CP 3 juillet 2020 – Attendue depuis des mois, une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu appelant à un arrêt immédiat et mondial des conflits armés et à une « pause humanitaire » au nom de la lutte contre la Covid-19 a afin été adoptée le 1er juillet, sous la présidence de l’Allemagne[1]. Le porte-parole du Secrétaire général de l’Onu estime que l’adoption de cette résolution « enverra un signal important aux parties au conflit et pourrait aider à modifier les calculs sur le terrain » [2].
Jusqu’à présent, les autorités birmanes sont demeurées sourdes à l’appel à un cessez-le-feu mondial lancé par le Secrétaire général de l’Onu le 23 mars. Cet appel a été relayé en vain par 18 Ambassades, et par des centaines d’organisations de la société civile et d’organisations humanitaires internationales. La mobilisation équivalente pour qu’il soit mis fin à la plus longue coupure d’internet au monde – en vigueur depuis maintenant un an dans une partie des états d’Arakan et Chin – n’a pas été davantage entendue. Une partie de la population touchée par cette coupure ignore jusqu’à l’existence de la pandémie, l’enjeu de santé publique n’étant pas le seul face aux combats qui s’intensifient et aux sévères restrictions d’accès à l’aide humanitaire, et à l’information d’une manière générale.
L’armée birmane refuse d’intégrer le conflit qui l’oppose à l’Armée de l’Arakan (AA) dans sa déclaration de trêve unilatérale. Bien que mal respectée dans les zones de conflit qu’elle couvre, cette trêve est d’une urgence absolue dans les états d’Arakan et Chin. Mais depuis que les autorités ont qualifié l’AA d’organisation terroriste, la justification officielle de l’escalade est toute trouvée et le dialogue rendu impossible. Dans le prolongement de cette logique, le commandant en chef de l’armée a récemment dénoncé « les forces » qui soutiennent les « terroristes », appelant à une coopération internationale contre le terrorisme.
Depuis les débuts de la pandémie, les combats dans les états d’Arakan et Chin n’ont cessé de s’intensifier. La semaine passée, l’armée birmane a annoncé le lancement d’une «opération de nettoyage» au niveau de Kyauktan, dans le canton de Rathedaung. Si les autorités centrales ont réprouvé l’emploi d’un terme de sinistre mémoire, une opération de l’armée est bien en cours. Plus de 10 000 villageois ont, selon l’Onu, pris la fuite à la suite d’un ordre d’évacuation initialement lancé par les autorités locales en réponse à l’annonce de l’armée.
Dans un communiqué du 27 juin 2020, Burma Human Rights Network (BHRN) fait état de maisons détruites par le feu dans le village de Kyauntan, d’arrestations de civils qui tentent d’échapper à la violence et de civils en fuite qui se dirigent vers les cantons de Rathedaung et de Sittwe et vers les villages alentours à la recherche d’un abri.
BHRN souligne que cette opération se fait non seulement au mépris du droit humanitaire, mais aussi de la décision rendue par la Cour Internationale de Justice visant à protéger les Rohingya. Devant le Conseil des droits de l’Homme le 30 juin, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’Onu, a notamment évoqué le fait que l’armée a, le mois dernier déjà, brûlé de vastes étendues du canton de Buthidaung où vivaient des Rohingya avant 2017. Selon des témoins et des images satellites, une zone couvrant jusqu’à une douzaine de villages Rohingya a été réduite en cendres… Or ces villages ne sont pas seulement les lieux dans lesquels les Rohingya aspirent à revenir, mais également des sites à préserver par rapport à l’établissement des preuves des crimes commis en 2017.
Face aux « opérations de nettoyage » annoncées, les représentations diplomatiques de l’Australie, du Canada, du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont publié un communiqué pour faire part de leur inquiétude par rapport à l’impact historique de ces opérations militaires sur les civils. Alors que l’ONU s’alarme également des conséquences humanitaires de cette intensification des combats, l’impuissance à mettre un terme à la violence et à l’impunité de l’armée birmane reste de mise.
Face à l’extrême gravité de la situation, nous demandons à la France de s’exprimer sur les opérations en cours et d’appuyer, par tous les leviers possibles, notamment au sein de l’Union Européenne et auprès des autorités birmanes, l’adoption d’un cessez-le-feu général en Birmanie.
Contact Presse : Sophie Brondel sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33
[1] ONU info souligne que ce pays, membre non-permanent du Conseil, avait, le 9 avril, dénoncé par la voix de son ambassadeur à l’ONU, le « silence assourdissant » de l’organe onusien face au « plus grand défi auquel la civilisation a été confrontée depuis la Seconde Guerre mondiale ». Le premier jour de sa présidence vient remédier à ce silence. Le projet de résolution a été rédigé par la France et la Tunisie.
[2] Dans sa résolution, le Conseil précise que sa demande de cessation des hostilités « ne s’applique pas aux opérations militaires menées contre l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), Al-Qaïda et le Front Al-Nusra (ANF), ainsi que contre tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés aux groupes terroristes, qui ont été désignés comme tels par le Conseil. »