En Thaïlande, les travailleurs migrants sont nombreux. Ils sont en grande majorité birmans selon l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), mais il y a aussi beaucoup de cambodgiens et laotiens. La plupart des postes de travail des secteurs de la construction et de la production alimentaire sont occupés par des travailleurs migrants, les travailleurs thaïlandais cherchant à les éviter depuis des années. Selon l’ambassade de Birmanie en Thaïlande, sur les 4 millions de travailleurs migrants birmans qui se trouveraient sur le sol thaïlandais, seul 1,7 millions seraient enregistrés et disposeraient d’un permis de travail, notamment en raison du coût important de cette action et d’une demande longue et fastidieuse. Les employeurs font travailler les migrants sans les déclarer, ce qui leur permet de les payer en dessous du salaire minimum.
Les conflits réguliers en Birmanie, la rareté de l’emploi et le faible niveau de vie poussent des milliers de jeunes birmans à traverser chaque année la rivière Myawaddy-Moei, délimitant la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande. En Thaïlande, malgré une croissance relativement faible, le salaire minimum journalier est trois fois plus élevé qu’en Birmanie : il est de 9 dollars contre 2,6 dollars pour un coût de la vie relativement similaire.
Le 20 juin dernier, la junte militaire thaïlandaise a décidé de passer un nouveau décret qui a eu un impact considérable sur les travailleurs migrants en Thaïlande, ayant pour objectif d’en finir avec les travailleurs migrants illégaux. La menace est de taille : une énorme amende aux employeurs allant de 400 000 à 800 000 baths (10 000 à 20 000 dollars), accompagnée d’une amende aux travailleurs migrants allant jusqu’à 3000 dollars. Alors que les militaires thaïlandais ont lancé des raids pour retrouver les travailleurs migrants « illégaux », les employeurs prennent peur et n’emploient plus de migrants sans permis de travail et les migrants sont effrayés. Entre 40 000 et 60 000 travailleurs birmans se sont réfugiés dans leur pays d’origine, craignant de recevoir une amende dont le montant correspondrait à plusieurs mois de travail, une épreuve qui renforcerait les difficultés d’une vie déjà précaire. Cependant, ils sont nombreux à espérer retourner en Thaïlande : certains car ils ont presque toujours vécus en Thaïlande, d’autres car ils y voient plus de possibilités qu’en Birmanie.
Ce décret de la junte militaire thaïlandaise a été largement critiqué dans le pays. Politiques et hommes d’affaires dénoncent une décision qui impacte fortement la productivité. Certains parlent même d’un risque d’effondrement de l’économie et demandent au gouvernement de revoir sa position qui menace certains secteurs industriels. Face à ces multiples enjeux, le gouvernement militaire thaïlandais s’est vu dans l’obligation de suspendre l’application de ce décret pour six mois au début du mois de juillet : employeurs et travailleurs disposent donc de six mois pour régulariser leur situation.
Le Ministre du travail thaïlandais et le Ministre du travail, de l’immigration et de la population birman se sont rencontrés afin de régler cette situation. Les deux pays ont lancé un groupe de travail qui a pour but de résoudre les problèmes soulevés par les nouvelles et très sévères réglementations de ce nouveau décret dans les six prochains mois. Les représentants respectifs sont tombés d’accord sur le fait de légaliser les travailleurs migrants « illégaux » dont le processus d’identité a été confirmé en leur permettant de remplir le formulaire d’application, de résoudre les désaccords entre travailleurs et employeurs, de continuer à délivrer des certificats d’identité, de renouveler les passeports et de délivrer des permis de travail aux travailleurs migrants possédant tous les documents réclamés. La Thaïlande requiert de la Birmanie qu’elle se dépêche de vérifier les identités des travailleurs et de leur fournir des certificats d’identité afin qu’ils puissent engager le processus pour obtenir un permis de travail ; et de mettre en place des centres de vérification d’identité aux frontières pour les travailleurs s’apprêtant à retourner en Thaïlande. Un programme sera ouvert pour une période de deux semaines de « vérification d’identité » à la fin du mois de juillet, afin qu’employeurs et travailleurs se rendent dans un centre et remplissent un formulaire d’application, pour lequel ils auront une réponse dans les six mois. Selon le Ministre du travail, de l’immigration et de la population birman, la situation de ceux qui ont fourni tous les documents nécessaires devrait être régularisée sans problèmes.
Loin des promesses d’Aung San Suu Kyi, qui évoquait lors d’une visite en Thaïlande l’année passée une croissance qui ne cesserait d’augmenter et qui ramènerait les migrants birmans dans leur pays, la situation ne cesse de se détériorer. Cet exode massif n’est que le dernier événement alarmant d’une longue série, et met en avant les vies précaires des travailleurs migrants. En Thaïlande, les travailleurs migrants birmans exercent des travaux particulièrement difficiles et dangereux, notamment dans les usines et sur les bateaux de pêche. La plupart de cette main d’œuvre n’a pas de papiers et vit dans une peur constante d’exploitation de la part de divers acteurs : la police, les employeurs et les trafiquants. Lors de situations difficiles, leur accès aux droits se voit largement restreint. Afin de soi-disant répondre à ce fléau, le gouvernement militaire thaïlandais prévoit de déporter tous les travailleurs migrants en situation « illégale » d’ici 2018. Les associations de droits humains dénoncent une réponse violente, loin d’être une solution.