Hommage de KESAN à Saw O Moo : « Cette tragédie aurait pu être évitée si l’armée birmane n’avait pas rompu les accords de cessez-le-feu »

Hommage de KESAN à Saw O Moo : « Cette tragédie aurait pu être évitée si l’armée birmane n’avait pas rompu les accords de cessez-le-feu »

Paul Sein Twa est le directeur exécutif du Réseau d’action environnementale et sociale Karen (KESAN), une organisation à but non lucratif qui travaille pour améliorer la sécurité et le respect des populations autochtones dans l’État Karen. Le KESAN facilite – entre autre – le dialogue pour mobiliser et responsabiliser les communautés locales, les dirigeants, les organisations et les décideurs politiques pour que toute décision soit prise en connaissance de la situation dans l’état Karen. Entretien avec Paul Sein Twa, membre de KESAN, lors de la commémoration, le 05 mai dernier, d la mort de Saw O Moo, un des leaders Karen les plus actifs en Birmanie, tué par l’armée birmane.

En mars 2018, l’armée a déployé de nouvelles troupes dans l’état Karen et la situation dans le village de Mutraw se détériore. Les militaires birmans justifient leur présence par la construction d’une route stratégique. Bien que l’armée birmane et le KNLA soient tout deux signataires de l’Accord de cessez-le-feu national (NCA), les conflits ont repris en ce début d’année 2018. L’Union nationale Karen (KNU) accuse l’armée birmane de violer les termes de l’accord du NCA en franchissant une ligne de démarcation officielle. C’est également ce qu’a conclu la société civile Karen dans son dernier rapport : « Le retour du cauchemar: Les Karen espère la paix et la stabilité déçues par les actions de l’armée birmane », la Karen Peace Support Network (KPSN) a répertorié les violations de l’accord de cessez-le-feu bilatéral par l’armée birmane. Il semblerait que l’armée profite de cette période de cessez-le-feu pour étendre et moderniser son infrastructure militaire, chose dont elle était empêchée en période de conflit armé.

Le 4 mars 2018, les soldats de l’armée birmane ont bombardé et tiré sans discernements sur la population Karen et, depuis, au moins 2 400 civils ont fui la région et se cachent dans la forêt. La femme et les enfants de Saw O Moo étaient parmi ceux qui ont fui dans la jungle le 4 mars. Lui a choisi de rester pour coordonner l’aide et défendre les villageois contre d’autres attaques. Tragiquement, il a été pris en embuscade et abattu par l’armée birmane alors qu’il rentrait chez lui après une réunion avec la KESAN. À ce jour, l’armée birmane n’a pas révélé l’emplacement de son corps, laissant la famille de Saw O Moo incapable d’accomplir leurs rites funéraires. Et même si l’armée a accepté un « report temporaire » de la construction de la route lors d’une réunion avec la KNU le 17 mai dernier, reste à savoir si elle respectera l’accord. 

Dans cette interview, Pau Sein Twa évoque la vie et la perte tragique de son collègue bien aimé, discute de la situation actuelle dans le village de Mutraw et insiste sur  la nécessité de continuer à soutenir les populations ethniques déplacées. Le message que Paul Sein Twa veut souligner est simple : les Karen veulent la paix et ils veulent que l’armée birmane quitte leurs terres ancestrales.

Saw O Moo, leader Karen autochtone, militant de la paix et de l’environnement: « Il s’est engagé toute sa vie à faire ce travail »

Hommage de KESAN à Saw O Moo  : Saw O Moo est né en 1975 dans la hutte de ses parents sur leurs terres à T’Ri Plaw, dans la région de Ler Mu Plaw. Depuis 2006, il travaillait comme partenaire local avec la KESAN. On se souviendra de Saw O Moo pour sa passion et son engagement afin de préserver les traditions culturelles Karens, promouvoir l’intendance des terres coutumières et organiser la conservation des forêts locales. Saw O Moo a travaillé sans relâche pour protéger forêts anciennes et espèces menacées subsistant en Birmanie, et il était aussi l’un des leaders communautaires les plus actifs du Salween Peace Park  une initiative populaire visant à créer une réserve pour préserver la population Karen dans le district de Mutraw. Le 5 avril 2018, Saw O Moo a été abattu par l’armée birmane alors qu’il rentrait chez lui après une réunion destinée à organiser l’aide aux civils nouvellement déplacés. Saw O Moo avait une femme, Naw Paw Tha, et sept jeunes enfants. KESAN a mis en place une page pour soutenir ses proches.

Pour les membres de KESAN et tous les peuples autochtones Karen de Mutraw, la mort de Saw O Moo est une tragédie indescriptible. Nous n’oublierons jamais son dévouement dans la lutte en cours pour construire la paix et protéger les terres ancestrales. Nous condamnons également les actions brutales de l’armée birmane et son mépris pour la vie des citoyens. Cette tragédie aurait pu être évitée si l’armée birmane n’avait pas rompu le NCA et refusé de résoudre les tensions croissantes à travers les mécanismes de résolution des conflits existants. 

Comme vous pouvez le voir dans le film [« Saw O Moo: Défenseur des territoires Karen autochtones, de l’environnement et du mode de vie » ], Saw O Moo est originaire de l’état Karen. Quand il entreprenait des activités et des rassemblements, il disait toujours: «Nous sommes des peuples indigènes!» Lors de mes travaux à ses côtés, il était très heureux de constater que des gens et des groupes comme nous existent toujours pour soutenir les peuples autochtones.

Saw O Moo a consacré sa vie entière au bien être de la communauté Karen. Nous avons, par exemple, une forêt gérée par les communautés locales, elle fait partie des plus belles forêts [du pays]. Elle pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une étude de cas, pour les autres communautés qui souhaiteraient se lancer dans la conservation et  la gestion forestière. Saw O Moo était également quelqu’un de déterminé. Quand il avait une idée en tête, il allait au bout et rien ni personne ne pouvait l’arrêter. Peu avant sa mort, nous travaillions sur le Salween Peace Park

Le projet Salween Peace Park est une initiative qui vise à créer un grand sanctuaire dirigé par les Karen, d’une superficie de 5 400 kilomètres carrés, pour promouvoir la protection de l’environnement, la conservation de la faune, la préservation de la culture et la paix. Certaines parties du projet ont été menacées depuis que l’armée birmane a commencé à déployer ses troupes dans le nord de l’état Karen.

