Barack Obama, s’est rendu en Birmanie au mois de novembre dans le cadre du 25ème sommet de l’ASEAN. Sa 2nd visite officielle sur le sol birman était très attendue dans la mesure où les réformes qu’il avait tant célébrées en 2012, sont depuis restées au point mort lorsqu’elles n’ont pas fait marche arrière.
Au mois d’octobre, devant l’assemblée générale des Nations Unies, le rapporteur spécial pour les droits de l‘homme en Birmanie a souligné des signes inquiétants de retours en arrière. Quelques jours avant l’arrivée du président américain, Aung San Suu Kyi, leader de l’opposition, a estimé que le processus de réforme était au point mort depuis près de deux ans et a appelé les États-Unis à plus de vigilance, estimant que Washington semblait « trop optimiste ». Enfin, de nombreuses organisations d’étudiants, de travailleurs, d’activistes et de minorités ethniques ont adressé des lettres ouvertes au président américain pour mettre en lumière la persistance des violations des droits de l’homme dans le pays et lui demander de faire pression sur le gouvernement birman. « Le président Obama devrait exercer une véritable pression sur le gouvernement pour qu’il agisse en faveur de l’éducation, du processus de paix et de l’amendement de la constitution » a notamment déclaré D Nyein Lin, pour la Federation of Student Unions.
À son arrivée en Birmanie, Barack Obama a envoyé des signaux contradictoires. Il a accepté de rencontrer le président Thein Sein dans la nouvelle capitale, Nay Pyi Daw, ville sortie de la jungle en 2005 sur décision de la junte militaire et sans aucune consultation populaire. Il a ensuite rencontré Aung San Suu Kyi, chez elle, lieu emblématique où elle a passé des années assignée à résidence. Le président a également passé plus de temps et d’exposition médiatique aux côté de la leader de l’opposition et a finalement déclaré, au sujet des réformes démocratiques, « le travail n’est pas fini », le processus n’est « ni achevé, ni irréversible ».
Alors que les élections nationales attendues depuis plus de cinquante ans par une société civile en ébullition, devraient avoir lieu dans moins d’un an, le président américain a appelé au côté de l’opposante, à des élections « libres et équitables ». Il a rajouté « Le processus d’amendement de la constitution doit refléter davantage l’inclusion que l’exclusion. Par exemple, je ne comprends pas une disposition qui empêche quelqu’un de devenir président en raison de l’identité de ses enfants. Je trouve que cela n’a pas vraiment de sens. »
Quelques jours plus tard, les autorités birmanes ont fait savoir qu’elles ne modifieraient pas la constitution avant les élections de novembre, montrant par ailleurs leur indifférence quant au discours du président Obama. La clause de la Constitution qui empêche Aung San Suu Kyi de briguer la présidence sera donc maintenue jusqu’en 2016 au moins, elle ne pourra donc pas être candidate si son parti politique, largement favori, remporte les élections législatives de 2015. La communauté internationale est avertie : les élections de novembre prochain ne seront ni justes et équitables.
La visite officielle de Barack Obama a également été très attendue par les organisations de défense de la minorité persécutée des Rohingyas. En effet, le gouvernement birman qui mène une politique discriminatoire à l’encontre de la minorité musulmane, ne reconnait pas leur nom et a récemment demandé à la communauté internationale, à commencer par les États-Unis et l’ONU, de cesser d’utiliser le mot « Rohingya ». Une campagne « Président Obama, say Rohingyas ! #JustSayTheirName » relayée par des citoyens du monde entier, appelait ainsi le président Obama à parler de la minorité en utilisant son nom. Barack Obama n’a pas joué le jeu du gouvernement birman puisqu’il a mentionné publiquement les Rohingyas et les discriminations auxquelles ils sont exposés dans l’État d’Arakan. Toutefois, alors que le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme en Birmanie évoquait en février des signes avant-coureurs de génocide, une simple mention « des discriminations » auxquelles fait face la minorité, semble bien insuffisante.
Le Président d’un des pays les plus influents au monde, aurait pu utiliser des menaces de sanctions, d’embargo ou d’enquête internationale ou au moins un langage fort pour contraindre le gouvernement birman à prendre des mesures pour protéger son peuple. Mais Barack Obama a choisi de ne pas critiquer plus fermement la politique birmane pour protéger la politique extérieure américaine. En effet, les États-Unis souhaitent leur part du gâteau birman, ils veulent investir dans le pays pour profiter des ressources naturelles du pays, s’implanter durablement et contrebalancer l’influence économique chinoise en Birmanie.
La visite d’Obama bien qu’elle ait été largement attendue et médiatisée, n’aura malheureusement permis aucune avancée en terme de droits de l’homme, de démocratie et de paix.