Paris, le 13 janvier 2017
Au regard de la gravité de la situation dans le nord de la Birmanie, Info Birmanie appelle le gouvernement français à se positionner afin de demander un accès humanitaire sans entrave, l’arrêt immédiat des offensives de l’armée birmane ainsi que la protection des populations civiles.
En 2011, l’armée birmane avait attaqué plusieurs postes de contrôle de l’Armée Indépendante Kachin (KIA) qui se trouvaient à proximité d’un barrage hydroélectrique financé par une compagnie chinoise, mettant fin à 17 années de cessez-le-feu dans la région. Il y a plus de 120 000 déplacés internes (IDPs) dans plus de 170 sites dans l’État Kachin et dans le nord de l’État Shan. Après une courte période de répit, les combats ont de nouveau repris le 16 juillet 2016. Depuis lors, ils ne cessent de s’intensifier. Les trois derniers mois ont été rythmés de violents affrontements qui ont provoqué le déplacement de plus de 23 000 personnes en seulement quelques semaines.
Le 20 novembre 2016, l’Alliance du Nord – l’Arakan Army, la Kachin Independence Army, la Myanmar National Democratic Alliance Army et la Ta’ang National Liberation Army – a lancé une attaque auprès des militaires et des policiers, annonçant la formation de cette alliance dès le lendemain. L’alliance du Nord a décrit cette attaque comme inévitable, étant donné les offensives incessantes de la part des forces gouvernementales birmanes les mois précédant l’attaque.
Le 4 décembre 2016, l’Alliance du Nord a appelé à un « véritable dialogue politique équitable ». Mais alors que la seconde rencontre du nouveau cycle du processus de paix lancé avec la Conférence de Panglong pour le XXIe siècle doit se tenir en février, les combats continuent et les forces gouvernementales n’hésitent pas à bombarder des églises, des écoles et d’autres cibles qui ne sont pas militaires au nord de l’État Shan. Au mois de décembre, ils ont provoqué la fuite de 15 000 civils Shan et Kachin qui se sont réfugiés en Chine.
Si la situation s’est apaisée pendant quelques jours, ce qui a permis le retour d’une partie des personnes réfugiées en Chine, les conflits ont repris de plus belle. Les forces armées birmanes utilisent de l’artillerie lourde (bombardements et attaques au mortier) pour reprendre des postes de contrôle des groupes ethniques armés, à proximité des camps de déplacés. Les populations civiles et les déplacés internes vivent sans arrêt dans la peur, prêtes à se déplacer de nouveau.
Le 10 janvier 2017, de violents affrontements entre les forces armées gouvernementales birmanes et l’Armée Indépendante Kachin, qui incluait des frappes aériennes, ont provoqué la fuite vers la Chine de 4000 personnes dans la nuit. Dans l’urgence, ils n’ont pas été en mesure d’emporter de la nourriture ou des vêtements.
La situation est très dangereuse pour les populations civiles et pour les déplacés internes, qui vivent dans une situation extrêmement précaire. Les IDPs ont été forcés de se déplacer déjà à plusieurs reprises. Dans certaines zones des États Shan et Kachin, les autorités birmanes continuent de restreindre l’accès humanitaire. Dans d’autres, les organisations locales font au mieux pour répondre aux besoins immédiats, et manquent de ressources. La santé est une préoccupation majeure, particulièrement pour les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants. Les personnes déplacées vivent dehors, alors que les températures restent froides.
La transition démocratique et la paix ne seront possibles qu’avec un processus de paix inclusif et équitable. Aujourd’hui, les populations civiles sont les principales victimes de ce conflit. L’armée birmane est accusée de nombreuses violations des droits de l’homme. Yanghee Lee, rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains en Birmanie, est en ce moment en déplacement pour enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme de la part de l’armée dans les États Kachin, Shan et Arakan. Pourtant, elle s’est vu refuser l’accès à certaines zones en conflits dans l’État Kachin.
Dans un Appel Urgent daté du 20 décembre 2016 signé par 152 organisations, la société civile a appelé « à l’attention de la communauté internationale et à son assistance ». Ainsi, il nous semble crucial que le gouvernement français se positionne sur l’intensification des conflits dans les États Kachin et dans le nord de l’État Shan, rappelant la nécessité d’un accès humanitaire sans entraves, de l’arrêt immédiat des offensives de l’armée birmane ainsi que de la protection des populations civiles. Pour que la transition démocratique et les perspectives de paix puissent se concrétiser, il est primordial que l’armée birmane cesse ses offensives.
Mathieu Flammarion – Président de l’association Info Birmanie