Depuis deux ou trois ans, nous menons des consultations, nous essayons de renforcer la compréhension et la sensibilisation, et nous essayons d’obtenir du soutien pour ce projet. Nous en sommes à la dernière étape où nous recueillons des signatures auprès des communautés vivant dans la zone du parc pour approuver la charte du projet et la structure de gouvernance qui se doit d’être représenté par les différentes communautés. Mais en mars, les combats ont commencé. L’armée [birmane] a emménagé et a envoyé plus de troupes. Il [Saw O Moo] s’inquiétait que cette initiative soit affectée, et abandonné dans les zones où l’armée birmane avait pris place. Le fait est que nous ne voulons pas de route militaire, nous ne voulons pas que le Tatmadaw entre sur nos terres et nous dérange. Nous voulons qu’ils nous laissent tranquilles et nous voulons vivre en paix. Nous voulons continuer nos activités simplement.

Je me souviens que chaque fois que Saw O Moo m’appelait, je lui disais : «Reste en sécurité», et il répondait : «Non, je dois agir. Si je reste avec ma famille dans la jungle, je ne peux pas prendre soin des autres ». Quand j’ai appris sa mort, j’ai été dévasté. Je ne savais plus quoi faire. Il m’avait envoyé un message le 4 (la veille), mais à la frontière je n’avais pas accès à internet. A mon retour, un ami m’a appris sa disparition.

Contexte de la mort de Saw O Moo: « Ils n’ont jamais pensé que l’armée birmane viendrait dans cette région »

Le 5 avril, mon ami est allé au village de Luthaw Paw Day. Le KESAN contribue au renforcement des capacités de Luthaw Paw Day afin que les habitants puissent gérer leurs propres activités de développement local. Il permet également d’identifier et de hiérarchiser les besoins locaux et de répartir les soutiens financiers de manière égale entre tous les villages de la zone.

Lorsque les combats ont commencé, les Karen ont fui dans toute la région. J’ai suggéré au président du Luthaw Paw Day’s project de trouver un moment pour rencontrer les membres du comité de projet, pour évoquer la mise en place d’une banque de riz, par exemple. Je les ai encouragés à convoquer une réunion. Saw O Moo vivait à deux heures de marche du village de Luthaw Paw Day. Je sais qu’il s’y est rendu le 5. Ce jour là, la réunion a terminé dans l’après-midi et Saw O Moo a voulu rentrer chez lui. Ses collègues l’ont averti d’être très prudent parce que la route n’était pas sûre. Ce jour-là, ils avaient appris que l’armée birmane tirait sur les motos des villageois à deux endroits distincts, mais relativement éloigné de celle emprunté par mon ami. Les populations locales pensaient que l’armée birmane ne viendrait pas dans cette région. C’est pourquoi il a pris le risque de rentrer chez lui. 

Saw O Moo a été abattu le 5 avril par des soldats de l’armée birmane alors qu’il quittait le village de Luthaw Paw Day. L’armée birmane a publié une déclaration le 9 avril, niant tout acte répréhensible dans cette affaire et affirmant que Saw O Moo était un combattant de la KNLA en civil. Malgré les efforts répétés de la famille, des villageois locaux et de la KNU, l’armée birmane n’a pas révélé l’emplacement du corps. 

Il était sur sa moto et, d’après les informations qu’on nous a données, il transportait également un soldat de la KNLA. Le quartier général du KNLA a ensuite confirmé que les grenades de 4 RPG-7 et les 6 boosters saisis par l’armée birmane appartenaient à un de leur soldat. Mais cette route est une route régulièrement utilisé par le KNLA, ce n’est pas une voie de l’armée birmane. La route de l’armée birmane se trouvant à plus d’un kilomètre.

D’après un soldat présent au moment des faits, l’armée birmane attendait dans cette zone. L’homme a crié: « Armée birmane! Armée birmane! ». Saw O Moo a alors sauté de sa moto et a couru. La moto a continué de rouler sur quelques mètres et ensuite le soldat a entendu les coups de feu. Personne n’a vu Saw O Moo après ça. Ses parents, les villageois et le KNU ont recueilli des preuves mais nous n’avons toujours pas vu son corps.

Photos de gauche à droite, de haut en bas: Les photos ci-dessus montrent la moto de Saw O Moo, des feuilles tachées de sang collectées sur le site du meurtre, des obus (60 obus et un obus M79) collectés sur le site du meurtre, et le sac de Saw O Moo, que le BA a retourné vide. Photos: KESAN.

Saw O Moo a été tué le 5 et, le 9, le bureau principal de l’armée birmane a publié une déclaration disant qu’ils avaient tiré sur deux guerriers ou combattants en civil parce que ces hommes voyageaient sur une route de l’armée birmane et essayaient de mettre en place des mines terrestres ou un autre type d’attaque. Dans notre rapport [KPSN], nous avons clairement montré que l’endroit où ils l’ont abattu est très loin de la route de l’armée birmane.

Cette carte montre le nouveau déploiement de troupes de l’armée birmane, les zones où l’armée birmane a tiré sur les villageois et où ils ont abattu Saw O Moo. Carte par: KPSN dans le rapport « Nightmare Returns » p. 7.

La justice pour Saw O Moo: « Le gouvernement ou l’ armée [birmane] devrait s’engager à ne pas tirer à nouveau sur les Karen ou d’autres groupes ethniques. »

À l’heure actuelle, nous avons peu d’espoir pour que justice soit faite. Pour nous, la justice serait que les auteurs, les soldats qui l’ont tué, soient tenus responsables et punis. Mais c’est difficile. C’est pourquoi la famille, sachant que l’armée se rend souvent coupable d’exécutions extrajudiciaires, ne demande à l’armée que de quitter la région, afin qu’ils puissent revenir y vivre en paix. Nous, défenseurs des droits de l’homme, nous souhaitons une justice. L’armée birmane a tué et le gouvernement ou l’armée devrait s’engager à ne pas tirer à nouveau sur les Karen ou d’autres groupes ethniques. Même si il y a un soupçon sur le fait que la personne soit un rebelle ou non, l’armée peut procéder à des arrestations et mettre en place un procès équitable. Je ne suis pas un soldat professionnel mais pour arrêter quelqu’un sur la route, il suffit de poser un barrage de bois ou autre chose. Ensuite, la moto s’arrêtera et vous pourrez attraper les suspects. Je veux dire par là que c’est très simple de procéder à une arrestation et qu’il n’y a pas lieu de tirer sur les gens comme ça. 

