Les attaques du 9 octobre 2016 contre des postes frontières avec le Bangladesh, ayant fait neuf victimes du côté des forces armées, ont entraîné une vaste opération de répression contre les rohingyas, qui dure depuis deux mois.
Depuis tout ce temps, les zones d’opération militaire, dans le nord de l’État d’Arakan où vivent en grande majorité les rohingyas, sont fermées à l’aide humanitaire, aux médias locaux et internationaux et au gouvernement civil. L’armée birmane continue d’agir en toute impunité et des récits de violences extrêmes sont racontés par les rohingyas qui parviennent à se réfugier au Bangladesh.
Un représentant de l’UNHCR a récemment dénoncé un nettoyage ethnique de la minorité musulmane des rohingyas. Cette minorité, l’une des plus persécutées au monde selon l’ONU, est apatride depuis 1982, année autour de laquelle ils se sont vus retirer leur citoyenneté. Privées de leurs libertés fondamentales telles que leur liberté de mouvement, d’accès à l’éducation ou à la santé, les rohingyas vivent dans des conditions de vulnérabilité extrêmes. Instaurées par la junte militaire, les discriminations se poursuivent, alors que le pays est en phase de transition démocratique.
Le bilan s’alourdit chaque jour, mais il est très difficile d’obtenir des chiffres fiables étant donné que les zones d’opération militaire ne sont pas accessibles et que les informations officielles émanent de l’armée birmane. Il y aurait selon l’ONU plus de 30 000 déplacés, un chiffre qui date aujourd’hui de près de deux semaines et qui est probablement bien plus élevé aujourd’hui. Près de 21 000 rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh dans des conditions extrêmement difficiles alors que les autorités bangladaises ont renforcé les patrouilles le long de la frontière. L’armée birmane, accusée de meurtres, a annoncé que 86 personnes étaient mortes au cours de leurs opérations. Cependant, ce chiffre, annoncé il y a trois semaines, promet d’être beaucoup plus élevé : des organisations locales et des civils évoquent des centaines de morts.
Plus de 130 000 personnes, qui dépendaient de l’aide alimentaire et sanitaire pourvue par les organisations humanitaires, en sont aujourd’hui privés et se retrouvent en danger. L’Agence des Nations Unies juge qu’au moins 1500 enfants en état de malnutrition risquent la mort si l’accès à la zone n’est pas immédiatement débloqué.
Kofi Annan, à la tête d’une Commission mise en place en septembre dernier destinée à trouver une solution durable pour la minorité rohingya et à garantir la sécurité de tous, s’est rendu à Sittwe – capitale de l’État d’Arakan – le 2 décembre. Par la suite, Kofi Annan a déclaré qu’on lui avait assuré que les restrictions humanitaires au Nord de l’État d’Arakan seraient levées dans un futur proche. Cependant, Info Birmanie est très préoccupée de la déclaration de Zaw Htay, porte-parole du bureau du Président, qui a rappelé que « les forces de sécurité continuaient leurs opérations afin de trouver les responsables des violentes attaques [du 9 octobre 2016], rappelant qu’ils devaient tous être arrêtés », alors que la vie de milliers de personnes est en danger. Ce dernier a tenu à rappeler que les services de sécurité permettaient l’assistance humanitaire, ce qui est démenti par les organisations humanitaires qui affirment qu’elles se voient toujours refuser l’accès pour la grande majorité des zones d’opération militaire.
Aung San Suu Kyi, de facto leader du pays, reste trop silencieuse face à la situation. Les marges de manœuvre du gouvernement civil sont largement restreintes et la situation actuelle démontre que la Tatmadaw conduit comme elle l’entend ses opérations. Mais les autorités civiles refusent de prendre une position ferme et encore récemment, Aung San Suu Kyi a assuré que la situation était « sous contrôle ».
Le Premier Ministre malaisien a vivement condamné, publiquement, la politique birmane vis-à-vis des rohingyas, ce à quoi la Birmanie a répondu en invitant à utiliser les voies diplomatiques et en cessant temporairement d’envoyer des travailleurs birmans en Malaisie.
Hier, les Nations Unies ont quant à elles appelé Aung San Suu Kyi à intervenir et à prendre position. Le Conseiller Spécial de l’ONU pour la Birmanie, Vijay Nambiar, a demandé l’accès immédiat pour les organisations humanitaires.
Info Birmanie dénonce depuis des années les violations des droits de l’Homme que subissent les rohingyas. Alors que de nouvelles violences ont éclaté et durent depuis deux mois, Info Birmanie appelle à l’arrêt immédiat des hostilités et à la réouverture de la zone aux organisations humanitaires. Une enquête indépendante internationale sur les violations des droits de l’homme dont l’armée birmane est accusée doit absolument être menée. Aujourd’hui, aucune solution n’est envisagée pour la sécurité des rohingyas en Birmanie, que ce soit sur le court ou sur le long terme. Il est urgent que de véritables politiques soient mises en place pour la protection de cette minorité.