enjeu fondamental de la démocratisation de la Birmanie

Le sort des prisonniers politiques est plus que jamais un des enjeux fondamentaux de la démocratisation de la Birmanie. La récente condamnation de U Gambira à six mois de prison assortis de travaux forcés, montre que le poids de l’armée pèse encore fortement sur les institutions civiles. Les accusations fallacieuses qui ont permis l’emprisonnement de l’ancien moine leader de la révolution safran en 2007 sont typiques des pratiques de l’ancienne junte militaire et révèlent une animosité particulière et toute politique contre lui.

Le nombre de prisonniers politiques reste malheureusement encore élevé malgré l’amnistie accordée par le nouveau président birman le 17 avril. Htin Kyaw a été lui-même emprisonné plusieurs mois en 2000, comme militant proche d’Aung San Suu Kyi, et parmi les parlementaires issus de la NLD environ 115 sur les 390 sont eux-mêmes anciens prisonniers politiques. On peut donc espérer que cette question soit traitée prioritairement, d’autant que la NLD a promis de libérer tous les prisonniers politiques une fois au pouvoir et a adopté les critères définis par le séminaire qui s’est tenu à Rangoun en août 2014.

U-Gambira-arrested
Crédit photo : Bo Bo / Mizzima

Emprisonné de 2007 à 2012, U Gambira, de son vrai nom Nyi Nyi Lwin, a subi des conditions extrêmement éprouvantes : longues périodes d’isolement, tortures et mauvais traitements, maladies et absence de soins… Le lot des prisonniers politiques. Depuis sa libération, il a dû, comme beaucoup d’autres, subir harcèlement, menaces et arrestations de la part des autorités, et il souffre de graves problèmes physiques et mentaux.

Par-delà son cas, c’est la question de l’avenir des anciens prisonniers politiques qui se pose, tant d’un point de vue social et politique, que médical et psychologique. Une fois libérés, ils ne retrouvent pas pour autant une vie normale : sans droits, souvent sans travail, et mentalement et physiquement détruits, leur réadaptation peut être très dure et ne se fait souvent qu’avec l’aide de leur famille et des associations.

Le Centre International pour une Justice de Transition 3 a rencontré nombre d’entre eux et note que pour beaucoup leurs peines deviendraient pires à supporter s’ils ne pouvaient obtenir leur part de démocratie. Libérer tous les prisonniers de conscience semble bien être dans l’intention du parti d’Aung San Suu Kyi maintenant au pouvoir. Mais l’autre enjeu politique pour le nouveau gouvernement est la reconnaissance du rôle des anciens militants incarcérés dans la lutte pour la démocratie, et leur réhabilitation complète.

C’est une des étapes de la transition nécessaire à une véritable réconciliation nationale, mais qui peut se heurter pour l’instant à une bureaucratie monolithique, à une justice inéquitable et corrompue, et surtout à une armée encore peu désireuse de laisser ses prérogatives politiques et de reconnaître ses erreurs.