Dans tous ces domaines, ils ont pour politique de tirer à vue, de tirer à bout portant. Donc, chaque fois que les gens voient l’armée birmane, ils s’enfuient. C’est ce que constatent les villageois depuis 30-40 ans. C‘est toujours comme ça.

Récupérer le corps: « Nous craignons qu’il ne soit pas mort instantanément mais qu’il ait été torturé à mort. Nous serons ça quand nous pourrons voir le corps ».

  

Après la fusillade, le petit frère de Saw O Moo est allé sur les lieux, mais il ne pouvait pas approcher car l’armée birmane était toujours là. Environ une semaine ou dix jours plus tard, ils ont essayé à nouveau et ont pu accéder à la zone où il a été tué. 

L’armée birmane avait laissé tomber une lettre sur la route où un numéro de téléphone était indiqué, ainsi les villageois et le KNLA ont appelé et ont demandé au sujet du corps. La personne qui a répondu a dit : « Nous l’avons enterré là [endroit non divulgué], mais nous avons également mis en place des mines terrestres. » Ce à quoi le KNLA a répondu ne pas craindre les mines et a souhaité connaître l’emplacement exact du corps. Malgré les recherches le KNLA n’a rien trouvé. Il semblerait que le corps ait été traîné. On suppose que l’armée l’a enterré près du camp militaire. Pour l’heure, nous n’avons toujours pas plus d’informations à ce sujet. 

Ils ont appelé le numéro de téléphone que l’armée a donné et ont demandé les biens qu’il avait dans son sac comme une caméra vidéo, un enregistreur, un téléphone et deux autres choses, peut-être son carnet. Et le type au téléphone a dit: «Si tu le veux, tu peux aller le chercher à Naypyidaw.» Ils [l’armée birmane] ont envoyé toutes ses affaires là-bas.

Nous voulons que le KNU apporte vraiment ce cas aux plus hauts dirigeants. Si le gouvernement et la KNU souhaitent concrétement poursuivre le processus de paix, cette affaire, l’assassinat de Saw O Moo, devrait être résolue. La priorité étant de récupérer le corps. Nous savons que le KNU a essayé de rencontrer le JMC (Joint Monitoring Committee) pour organiser une réunion avec l’armée, mais sans succès. Je pense que les chances pour la KNU de rencontrer et de discuter avec l’armée birmane à propos de cette affaire sont très faible. Le processus de paix a été bloqué.

Depuis le début de cette interview, le commandant en chef de l’armée birmane, Min Aung Hlaing, a rencontré une délégation de la KNU, le 17 mai 2018, pour discuter et résoudre le conflit actuel. Alors que l’armée birmane a accepté un « report temporaire » de la construction de la route, il reste à voir s’ils respecteront cet accord et retourneront à leurs postes d’origine comme l’exige la KNU. Le meurtre de Saw O Moo n’aurait pas été discuté lors de la réunion.

Paul Sein Twa à la commémoration de Saw O Moo le 5 mai 2018. (Photo: Burma Link)

L’armée birmane attaquant et piégeant des civils: « Nous voulions voir des déclarations plus fortes et plus puissantes [de la part de la communauté internationale] »

Il est également difficile de se tourner vers la communauté internationale qui est beaucoup trop diplomate avec des phrases tel que :  «Nous appelons toutes les parties à cesser de se battre». Je veux dire que ce n’est pas comme si la KNU allait tuer l’armée birmane. L’armée birmane attaque; étend son territoire et prend le contrôle de terres même en période de cessez-le-feu.

La KNU [5e Brigade de KNLA] avait donné à l’armée birmane le protocole selon lequel ils ne sont autorisés à voyager que sur leur route et à rester dans leurs camps [dans le cadre des accords de cessez-le-feu]. Quand ils [l’armée birmane] sont arrivés à un kilomètre de la zone autorisée, le KNU leur a bien sûr tiré dessus pour les avertir. Ce n’était qu’une petite fusillade, mais soudain, l’armée birmane a bombardé. Ils ont pilonné des mortiers dans le champ où ils croyaient que les soldats de la KNLA se cachaient, et ils sont tombés très près de nos collègues. L’armée birmane est supposé se trouver près de son camp où voyager sur les routes convenues avec la KNU. L’armée tire et bombarde sans discernement et voilà Saw O Moo est mort.

La communauté internationale devrait renforcé ses positions envers le gouvernement et l’armée birmane. L’armée est en tort. Afin de construire la paix ces choses ne devraient pas arriver et ne doivent pas se produire du tout. Le minimum serait de dévoiler la vérité sur les faits et de reconnaître les atrocités qui se produisent.

Déclaration de l’ambassade des États-Unis ; « L’ambassade américaine est profondément préoccupée par l’intensification des combats dans l’État Kachin, qui a forcé des milliers de personnes à fuir leurs foyers. Nous sommes également profondément troublés par les récents combats dans l’État Shan et dans l’État Kayin [Karen], qui ont également entraîné le déplacement de milliers de personnes. Nous exhortons toutes les parties à cesser de se battre. Nous appelons le gouvernement, y compris les militaires, à protéger les populations civiles et à permettre que l’assistance humanitaire soit fournie aux personnes touchées par les conflits. »

La délégation de l’Union européenne au Myanmar [Birmanie] a également publié une déclaration le 16 mai (après la tenue de cet entretien), qui a suivi une formulation similaire à celle de l’ambassade des États-Unis ci-dessus. Un extrait dit : « En tant que témoin international officiel de l’accord de cessez-le-feu national, l’Union européenne souligne que toutes les parties au conflit doivent cesser immédiatement les hostilités et les opérations de combat offensives afin de protéger les civils. »

