La Birmanie est un pays très riche en ressources naturelles, et l’exploration en cours de nouveaux blocs pétroliers et gaziers laisse à penser que les investissements dans le secteur sont loin de se tarir.
Depuis la nationalisation du secteur en 1963, les régimes au pouvoir ont largement profité de ces ressources en les faisant exploiter par des groupes pétroliers internationaux tout en s’enrichissant sur le dos de la population. Selon Earth Rights International (ERI), l’exploitation du seul projet gazier de Yadana (exploité par TOTAL) entre 1998 et 2009 aurait permis au régime militaire birman de placer près de 5 milliards de dollars sur des comptes à Singapour, soit la moitié des revenus générés par le projet. La population quant à elle n’a récolté que les miettes, a subi l’impact des dégradations environnementales et a été victime de confiscations de terres et de violations des droits de l’homme liées à la militarisation des zones exploitées.
L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) est une initiative volontaire et multipartite qui contraint les gouvernements et les entreprises à publier les revenus générés dans le secteur extractif (pétrole, gaz et secteur minier). Le Président Thein Sein déclarait en décembre 2013 : « Nous voulons utiliser l’ITIE pour garantir que ces ressources sont développées et gérées de manière transparente et pour le bénéfice du peuple ».
Au mois de juillet 2014, le Conseil d’administration de l’ITIE a accepté la Birmanie en tant que candidate. Toutefois être candidat ne signifie pas valider la norme ITIE. En effet, pour être conforme à cette initiative, le gouvernement birman doit opérer des changements drastiques qu’il ne semble pas prêt à mettre en place… En effet, trois ans après la fin de la dictature, corruption et opacité caractérisent toujours l’industrie pétrolière birmane : entre 2013 et 2014, des dizaines de blocs terrestres et maritimes d’exploitation de pétrole et de gaz ont été attribués, dans un manque total de transparence, à des groupes pétroliers internationaux.
L’attribution de la licence de téléphonie mobile aux groupes Ooredoo et Telenor en 2013, a prouvé que la Birmanie pouvait organiser des appels d’offre transparents et équitables. Pourtant la méthode d’attribution des blocs pétroliers rappelle les méthodes secrètes de la junte militaire et montre le manque de volonté du gouvernement birman d’abandonner sa main mise sur le secteur pétrolier. Des entreprises du monde entier se préparent ainsi à signer des contrats dans un pays où 50 ans de dictature, d’isolation du monde et de corruption généralisée ont marqué la culture politique du pays.
Global Witness, une organisation non gouvernementale spécialisée dans la lutte contre les conflits et la corruption liés aux ressources naturelles, a écrit aux 47 entreprises qui ont remporté les blocs pétroliers et gaziers en Birmanie pour leur demander l’identité de leurs propriétaires et ainsi cibler les entreprises anonymes qui contribuent largement à la corruption. Seulement 13 entreprises ont répondu aux questions: 11 entreprises internationales sur 31 et 2 entreprises locales sur 15. Cela signifie que plus de la moitié des groupes internationaux ont refusé de dévoiler leurs véritables propriétaires, et que même lorsqu’elles l’ont fait, les entreprises locales avec lesquelles elles travaillent, sont restées silencieuses.
Pour une entreprise, garder l’anonymat est souvent une façon de dissimuler ses activités illicites au public et de contourner discrètement la loi. Pour Juman Kubba, analyste chez Global Witness: « Les citoyens ont le droit de savoir à qui est attribué l’exploitation de leurs ressources les plus précieuses et les entreprises devraient saisir cette opportunité pour montrer qu’elles n’ont rien à cacher ». Sans transparence des entreprises ni des autorités, la corruption dans le secteur pétrolier semble avoir encore de beaux jours devant elle.
L’industrie extractive pourrait permettre aux populations de profiter des milliards générés chaque année s’ils étaient dépensés pour le développement du pays. Sans transparence des revenus du secteur, le peuple birman ne peut contrôler leur utilisation ni demander des comptes. L’adhésion à l’ITIE, constitue une opportunité pour le gouvernement birman de montrer sa volonté de mettre en œuvre ses promesses et de s’ouvrir davantage.