J’avais 15 ans quand la junte militaire à pris le pouvoir. La guerre civile qui a frappé notre pays depuis son indépendance en 1948, aurait causé la mort de près de 500 000 personnes (militaires, civils et rebelles). J’y ai perdu mes parents et mon frère.
Je m’appelle Mya Tao et je suis musulmane, de la minorité ethnique des Rohingyas, l’une des plus persécutées au monde. Je vis depuis toujours à l’ouest du pays, dans des ghettos dans lesquels nous n’avons aucun droit de sortie, et si l’un d’entre nous tente de s’échapper, l’armée a le droit de le tuer. J’ai appris au fil du temps que le conflit birman de l’Etat d’Arakan, où je vis, n’a jamais été ethnique mais est bien religieux.
Nous vivons enfermés, parqués et contrôlés constamment par les check-points et aucun d’entre nous ne vit librement. Des moines extrémistes, parlent souvent de nous dans les médias. Ils disent que nous sommes des « cafards » qui cherchent à « islamiser la Birmanie » pour détruire le bouddhisme. Tous ces évènements ont créé une véritable chasse aux musulmans. Je ne comprends pas bien pourquoi : les musulmans représentent 5% de la population birmane dans un pays ou 90% de la population est bouddhiste. De toute façon étant donné les restrictions qui nous concernent, nous ne pouvons faire qu’une chose : tenter de survivre.
Il nous a été interdit de prononcer le mot « Rohingyas » devant les birmans car pour eux, nous n’existons pas. Tout cela créé une ambiance lourde, pesante et très tendue. Les propos racistes et extrémistes que j’entends quotidiennement me font mal. Une haine profonde envers les musulmans règne et tout le monde en souffre. Mais le plus inquiétant est que les militaires soutiennent les bouddhistes : tout peut arriver du jour au lendemain. Nous pouvons être exterminés.
Penser que ma fille et ses enfants n’ont connu que cette vie me révolte. Quand j’étais plus jeune et que le conflit a éclaté, je ne pensais pas qu’il allait prendre une telle ampleur. J’étais loin d’imaginer qu’il durerait aussi longtemps : cela fait maintenant 68 ans…
Même si les femmes ont accès à l’éducation et au travail, le harcèlement sexuel fait partie de la culture birmane. Les viols sont courants, notamment au sein du foyer, et il est difficile d’obtenir justice. Ma fille se trouve impuissante face aux viols infligés par son mari. Pour les femmes Rohingyas comme elle, tout est plus difficile. Elles sont discriminées dans leur famille, dans leur communauté et dans le pays. Dans leur famille, elles sont soumises à la domination masculine. Au sein de leur communauté, si elles veulent sortir, étudier, travailler, elles sont jugées comme étant «mauvaises femmes».
On estime que plus d’un million de Rohingyas, hommes, femmes et enfants, a quitté le pays depuis le début des discriminations et violences. La moitié de notre population est dehors, elle créée une diaspora. Cette situation est intenable et beaucoup d’entre nous espère ne serait-ce qu’un dialogue entre les deux camps en conflits pour un éventuel traité de paix.
Article rédigé par : Louise CORDIER, Romane PINAULT et Enora JACOTOT – Élèves de la 3e2 du Collège des Trois Moulins.