Ces déclarations impliquent que le conflit est équilibré et ne reconnaît pas que les armées ethniques et les civils sont attaqués par l’armée birmane. Les conclusions du KPSN montrent que dans le village de Mutraw dans l’état Karen, l’armée birmane a violé les termes des cessez-le-feu de 2012 et 2015, profitant du cessez-le-feu pour étendre et moderniser son infrastructure militaire et sa capacité à prendre et contrôler les terres autochtones. Les actions de l’armée birmane sapent les efforts des populations locales pour construire une  paix durable, protéger leur patrimoine naturel et culturel et faciliter le retour des réfugiés et des déplacés internes sur leurs terres ancestrales. Dans une récente déclaration publiée le 17 mai, le KPSN condamne fermement les offensives militaires généralisées et continues de l’armée birmane dans les États Karen, Kachin et Shan, qui ont entraîné des déplacements forcés à grande échelle, des exécutions extrajudiciaires, des viols et la torture de civils. Dans la même veine, d’autres organisations ethniques telles que le Centre des affaires des nationalités ethniques (ENAC) ont exhorté l’armée birmane de mettre fin à ses offensives dans l’État Kachin ainsi que dans d’autres parties du pays. Selon le briefing de l’ENAC , les récentes offensives de l’armée birmane dans l’État Kachin – y compris les bombardements aériens – ont déplacé plus de 5 000 civils (au total plus de 155 000 personnes déplacées dans le Kachin), dont une majorité bloquée en zone de guerre. L’armée birmane a bloqué l’aide aux personnes déplacées, et des milliers de Kachin ont protesté pour libérer les personnes déplacées dans des manifestations que le gouvernement a violemment réprimées. En dehors de ces déclarations, la détérioration de la situation dans les États Kachin et Karen n’a guère retenu l’attention de la communauté internationale, qui se concentre principalement sur la crise [des Rohingya] en Arakan. Dans l’État  Kachin, la situation est également très mauvaise; ils [l’armée birmane] ont piégé des personnes déplacées là-bas.

Les 2 400 à 2 500 personnes déplacées [nouvellement déplacées à Luthaw], presque autant que dans l’état Kachin, se cachent derrière la montagne. De l’autre côté se trouve l’armée birmane. Ces personnes s’inquiètent du bombardement des mortiers à l’aveugles. Je ne sais pas s’ils utiliseront des bombes aériennes comme dans l’État de Kachin. Il est difficile pour les villageois de se déplacer en toute sécurité vers la frontière en cette saison des pluies, car il est très difficile de traverser la route de l’armée birmane. Si l’armée birmane continue à intensifier ses activités dans la région, ils vont piéger les personnes déplacées. 

Le conflit et la situation des personnes déplacées: « Ils ne peuvent pas retourner parce que l’armée [birmane] est toujours là »

La situation est très préoccupante, car récemment, mon collègue m’a envoyé des informations selon lesquelles 400 autres soldats de l’armée birmane et deux camions pour la construction de la route viennent d’arriver. Cela suggère qu’il y aura d’autres combats parce que le KNLA ne leur cédera pas facilement la dite route. C’est une question de vie ou de mort cette route. C’est vraiment une route d’opération militaire. La situation des personnes déplacées est donc très préoccupante, car elle montre clairement qu’elles ne peuvent pas retourner dans leurs villages d’origine, ce qui signifie que cela aura des impacts à long terme sur leur sécurité. Comment venir en aide aux personnes déplacées dont le nombre pourrait atteindre les 3000 personnes.

Il est difficile de s’organiser car les personnes déplacées ne restent par groupées. Il nous faut rencontrer les chefs de villages de la KNU pour discuter de l’éventualité de créer un camp temporaire pour ces personnes. Grâce à ça, nous pourrions coordonner l’aide humanitaire. A la veille de la saison des pluies cette mission semble pour l’heure impossible. Nous avons besoin du soutien de la communauté internationale.

Comme nous le disons tout le temps, ce n’est pas l’heure de réduire le soutien aux personnes déplacées, car les IDP ne peuvent pas revenir. Ils ne peuvent pas revenir parce que l’armée [birmane] est toujours là. Ils ne se retirent pas, ne déménagent pas ou ne diminuent pas, au contraire, ils augmentent. Et les combats actuels montrent que les personnes qui étaient rentrées [chez elles] doivent fuir à nouveau.

Bien que les conditions de sécurité dans la région de Mutraw dans l’Etat Karen soient incertaines, les communautés locales avaient l’espoir de retourner sur leurs terres ancestrales de façon permanente lors de la signature de l’accord de cessez-le-feu. Beaucoup de communautés nouvellement déplacées dans la zone de Luthaw l’ont déjà été par le passé. Pourtant elles étaient revenues en 2012 pour travailler et se reconstruire… avant d’être à nouveau déplacées. 

Je pense que la communauté internationale devrait soutenir, à travers les mécanismes et les systèmes existants, les groupes frontaliers, car le soutien intérieur [de la Birmanie] n’est pas possible. La situation est comparable à celle de l’état Kachin. C’est pourquoi nous voulons un soutien direct. Les groupes CBO collaborent depuis longtemps avec TBC (The Border Consortium) pour apporter une assistance aux personnes déplacées. Je pense donc que ce mécanisme et ce système devraient continuer.

Les coupures de financement à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie depuis 2012 ont laissé de nombreuses communautés de personnes déplacées et de réfugiés dans le besoin Le manque de financement oblige aussi indirectement les réfugiés enThaïlande à revenir  malgré l’insécurité. Parallèlement, le HCR continue de faciliter le retour «volontaire» des réfugiés des camps thaïlandais vers la Birmanie. Le 7 mai dernier, l’un des rapatriés déclarait explicitement à la DVB que sa famille a été contrainte de revenir à cause des coupes de rationnement. Dans le même temps, les civils continuent de fuir les attaques de l’armée birmane et tentent de chercher refuge dans les camps. Un rapport Karen indique que le 4 mai 16 personnes, dont 9 enfants, qui avaient fui le conflit dans la zone de Luthaw ont été refoulées au camp de réfugiés de Mae Ra Ma Luang en Thaïlande. Les responsables du camp leur ont dit que les nouveaux arrivants ne pouvaient plus être acceptés. Les trois familles ont reçu 3 000 baht (94 USD) et ont été renvoyées au camp de personnes déplacées de Ei Tu Hta dans la région de Mutraw, où la communauté internationale des donateurs avait réduit à zéro leur soutien en octobre 2017.

