L’ONG internationale de défense des droits de l’homme, Fortify Rights a publié le 25 février, un rapport qui dénonce les restrictions mises en place par le gouvernement pour limiter les libertés fondamentales des Rohingyas de l’État d’Arakan. Ce rapport s’appuie sur des documents officiels datant des années 1990 et 2000, pour révéler l’implication de l’État et des autorités régionales dans les violations des droits de l’homme commises à l’encontre des Rohingyas. Il qualifie ces violations de crimes contre l’humanité.
Le rapport est intitulé, « Politiques de persécution : mettre fin aux politiques abusives du gouvernement à l’encontre des musulmans Rohingyas de Birmanie « ( « Policies of Persecution: Ending Abusive State Policies Against Rohingya Muslims in Myanmar »).
Les politiques visant à restreindre les libertés fondamentales des Rohingyas sont connues depuis longtemps mais c’est la première fois que des documents officiels permettent d’en témoigner publiquement.
- Le déni de citoyenneté :
Le gouvernement birman renie ouvertement l’existence d’une ethnie Rohingya en Birmanie. La loi sur la citoyenneté de 1982 fait des Rohingyas birmans, des apatrides. Dans les documents officiels, ils sont qualifiés de « bengalis » par les autorités qui les considèrent comme des « immigrants illégaux » venus du Bengladesh. Les Rohingyas vivent pourtant sur le sol birman depuis des générations.
- Le droit au mariage :
Des restrictions concernant le mariage et les relations privées sont imposées depuis longtemps par le gouvernement aux Rohingyas de l’État d’Arakan. Il s’agit de limiter leur droit de se marier librement.
Une note additionnelle à l’ordonnance régionale intitulée « Exigences pour les Bengalis sollicitant l’autorisation de se marier », impose 10 conditions aux mariages entre Rohingyas. Les conjoints doivent notamment se présenter à plusieurs reprises devant les autorités, accompagnés de leurs parents et d’autres témoins. Pour que la photographie du couple soit valable, l’homme doit être rasé et la femme non-voilée. Ces exigences humiliantes et abusives vont également à l’encontre des traditions religieuses musulmanes.
En pratique, pour l’octroi des permissions de mariage, les autorités locales demandent en supplément, le paiement d’honoraires informels. Leur coût qui peut aller jusqu’à 100$, est prohibitif pour la plupart des Rohingyas. En outre, lorsqu’un Rohingya souhaite épouser une personne d’un autre canton, une autorisation supplémentaire est nécessaire et de nouvelles taxes doivent être acquittées.
Enfin, l’ordonnance régionale 1/2009 prévoit que les « relations illicites, les divorces sans permission, les remariages des veufs et des veuves » et tout contournement de ces dispositions sont passibles d’amendes et de peines de prison pouvant aller jusqu’à plus de 10 ans de prison.
- La violation du droit à former une famille
Depuis 2005, la Birmanie a imposé aux Rohingyas des cantons de Maungdaw et Buthidaung, dans le Nord de l’État d’Arakan, une politique limitant à deux le nombre d’enfant par couple marié. Les enfants hors mariage sont quant à eux totalement interdits. Ces restrictions, qui violent le droit international, sont à l’origine de problèmes de santé important chez les femmes contraintes aux avortements illégaux dans des conditions dangereuses
Un document contient les instructions adressées aux fonctionnaires « en cas de suspicion ». Ils doivent forcer les femmes Rohingyas à allaiter leurs enfants en présence de militaires pour vérifier que l’enfant leur appartient bien et contrôler le nombre d’enfant par famille.
- La liberté de circulation:
Les Rohingyas de l’État d’Arakan ne peuvent pas circuler sans autorisation. Des conditions précises sont exigées par ordonnance pour tout déplacement à l’intérieur d’un canton, entre différents cantons et à l’extérieur de l’État. Ces restrictions, contraires aux standards internationaux entravent la liberté de travailler et limitent l’accès aux soins et à l’éducation des Rohingyas. Plusieurs documents prévoient explicitement des sanctions pénales pour les Rohingyas qui ne respecteraient pas ces restrictions. Les peines peuvent aller jusqu’à plusieurs années de prison.
Depuis juin 2012, des restrictions de circulation ont également été imposées aux musulmans Kaman, l’une des minorités birmane pourtant reconnue par la constitution.
Ces politiques qui ne ciblent que les musulmans de Birmanie, semblent avoir été mises en place pour rendre leur vie tellement insupportable, qu’ils décident de quitter le pays. Des centaines de milliers de Rohingyas ont en effet déjà fui au Bengladesh, en Thaïlande, en Malaisie ou ailleurs ces vingt dernières années, au risque de mourir en mer ou d‘être victime des réseaux de trafiquants.
L’ensemble de ces restrictions sont encore en pratique dans l’État d’Arakan et risquent de s’accentuer. Le 31 juillet 2012, le Lieutenant Général Ko Ko, Ministre de l’Intérieur a déclaré au Parlement que les autorités étaient en train de « renforcer les régulations [à l’encontre des Rohingyas] afin de gérer les déplacements, les naissances, les décès, les migrations, les mariages, la construction de nouveaux bâtiments religieux, la propriété et les autorisations de constructions des Bengalis [Rohingyas] en renforçant la loi ».
Pour en savoir plus :
– Lire le Rapport de Fortify Rights (en anglais) : Lire
– Le recensement de la population birmane doit être repoussé pour ne pas exacerber les tensions ethniques et religieuses dans le pays – Lire
– Focus sur la situation des Rohingyas – Lire