En novembre dernier les étudiants birmans ont lancé un ultimatum au gouvernement pour négocier l’amendement du projet de loi sur l’éducation, rédigé et approuvé sans leur consultation. Les étudiants dénonçaient l’absence de protection des syndicats étudiants, le manque d’indépendance des institutions éducatives et les lacunes de l’enseignement en langue ethnique.
Le 20 janvier, sans réponse officielle du gouvernement dans le délai imparti, des centaines d’étudiants ont entamé des marches pacifiques dans plusieurs villes pour réclamer la tenue de ces négociations. Le mouvement a vite été rejoint par des activistes, des moines et des villageois de tout le pays.
Des négociations ont finalement eu lieu mi-février, donnant lieu à un accord incluant les 11 demandes clés des étudiants. Toutefois, le Ministère de l’Éducation n’a pas soumis, comme prévu, le nouvel accord obtenu au Parlement, et les marches étudiantes ont repris dans une atmosphère tendue. Les protestations étudiantes sont un symbole fort dans l’histoire birmane et sont toujours perçues comme une menace pour la stabilité du régime.
Le 2 mars, un groupe de 150 étudiants, rassemblés dans un monastère à Letpadan pour protester, s’est retrouvé encerclé par quelques 300 policiers et empêché de manifester. Info Birmanie, préoccupée par la montée des tensions, avait alors demandé au gouvernement français d’appeler les autorités birmanes à ne pas recourir à la violence contre ces manifestants pacifiques.
Le 5 mars, les étudiants, toujours encerclés à Letpadan, ont entamé une grève de la faim. Des étudiants et sympathisants de Rangoun ont organisé une manifestation pour les soutenir. La police de Rangoun a violemment réprimé ce signe de solidarité, faisant plusieurs blessés et arrêtant une dizaine de personnes.
La France s’est alors dite « préoccupée par le recours à la violence pour réprimer des manifestations étudiantes pacifiques en Birmanie », mais n’a pris aucune mesure pour condamner plus fermement les agissements du gouvernement birman.
Le 10 mars et, alors que, le gouvernement avait autorisé les manifestants à reprendre leur marche jusqu’à Rangoun, la police a violemment attaqué les étudiants à Letpadan. 127 étudiants, journalistes et moines ont été arrêtés et la police a utilisé des bâtons pour battre les manifestants, les villageois et les ambulanciers qui tentaient de leur porter secours. Ces méthodes font penser à celles utilisées par la junte militaire il y a quelques années.
Le porte-parole du gouvernement et ministre de l’information Ye Htut a parlé « d’incident regrettable » pour évoquer les brutalités policières à Letpadan. Il a indiqué que la police était obligée de « disperser les étudiants » qui tentaient de retirer les barricades empêchant les marcheurs de poursuivre leur progression vers Rangoun.
Malgré les violences et le harcèlement utilisé par le gouvernement pour faire taire les voix dissidentes sur ce sujet, une campagne a été lancée en Birmanie pour soutenir les étudiants incarcérés et dénoncer la répression des manifestations. Des brassards blancs ont été distribués dans les grandes villes du pays avec des slogans de type « Nous sommes étudiants, respectez nos droits ». Toutefois les activistes impliqués dans cette campagne sont systématiquement photographiés et surveillés par les services secrets birmans qui agissent exactement comme sous la dictature.
L’organisation All Burma Federation of Student Unions (ABFSU) a également appelé la communauté internationale à soutenir les étudiants birmans en relayant la campagne « we support myanmar students ». Des citoyens du monde entier ont participé. Vous pouvez participer : #wearemmstudents
Toutefois, au cours du mois de mars, bien qu’une quarantaine d’étudiants a été relâchés, 80 sont toujours en prison et attendent leur procès. Ils encourent jusqu’à 9 ans et demi de prison pour manifestation illégale et troubles à l’ordre public.
Le 26 mars, l’Assemblée Nationale a approuvé un nouveau projet de loi sur l’éducation. Celui-ci n’intègre pas certaines des demandes clés des étudiants comme la libre formation de syndicat étudiant ou l’augmentation à 20% du budget alloué à l’éducation.
Alors que l’Union Européenne a consacré une enveloppe de 10 millions d’euros au soutien de la réforme de la police birmane dans le domaine de la maîtrise des foules, la répression des manifestations du mois de mars devrait être condamnée plus fermement. L’UE, les USA et le Royaume-Uni se sont exprimés sans prendre de mesures, tandis que la France est restée silencieuse. Alors que le gouvernement français fait de la liberté d’expression et de manifestations « les fondements de toute société démocratique », il doit admettre que les réformes reculent et que le processus de paix n’est pas sur la bonne voie en Birmanie.
Pour en savoir plus :
Communiqué commun de 127 organisations de la société civile birmane et internationale (dont Info Birmanie) pour appeler le gouvernement birman à cesser de recourir à la violence pour réprimer les manifestations pacifiques : Lire
La France doit appeler le gouvernement birman à ne pas recourir à la violence contre les leaders des manifestations étudiantes – 2 mars 2015: Lire