En savoir plus sur la situation dans Ei Tu Hta dans le briefer infographique de Burma Link.

Soutenir la famille de Saw O Moo: « Nous regardons vers le long terme »

Nos amis et collègues nous offrent leur aide via des donations. C’est à nous de gérer ces fonds. Nous envisageons le long terme avec cet argent. Ma Bu [collègue de KESAN et ami proche de Saw O Moo] a calculé que les enfants de Saw O Moo aurait besoin d’environ 20-25 mille baht chacun par an pour leur éducation.

SOUTIEN SAW FAMILLE O MOO ICI: http://kesan.asia/index.php/helpthem

Saw O Moo laisse derrière lui son épouse Naw Paw Tha (photo ci-dessus) et 7 jeunes enfants. Cette photo est une capture d’écran du film «Saw O Moo: défenseur des territoires autochtones Karen, de l’environnement et du mode de vie», présentée lors de l’événement commémoratif du 5 mai.

Commentaire final: le message de Paul Sein Twa

Je pense que le message que je veux souligner et réitérer est que la population locale veut vraiment la paix. Ils veulent la paix; ils ne veulent pas que l’armée [birmane] reste sur leurs terres et augmente [les troupes]. Si l’armée [birmane] quitte les territoires et les villages [Karen], les habitants y retourneront et y cultiveront paisiblement. Ils ne veulent aucun dédommagement du Tatmadaw ou du gouvernement. Ils veulent juste vivre en paix. 

Pendant les négociations de cessez-le-feu pour l’accord bilatéral préliminaire signé en janvier 2012, la KNU a demandé à l’armée birmane de se retirer de 17 bases – parmi lesquelles Kay Pu et Ler Mu Plaw (entre lesquelles l’armée tente de construire la route militaire stratégique)Les personnes déplaces de l’état Karen pourraient alors commencer à revenir et reconstruire leur vie. Mais depuis 2012, la réponse de l’armée birmane a été de renforcer ses troupes et d’augmenter ses activités militaires dans la région. Selon le rapport du KPSN , entre 2012 et 2017, les camps de l’armée birmane dans la région de Mutraw sont passés de 65 à 78 et les bataillons existants ont été renforcés. La militarisation accrue des zones de cessez-le-feu, conjuguée aux attaques contre les civils, a brisé les espoirs de paix des Karen et a détruit toute confiance en l’armée birmane. Des représentants de la KNU et des groupes de la société civile de la région de Mutraw dans l’État Karen ont demandé à plusieurs reprises aux troupes de l’armée birmane de se retirer de Mutraw en 2017 et de nouveau en 2018. Les IDP ont également organisé des manifestations dans ce sens.

Des massacres de villageois hindous perpétrés par l’armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA)

Des massacres de villageois hindous perpétrés par l’armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA)

Selon un rapport d’Amnesty International publié mardi 22 mai, des combattants de l’Armée du Salut des Rohingyas de l’Arakan (ARSA) sont responsables de deux massacres de la communauté hindoue dans l’état d’Arakan.  Au total, 105 femmes, hommes et enfants hindous pourraient avoir été tués. Les faits se sont déroulés fin août, durant la répression de l’armée birmane qui a poussé à l’exil plus de 700 000 membres de la communauté Rohingya.

S’appuyant sur des dizaines d’entretiens menés sur place et de l’autre côté de la frontière avec le Bangladesh, ainsi que sur des photos analysées par des médecins légistes, Amnesty International a exposé la manière dont les combattants de l’Armée du salut des rohingya de l’Arakan (ARSA) ont semé la terreur parmi les Hindous et d’autres minorités ethniques. L’organisation a mené des entretiens approfondis dans un camp de réfugiés hindou au Bangladesh en septembre 2017; dans la capitale de l’État d’Arakan, Sittwe, en Birmanie, en avril 2018, et par téléphone en mai 2018 avec huit survivants, cinq membres de la famille des victimes et trois hommes qui faisaient partie du groupe qui a découvert les fosses communes. Dans un communiqué de presse publié sur son compte Twitter et dans des réponses aux médias, l’ARSA nie toute implication.

« Notre dernière enquête de terrain jette une lumière indispensable sur les atteintes aux droits humains rarement dénoncées commises par l’ARSA pendant l’histoire récente effroyablement sombre de l’État d’Arakan », a déclaré Tirana Hassan, directrice du programme Réaction aux crises d’Amnesty International.

L’Armée du Salut des Rohingyas de l’Arakan

Connue sous le nom de Harakah al-Yaqin ou «mouvement de la foi», l’ARSA est apparue en octobre 2016 après avoir lancé des attaques à plus petite échelle, contre des postes de police dans le nord de l’État d’Arakan, provoquant une réponse militaire disproportionnée. Le groupe a été créé à la suite de violences entre les communautés bouddhistes et musulmanes dans l’État d’Arakan en 2012 et comprend un noyau de combattants, estimés à des centaines, ayant accès à des armes à feu et des explosifs. Le 25 août, l’ARSA a mobilisé un grand nombre de villageois Rohingya. Les villageois étaient armés d’armes blanches ou de bâtons. Bien qu’Amnesty International ait confirmé que certains villageois Rohingya avaient participé aux attaques de l’ARSA, l’écrasante majorité des Rohingya ne l’ont pas fait. Même dans les villages spécifiques où des attaques ont eu lieu, il ne fait aucun doute que la plupart des villageois n’ont pas participé aux attaques de l’ARSA.

Le 25 août 2017, Kha Maung Seik – Il est 8 heures du matin quand l’ARSA attaque les habitants hindous d’Ah Nauk Kha Maung Seik, une localité faisant partie d’un ensemble de villages appelé Kha Maung Seik situé dans la municipalité de Maungdaw, dans le nord de l’Arakan. À cet endroit, les membres de la communauté Hindoue cohabitaient avec les villageois Rohingya musulmans, ainsi qu’avec les membres de l’ethnie Rakhine, à majorité bouddhiste.

