La reprise brutale du conflit de Kokang décrédibilise de nouveau la volonté du gouvernement de parvenir à des accords de paix au niveau national

La reprise brutale du conflit de Kokang décrédibilise de nouveau la volonté du gouvernement de parvenir à des accords de paix au niveau national

Depuis le 9 février les combats font rage dans la région Kokang dans le nord de l’Etat Shan, près de la frontière chinoise. Le conflit, opposant l’Armée de l’Alliance Nationale Démocratique du Myanmar (MNDAA) à l’armée nationale, la Tatmadaw, était en sommeil depuis 6 ans avec l’exil du leader du mouvement rebelle, Phone Kya Shin.

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La région Kokang est riche en ressources naturelles qui attirent les investisseurs et attisent les convoitises. Le gouvernement et les mouvements rebelles veulent en contrôler l’exploitation, c’est la principale cause des conflits.

Les raisons de la reprise des hostilités ne sont pas déterminées, mais le gouvernement birman semble penser que le chef rebelle Phone Kya Shin a provoqué les attaques. La MNDAA, anciennement membre du parti communiste birman, affirme être soutenue par d’autres groupes ethniques tels que l’armée Ta’ang de libération Nationale (la TNLA – au nord de l’État Shan) ou l’armée d’indépendance Kachin (KIA). Mais un flou demeure autour des soutiens de la MDNAA, l’armée birmane accuse les armées Kachin, Shan et Wa de les soutenir mais ces dernières restent silencieuses voire réfutent ces accusations. Le gouvernement et certains observateurs déclarent même que des mercenaires chinois appuient les rebelles Kokang.

Près de 90 000 personnes auraient déjà fui les zones de combat et trouvé refuge en Chine ou plus au sud. Laogai, qui était encore récemment une ville animée, est désormais déserte après d’intenses échanges de tirs entre les deux camps.

Les combats ont fait de nombreux morts des deux côtés. Le gouvernement, fait rare, a même annoncé dès les premiers jours du conflit, la mort de cinquante soldats de l’armée birmane. Les observateurs pensent qu’il s’agit d’une tentative pour justifier la sévère répression en cours et à venir. En effet, la Tatmadaw a recours aux forces aériennes mais aussi à la torture de civil pour lutter contre l’armée Kokang. Une soixantaine de civils, dont des enfants et des personnes âgées, a été tuée depuis la reprise des affrontements sans que l’on sache qui est à l’origine de ces meurtres. Deux convois civils de la Croix Rouge ont également été la cible de tirs lors des combats faisant plusieurs blessés et des camions de transport de marchandises ont été agressés. Les attaquants n’ont pas été identifiés.

Le 17 février, le Président a déclaré l’état d’urgence pour la région et a imposé pour trois mois l’application de la loi martiale. Le pouvoir militaire contrôle désormais le pouvoir exécutif et judiciaire dans la région.

Tandis que le gouvernement craint que le conflit mette en péril ses relations avec la Chine, grand investisseur en Birmanie, et menace la stabilité des zones transfrontalières, le mouvement rebelle souhaite reprendre Laogai. Celui-ci a appelé le Président à abandonner « l’idéologie de suprématie birmane » et à rétablir l’égalité et la paix ethnique en agissant pour une véritable réconciliation avec les groupes armés ethniques.

Ces combats, les plus importants depuis 2011, sont intervenus quelques jours avant le 12 février, le jour de l’union nationale birman et date symbolique à laquelle le président souhaitait, sans succès, signer un cessez-le-feu national. Cette fête est célébrée en l’honneur du Général Aung San, père de l’indépendance birmane, qui avait signé les accords de Panglong le 12 février 1947. Le texte devait garantir aux minorités une pleine autonomie administrative dans un cadre fédéral. Ces accords sont, cependant, restés lettre morte avec l’assassinat du Général la même année.

Chaque fois que le gouvernement annonce des avancées en matière de paix, de nouveaux conflits éclatent laissant penser que l’établissement de la paix est encore loin, d’autant que les conflits dans l’État Kachin et dans le reste de l’État Shan persistent. La capacité de la Birmanie à mettre en place de véritables accords de paix peut légitimement être mise en question.

Le 20 février, les autorités ont rejeté la proposition de négociations de la MNDAA en faveur d’un cessez-le-feu.