Info Birmanie est vivement préoccupée par l’intensification des attaques de l’armée birmane dans l’État Kachin et appelle la France à faire pression sur le gouvernement birman pour qu’il cesse immédiatement ses attaques dans l’État Kachin et entame un réel dialogue politique avec les minorités.
La communauté internationale et notamment la France, ont largement salué le discours et les réformes du gouvernement birman, mais aujourd’hui ils ne sont plus crédibles. Si le régime birman ne cesse de parler de changements et de démocratie, c’est pour obtenir, des gouvernements, donateurs et investisseurs, des financements pour le processus de paix et les projets de développement. Et cela fonctionne à merveille, la France, s’est engagée le 4 décembre dernier, à fournir 100 millions d’euros d’aide au développement à la Birmanie en 2015.
Quelques jours avant, l’armée birmane était pourtant à l’origine de l’attaque la plus meurtrière contre l’État Kachin depuis la fin du cessez-le-feu en 2011. Le 19 novembre 2014, malgré les pourparlers de paix en cours et les appels répétés de la communauté internationale pour l’arrêt immédiat des hostilités dans l’Etat Kachin, l’armée birmane a tiré plusieurs missiles contre l’académie de l’Armée pour l’Indépendance Kachin (KIA) à Laiza, tuant ainsi 23 cadets et blessant gravement 20 autres. La ville de Laiza n’est pas seulement le bastion de la KIA, mais surtout une ville de plus de 20 000 civils accueillant 17 000 personnes déplacées internes (IDP).
Juste après le massacre de Laiza, l’armée birmane a tiré des obus près des camps de déplacés. Certains sont tombés à côté d’un internat qui abrite près de 1 000 enfants déplacés. Ces attaques ont mis en péril la vie de plus de 10 000 personnes déplacées et ont suscité une vive angoisse dans les camps, justement car ces personnes se sont retrouvées à vivre dans cette situation de vulnérabilité parce qu’elles fuyaient déjà les conflits qui opposent l’armée birmanes à la KIA.
Plusieurs groupes ethniques ont menacé d’abandonner les négociations visant à un accord sur un cessez-le-feu national et le 10 décembre, la KIA a déclaré qu’elle ne participerait plus aux rencontres mensuelles avec les commandants locaux de l’armée birmane à Myitkyina. Elle reproche au gouvernement de n’avoir montré aucune volonté de résoudre la situation et de ne s’être même pas donné la peine d’expliquer l’attaque surprise meurtrière menée par l’armée. « Nos rencontres sont organisées pour réduire et prévenir les futurs conflits, mais ils ciblent et tuent nos troupes, même lorsque nous y participons » a dénoncé un officier de la KIA.
La société civile de Birmanie a condamné ces attaques, et a organisé une série de manifestations en l’honneur des victimes. Des groupes locaux ont demandé aux Nations Unies et à la communauté internationale de dénoncer également ces attaques et de veiller à « la sécurité et la protection des déplacés mais aussi d’assurer une assistance humanitaire dans la région contrôlée par l’Organisation pour l’Indépendance Kachin ». Ironiquement, seule l’ambassade des Etats-Unis a réagi, alors que les sponsors du processus de paix, dont la Norvège et l’Union européenne, sont restés silencieux.
Selon un rapport récent de l’association Fortify Rights, de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été commis sous le mandat du président Thein Sein. Celui-ci met en évidence le recours systématique à la torture des civils dans les Etats Kachin et Shan entre 2011 et 2014. L’armée birmane a « bombardé et détruit des foyers et des camps de déplacés et envahi des villages en ouvrant le feu sur les civils». Les responsables de ces actes, y compris les soldats coupables d’exécutions extrajudiciaires, n’ont toujours pas été tenus responsables et le système judiciaire reste le même : corrompu et injuste.
Le rapport publié en janvier 2014 par la Ligue des Femmes de Birmanie (WLB) dénonçait l’usage répété du viol par l’armée birmane comme arme de guerre et d’oppression contre les populations ethniques. Le rapport appelait à la fin des violences sexuelles financées par l’Etat. Le suivi a montré que, depuis, la situation reste inchangée. Même si le gouvernement birman s’est engagé à défendre les droits des femmes dans les régions de conflit, il n’a déclenché aucun mécanisme pour lutter contre ces abus et traduire les coupables en justice.
Par ailleurs, un mémorandum, publié par la Faculté de Droit de Harvard, montre clairement que les commandants de l’armée birmane ont été impliqués dans des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Le gouvernement birman a ignoré ce rapport pourtant issu d’une institution internationalement reconnue.
La France, second donateur pour la Birmanie parmi les pays de l’Union Européenne, ne doit pas se contenter des promesses du gouvernement birman mais doit faire pression sur celui-ci pour qu’il cesse ces atrocités. Maintenir les financements sans adopter une attitude ferme contre le gouvernement la rend complice de ces crimes. Les attaques contre les civils doivent cesser immédiatement et le gouvernement birman doit favoriser un dialogue politique avec les groupes ethniques armés afin d’aboutir à une paix véritable et durable.