Des membres de l’ARSA ainsi que des villageois ont rassemblé 69  femmes, hommes et enfants hindous pour les dévaliser. Ils leur ont bandé les yeux avant de les faire marcher jusqu’à la sortie du village, où ils ont séparé les hommes des femmes et des enfants. Quelques heures après, les combattants de l’ARSA ont exécuté 53 de ces Hindous, en commençant par les hommes. Les victimes comprennent 20 hommes, 10 femmes et 23 enfants, dont 14 âgés de moins de 8 ans.

Huit femmes hindoues et huit de leurs enfants ont été enlevés et épargnés, après que les combattants de l’ARSA aient forcé les femmes à accepter de se « convertir » à l’islam. Au moment des meurtres, aucune des victimes n’était armée ou ne mettait en danger la vie des combattants de l’ARSA ou des autres Rohingya.

Bina Bala, une femme de 22 ans qui a survécu au massacre, a déclaré à Amnesty International : « [Les hommes] étaient munis de couteaux et de longues barres de fer. Ils nous ont attaché les mains derrière le dos et bandé les yeux. Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient. L’un d’eux a répondu : “Vous et les Rakhines, vous êtes pareils, vous avez une religion différente, vous ne pouvez pas vivre ici.” Il parlait la langue [rohingya]. Ils ont demandé quels biens nous avions, puis ils nous ont roués de coups. Finalement, je leur ai donné mon argent et l’or que je possédais. »

Les 16 survivants ont été retenus captifs dans une maison de la région deux nuits, avant d’être contraints de fuir aux côtés de leurs ravisseurs au camp de réfugiés de Kutupalong au Bangladesh. Peu de temps après leur arrivée au Bangladesh, le 28 août, les huit femmes hindoues ont été obligées de faire une fausse déclaration en vidéo, affirmant que le massacre avait été perpétré par des villageois rakhines. « [Un des ravisseurs] nous a dit que si quelqu’un demandait nous devrions dire que les Rakhine et l’armée nous ont attaqués « , a indiqué Bina Bala. Suite à la publication des vidéos sur Facebook, la communauté hindoue a alerté le Bangladesh qui a placé les survivants dans un camp de réfugiés hindous. Début octobre, les seize survivants ont été rapatriés en Birmanie avec le soutien des autorités du Bangladesh et de la Birmanie.

Le 25 août, Ye Bauk Kyar – Le même jour, dans un village voisin, 46 hommes, femmes et enfants de la communauté hindoue ont disparus. Pour l’heure, leur sort et leur localisation restent inconnus. Des membres de la famille et d’autres membres de la communauté hindoue du nord de l’État d’Arakan ont déclaré à Amnesty International qu’ils pensaient que l’ensemble du groupe avait également été tué par les mêmes personnes.

Le 26 août 2017, village de Myo Thu Gyi, – Les rebelles Rohingya seraient aussi responsables du meurtre de 6 hindous dans le village de Myo Thu Gyi : deux femmes, un homme et trois enfants. Les six victimes faisaient partie d’une famille élargie de douze personnes qui avaient fui le village d’U Daung, dans le canton de Maungdaw, après que des combattants de l’ARSA les aient menacées la veille. Après s’être réfugié pour une nuit dans la maison de l’administrateur ethnique du village, le groupe a été conduit à la périphérie de la ville de Maungdaw. Peu de temps après leur arrivée, une fusillade a éclaté entre l’ARSA et l’armée birmane. La famille hindoue s’est cachée dans un bâtiment voisin en construction. Selon les deux seuls survivants adultes, des hommes vêtus de noir et portant des fusils sont entrés dans le bâtiment et ont ensuite tiré sur le groupe à bout portant.

Phaw Naw Balar, 27 ans, est l’une des deux femmes qui ont survécu à l’attaque. Elle a déclaré à Amnesty International: «Les hommes en noir venaient du village de Myo Thu Gyi. Ils n’ont rien dit, ils ont juste commencé à tirer. Après leur départ, mes enfants pleuraient, alors je les ai emmenés à l’étage supérieur et nous nous sommes cachés dans un réservoir d’eau vide. Elle a expliqué qu’ils se sont cachés jusqu’à ce que les combattants de l’ARSA aient quitté la zone. « Quand je suis redescendu, j’ai vu les cadavres », se souvient-elle. « Six de mes proches étaient morts. Certains avaient été abattus à l’avant, dans l’abdomen et la poitrine, [et] d’autres dans le dos. Ma belle-soeur [Kor Mor La] a été abattu. J’ai essayé de la panser, puis nous sommes partis pour le check-point de trois milles. »

En plus du mari et de la fille de Kor Mor La, les combattants de l’ARSA ont tué Chou Maw Tet, 27 ans; son mari Han Mon Tor, 30 ans; le fils de 10 ans du couple, Praw Chat; et leur fille de 3 ans, Daw Maw Ne.

L’ampleur des violations des droits humains par l’ARSA est difficile à déterminer, en grande partie parce que les autorités du Myanmar continuent à restreindre l’accès au Rakhine. Le 23 septembre, des membres de la communauté hindoue du nord de l’État de Rakhine et des membres des forces de sécurité du Myanmar se sont rendus sur les lieux du massacre et ont déterré, au cours de deux jours, quatre fosses communes contenant au total les restes de 45 personnes du village de Kha Maung Seik.

En comptabilisant les victimes d’Ah Nauk Kha Maung Seik, de Ye Bauk Kyar et de Myo Thu Gyi  le nombre total de morts pourrait s’élever à 105 personnes.

Il est urgent que les Nations unies et des enquêteurs indépendants puissent se rendre sur place 

Il est important de rappeler que le 25 août 2017,  l’ARSA a également lancé une série d’attaques contre une trentaine de postes de sécurité de Birmanie ce qui a déclenché une campagne de violence illégale et totalement disproportionnée de la part des forces de sécurité birmane. Plus de 693 000 Rohingyas ont été contraints de fuir au Bangladesh, où ils demeurent réfugiés. Cette violente campagne répressive a été marquée par des homicides, des viols, des violences sexuelles, des actes de torture, des villages incendiés, des tactiques destinées à affamer et d’autres violations des droits humains qui constituent des crimes contre l’humanité au regard du droit international.

