La Birmanie prépare le recensement national qui doit se dérouler du 30 mars au 10 avril 2014, il s’agit du premier recensement depuis 1983. Avant cela, les seules statistiques crédibles dataient de l’époque de la colonisation britannique.
Si l’actualisation des statistiques d‘une population est essentielle car elle permet d’anticiper les perspectives ainsi que les besoins économiques et sociaux d’un pays, un tel recensement dans le contexte actuel constituerait une véritable menace pour les minorités ethniques et la stabilité du pays
Il risquerait d’impacter tout particulièrement les populations musulmanes. Depuis 2012, les regains de violences à l’encontre des musulmans, et tout particulièrement de la minorité Rohingya, ont été largement motivés par des campagnes de haine qui surfent sur la peur d’une « islamisation de la Birmanie ». Sachant que les résultats du recensement indiqueront probablement une augmentation forte du nombre de musulman en Birmanie (selon les chiffres actuels il y aurait 4% de musulmans), ils donneront donc plus de crédit aux discours haineux des leaders des mouvements racistes.
Plus largement, toutes les minorités ethniques de Birmanie seraient également impactées, ce recensement ayant de forts risques d’attiser les tensions. Initialement, certains leaders ethniques pensaient que le recensement permettrait enfin une reconnaissance de leur identité ethnique. Cependant, le manque de consultations, la complexité pour récolter des données, les doutes quant à leur exactitude, les problèmes de classification et de codification des différents groupes ethniques, ont causé de nombreuses controverses. La plupart des organisations ethniques demandent aujourd’hui un changement dans le processus du recensement et son report.
Cette situation pourrait aussi directement affecter le processus de paix et, dans la mesure où les résultats seront publiés peu de temps avant les élections présidentielles, perturber leur tenue.
Par conséquent, ce recensement devrait être reporté, jusqu’à ce qu’un accord politique global soit conclu avec tous les groupes armés ethniques, que des réformes politiques durables soient mises en place et institutionnalisées, et que les violences intercommunautaires soient abordées par le gouvernement.
Pour Célestine Foucher, coordinatrice d’Info Birmanie, « un recensement dans ce contexte, mettrait des centaines de milliers de personnes dans une situation de grande vulnérabilité. La communauté internationale ne peut encourager un tel désastre annoncé ! », «Le gouvernement birman doit stabiliser la situation, et notamment les tensions religieuses et ethniques avant de lancer une démarche si sensible ».
Ce recensement, mené avec l’aide du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), n’aurait pas pu être organisé sans le soutien logistique et financier de la communauté internationale. Info Birmanie appelle la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement birman pour qu’il reporte le recensement de la population prévu à la fin du mois de mars et assure la sécurité de sa population.
Pour savoir plus :
– Burma’s Census: Not Worth Dying For, Burma Campaign UK
– Myanmar Conflict Alert: A Risky Census, International Crisis Group