Amnesty International encourage le gouvernement à autoriser des recherches indépendantes dans l’état d’Arakan afin de lever le voile sur toutes les violations des droits humains qui y sont commises tant celles commises par l’armée birmane que celles de l’ARSA.

« Les épouvantables attaques de l’ARSA ont été suivies par la campagne de nettoyage ethnique menée par l’armée du Myanmar contre l’ensemble de la population rohingya. Ces agissements doivent être condamnés dans les deux cas – des violations des droits humains ou des exactions commises par un camp ne justifient jamais des atteintes perpétrées par l’autre camp », a déclaré Tirana Hassan

Selon le rapport d’Amnesty International, lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies la semaine dernière, le représentant permanent de la Birmanie a reproché à certaines personnes au sein des Nations unies de n’« écouter qu’une partie de l’histoire » et de ne pas reconnaître les atteintes aux droits humains commises par l’ARSA.

« Les autorités du Myanmar ne peuvent pas reprocher à la communauté internationale d’être partiale alors qu’elles lui refusent dans le même temps l’accès au nord de l’État d’Arakan. On ne connaîtra la véritable étendue des exactions de l’ARSA et des violations de l’armée du Myanmar que lorsque des enquêteurs indépendants spécialistes des droits humains, notamment ceux de la Mission d’établissement des faits de l’ONU, auront un accès libre et total à l’État d’Arakan », a déclaré Tirana Hassan.

Info Birmanie rappelle que les Rohingya de l’État d’Arakan subissent depuis des décennies une discrimination systématique de la part des autorités birmanes et que ces dernières sont reconnus comme crime contre l’humanité, et ce même avant les atrocités d’août 2017. Après les attaques du 25 août, ces violations et ces crimes ont atteint un sommet, avec des exécutions illégales, des viols et des incendies de villages à grande échelle, qui ont conduit la majorité de la population à fuir le pays. Rien ne peut justifier de telles violations. Mais de même, aucune atrocité ne peut justifier le massacre, les enlèvements et autres abus commis par l’ARSA contre la communauté hindoue.

Info Birmanie soutient également que les crimes commis par l’ARSA relèvent de la violation des droits humains. Ils devraient faire l’objet d’une enquête par un organe compétent et, si des preuves suffisantes et recevables sont trouvées, les responsables devraient être traduits devant des tribunaux civils indépendants, dans des procès conformes aux normes internationales. Les autorités du Myanmar doivent immédiatement permettre aux enquêteurs indépendants, y compris à la Mission d’établissement des faits de l’ONU, d’accéder pleinement et sans entrave à l’ensemble de la région, dans l’ensemble des violations des droits de l’homme et des crimes commis dans le nord de l’État d’Arakan.

AUNG SAN SUU KYI

AUNG SAN SUU KYI

Aung San Suu Kyi, leader du mouvement démocratique birman et lauréat du prix Nobel de la Paix, symbolise la lutte du peuple de Birmanie pour la liberté. Elle a passé plus de 15 ans en détention,  la plupart du temps en résidence surveillée. Plusieurs déclarations des Nations Unies  affirment que la détention d’Aung San Suu  Kyi était illégale en vertu du droit international et du droit birman.

Le 13 Novembre 2010, une semaine après la tenue d’élections orchestrées par la junte, Aung San Suu Kyi  a été libérée, suite à sa troisième période d’assignation à résidence.

La Birmanie vit aujourd’hui un processus d’ouverture politique et de développement inédit.  L’année 2012 a fait surgir tous les espoirs pour la population de Birmanie. L’élection de Daw Aug San Suu Kyi au Parlement a constitué un moment historique.

Mais les réformes entreprises par le Président Thein Sein, si elles ont soufflé un réel vent de liberté,  n’ont pour autant pas encore permis aux populations locales de bénéficier des avancées. Comme le dit Aung San Suu Kyi, aucun progrès tangible n’est encore visible en Birmanie et les réformes engagées par le gouvernement de Thein Sein ne sont  que superficielles.

crédit photo : Thierry Falise
crédit photo : Thierry Falise

BIOGRAPHIE

Aung San Suu Kyi est née le 19 juin 1945. Elle est la fille du Général Aung San, l’un des principaux artisans de l’indépendance birmane, déclarée en 1947. A ce titre, il est perçu par beaucoup de Birmans comme le père de la nation birmane. Il meurt assassiné en juillet 1947. La mère d’Aung San Suu Kyi est diplomate. Aung San Suu Kyi la suit en Inde lorsque celle-ci y est nommée ambassadrice de Birmanie. Aung San Suu Kyi étudie ensuite à Oxford. Elle est diplômée de philosophie, de sciences politiques et d’économie. En 1972, elle épouse Michael Aris, un universitaire Britannique qu’elle suit au Bhoutan et dont elle a 2 fils. Elle commence à écrire une biographie de son père en 1977.

Retour en Birmanie

Elle rentre en Birmanie en 1988 pour soigner sa mère. La même année, le chef de la junte, le Général Ne Win démissionne. Le printemps et l’été 1988 sont marqués par de grands troubles dans le pays, avec des manifestations populaires qui rassembleront plusieurs centaines de milliers de personnes. Ce grand soulèvement marque le début de l’engagement politique d’Aung San Suu Kyi.

Influencée par la philosophie et les idées du Mahatma Gandhi et de Martin Luther King, Aung San Suu Kyi et ses amis politiques fondent, le 24 septembre 1988, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Aung San Suu Kyi en est la secrétaire générale. La LND adopte une politique de désobéissance civile et de non-violence. D’octobre à décembre 1988, Aung San Suu Kyi défie les interdictions du régime et entame une tournée à travers le pays, pour aller à la rencontre de la population.

Les élections de 1990

En juillet 1989, devant au succès d’Aung San Suu Kyi auprès du peuple, le régime l’assigne à résidence dans une tentative de diminuer son influence et la tenir à l’écart d’élections prévues pour l’année suivante. Le gouvernement militaire lui propose d’être libérée à condition qu’elle quitte le pays, ce qu’elle refuse. Elle fait le choix de rester en Birmanie et est placée en résidence surveillée. Les élections ont lieu alors qu’Aung San Suu Kyi et la plupart des membres de la LND sont privés de liberté. Le régime a pris soin de présenter des partis fantoches : pas moins de 234 partis politiques sont créés pour l’occasion. Les élections ont lieu le 27 mai 1990, la LND fait un raz de marée et remporte plus de   80 % des voix, soit 392 sièges sur 485 sièges. La junte annule les résultats et se maintient au pouvoir. Depuis sa résidence surveillée, Aung San Suu Kyi continue de lutter pour la paix et l’indépendance du pays, écrivant plusieurs discours et livres politiques.

Libérée pendant cinq ans

Aung San Suu Kyi a été placé en résidence surveillée jusqu’en juillet 1995. Une fois libérée, elle a dû faire face à de sévères restrictions concernant ses déplacements.
Le 27 mars 1999, le mari d’Aung San Suu Kyi, Michael Aris, décède d’un cancer à Londres. Il avait demandé aux autorités birmanes l’autorisation de rendre visite à sa femme une dernière fois, mais sa demande a été rejetée. Il ne l’avait pas vu depuis une visite à Noël en 1995. Le gouvernement a toujours appelé Aung San Suu Kyi à rejoindre sa famille à l’étranger, mais elle savait qu’elle ne serait ensuite jamais autorisée à retourner en Birmanie.

2000: De nouveau en détention

En 2000, Aung San Suu Kyi a été placée en résidence surveillée à nouveau, après des tentatives répétées pour quitter la capitale, Rangoon, ou pour  tenir des réunions politiques dans d’autres régions du pays.

2002: Libérée une nouvelle fois

Le 6 mai 2002, après une négociation secrète entre les Nations unies et la junte militaire, Aung San Suu Kyi est libérée. Suu Kyi déclare alors : « C’est une nouvelle ère pour le pays ». Or, le 30 mai 2003, lors d’une tournée de discours dans le pays, son convoi est attaqué dans le village de Depayin par un groupe paramilitaire à la solde de la junte au pouvoir. Elle échappe de peu à la tentative d’assassinat organisée par le régime et durant laquelle 70 de ses sympathisants sont tués ou blessés. La junte profite de l’attaque pour démanteler le parti d’opposition. Cette tentative d’assassinat est mieux connue sous le nom de « massacre de Depayin ». La junte a prétendu qu’il s’agissait de combats entre deux partis politiques, déclenchés  par la LND.

2003 : De nouveau en détention

Suite à l’attaque de Depayin, Aung San Suu Kyi est arrêtée et de nouveau placée en résidence surveillée. Pendant cette période d’assignation à résidence, ses conditions de détention étaient beaucoup plus strictes que dans le passé. Sa ligne téléphonique fût coupée, son courrier intercepté et les bénévoles de la LND assurant sa sécurité autour de sa maison ont été interdits en décembre 2004.

Les diplomates n’étaient généralement pas autorisés à la rencontrer, bien qu’à certaines occasions, des envoyés des Nations unies et des représentants du gouvernement des États-Unis aient été autorisés à la rencontrer. Cependant, même le secrétaire général Ban Ki-moon n’a pas été autorisé s’entretenir avec elle lors de sa visite en Birmanie en 2009.
En mai 2009, quelques jours avant que sa période d’assignation à résidence n’arrive à échéance, Aung San Suu Kyi a été arrêtée et accusée d’enfreindre les conditions de son assignation à résidence qui lui interdisait de recevoir des visiteurs, après qu’un américain,  John Yettaw,  ait nagé à travers le lac qui mène à sa maison et ait refusé de quitter son domicile.

En août 2009 elle a été déclarée coupable et condamnée à trois ans d’emprisonnement. Dans le but apparent de calmer l’indignation internationale autour du procès d’Aung San Suu Kyi, sa peine a été réduite à 18 mois d’assignation à résidence. Ce qui signifiait qu’elle serait libérée six jours après que la date des élections prévues en Birmanie, garantissant ainsi une fois de plus qu’elle ne pourrait pas participer au processus politique.

2010: De nouveau libérée

Le 13 novembre 2010, au terme de sa peine et six jours après  la tenue d’élections truquées, Aung San Suu Kyi a été libéré. Aucune condition spécifique n’a été évoquée quant à sa libération. Celle-ci est intervenue au terme de sa peine de 18 mois supplémentaire d’assignation à résidence, et n’est donc pas le résultat d’une conciliation diplomatique menée par les Nations unies, dans le cadre d’un processus de facilitation d’un  dialogue.

2012 : Aung San Suu Kyi est élue députée

25 novembre 2011, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) se fait ré-enregistrer comme parti politiqueet en janvier 2012 Suu Kyi se lance dans la campagne des législatives partielles, réunissant des foules nombreuses lors de ses déplacements dans le pays

Le 1er avril 2012, Aung San Suu Kyi est élue députée dans la circonscription de Kawhmu, au sud de Rangoon. En mai 2012, Aung San Suu Kyi se rend en Thaïlande dans le cadre de son premier voyage à l’étranger depuis 24 ans et entame une une grande tournée européenne

Le 16 juin 2012, Aung San Suu Kyi reçoit son prix Nobel à Oslo, 21 ans après qu’il lui avait été attribué

2013 : La course pour la présidence

En mai 2013 Aung San Suu Kyi admet qu’elle veut se présenter aux élections nationales de 2015, pour briguer la présidence.

2015 : La victoire de la Ligue Nationale pour la Démocratie aux élections législatives 

En novembre 2016, la Ligue Nationale pour la Démocratie remporte 77% des sièges au Parlement lors des élections législatives et devient donc majoritaire. Aung San Suu Kyi devient alors Conseillère d’Etat, un nouveau poste pour la Dame de Rangoun qui ne peut pas être présidente en raison de la Consitution birmane. Ce poste lui permet d’être décisionnaire au sein du gouvernement civil.

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