#WhiteRose4Peace

#WhiteRose4Peace

Campagne – 05 juin 2019 –

« La rose blanche pour la paix est le mouvement des citoyens du Myanmar qui aiment la paix, attachent de l’importance à l’égalité et à l’harmonie sociale, en résistant à ceux qui propagent intentionnellement la haine et provoquent une instabilité ethnique et religieuse au Myanmar. »

Déclaration de la page officielle de la campagne

Une campagne de roses blanches a été lancée en symbole de paix et de solidarité avec les musulmans de Birmanie, qui ont été victimes d’attaques de la part d’au moins 100 nationalistes, dont des moines bouddhistes, durant la période du Ramadan. Ces derniers ont interrompu les prières d’un groupe de musulmans à Rangoun, dans un local qui leur avait été prêté à cet effet, armés de couteaux et de bâtons.

Au lendemain de ces déferlements de haine, le moine bouddhiste U Bandatta Seindita s’est rendu sur place, au Township de South Dagon, pour distribuer des roses blanches aux musulmans après leurs prières. Ce geste a été repris les jours suivants par des activistes bouddhistes à la sortie d’autres mosquées à travers le pays: Dagon, Mandalay, Sagaing, Yangon…

Le mouvement s’est vite répandu sur les réseaux sociaux avec le #WhiteRose4Peace et propage l’empathie, la tolérance, la compassion et la bonté entre les religions. Les organisateurs de la campagne Facebook ont insisté pour dire que de simples individus pouvaient tout à fait y participer aux côtés des groupes organisés. Il suffit de donner une rose à son prochain, quelle que soit sa religion ou son appartenance ethnique, et de diffuser la photo.

L’équipe d’InfoBirmanie #WhiteRose4Peace

Cette initiative citoyenne a par la suite été élargie à la promotion de l’amitié entre toutes les minorités ethniques et religieuses, et a été largement saluée dans le contexte d’un nationalisme bamar-bouddhiste grandissant qui alimente dangereusement les conflits.

Double discrimination, multiples conséquences:  les travailleuses migrantes birmanes en Thaïlande

Double discrimination, multiples conséquences: les travailleuses migrantes birmanes en Thaïlande

InfoBirmanie, en partenariat avec Terre des Hommes France (TDH), la Fédération Internationale Terre des Hommes (FITDH), et Foundation for Education and Development (FED) participe à un projet visant à réduire la vulnérabilité des migrants entre la Thaïlande et la Birmanie. Cet article d’InfoBirmanie est le second  d’une série mensuelle : retrouvez tous les mois une publication thématique pour rendre compte de la situation pressante des migrants birmans en Thaïlande et du contexte de cette migration.

28/05/2019

La féminisation de la migration Birmanie – Thaïlande

L’intensification sans précédent des migrations aujourd’hui s’accompagne d’une féminisation très importante de ces mouvements, y compris en Asie du Sud-Est. D’après le rapport Thaïlande 2019 de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), une demande accrue de main d’oeuvre dans des filières “féminisées” a accru le nombre de femmes migrantes dans la région de l’ASEAN, en particulier vers la Thaïlande. En effet, au moins 50.2% de la population migrante en Thaïlande sont des femmes, mais un grand nombre d’entre elles échappent à ces statistiques car les femmes sont surreprésentées dans le secteur informel par rapport aux hommes. On estime que 70% des 4 millions de travailleurs migrants en Thaïlande viennent de Birmanie, dont 43% seraient des femmes.

Traditionnellement, les femmes birmanes suivaient leurs maris dans leur parcours migratoire. Mais dû à la nécessité d’échapper aux conflits, à la pauvreté et pour subvenir aux besoins de leurs familles, elles sont de plus en plus nombreuse à partir indépendamment, même si leurs trajectoires restent majoritairement clandestines. Sous le régime militaire en Birmanie, les voies légales d’immigration étaient largement inaccessibles, notamment aux femmes de moins de 25 ans qui étaient interdites de voyager non-accompagnées et aux femmes d’appartenance ethnique. Ces voies se sont ouvertes à travers divers accords bilatéraux mais seulement pour certains secteurs valorisant une main d’oeuvre masculine, excluant donc les femmes des opportunités légales. Outre les restrictions sur les déplacements des birmanes apportées par les voies institutionnelles de migration, ces routes sont inabordables à cause des inégalités structurelles qui affectent les femmes. Le coût, la complexité et la durée des démarches administratives les découragent de toute perspective migratoire régulière.

Des inégalités de genre déterminantes

La précarité est très présente dans le quotidien des travailleuses migrantes birmanes. Bien qu’elles trouvent facilement du travail, elles sont majoritairement employées dans des postes non-qualifiés de manière informelle. En Thaïlande, 61% des birmanes travaillent dans des usines, de construction ou de textile par exemple, 15% dans l’emploi domestique et 24% sont travailleuses du sexe et dans le secteur des divertissements et du tourisme. Reléguées à des métiers dits “de femme” et sous-estimés, elles endurent des conditions de travail moins favorables que les hommes et sont en proie à l’exploitation et aux violations de leurs droits.

Dans les industries, la loi de protection du travail thaïlandaise qui garantit à tous les mêmes droits n’est pas appliquée. Les femmes migrantes n’ont pas accès aux postes de même statut que leurs homologues masculins, et les rares qui parviennent à des métiers plus spécialisés perçoivent des salaires bien moindres. De plus, les entreprises, souhaitant avoir accès à une réserve de main d’oeuvre migrante peu chère et facilement remplaçable, ont stratégiquement relocalisé leurs usines aux frontières entre les deux pays. C’est le cas de la région de Mae Sot, où beaucoup d’entreprises de vêtements se sont installées pour disposer facilement et sans contraintes de travailleuses. Ceci les soumet à une grande insécurité du travail car les employeurs ne les enregistrent pas volontairement et ces femmes sont donc dépourvues de droits basiques et d’accès aux systèmes de protection sociale.

Dans le domaine des services aux personnes, le travail domestique n’est pas reconnu par la loi, maintenant les travailleuses dans des situations d’illégalité et les exposant à de nombreux risques. La complexité des relations professionnelles soumet certaines femmes à des injustices et même à du travail forcé. Décrites comme “membres de la famille” et vivant sur place, les employeurs profitent de l’étroitesse des liens pour demander des services sans limites, tout en instaurant des frontières considérées comme nécessaires pour assurer l’hygiène et la séparation des classes sociales… Dans le travail du sexe, la criminalisation de la prostitution et la présomption que les femmes ne font pas le choix d’exercer ce métier mais sont plutôt victimes de trafic, les exposent à des risques de détention et de rapatriement lors des fréquents raids d’établissements. Bien que le trafic soit une problématique importante et que de nombreuses femmes deviennent victimes d’exploitation sexuelle, le travail du sexe en Thaïlande demeure l’un des seuls secteurs où les femmes peuvent espérer gagner plus que le salaire minimum. Pour autant, les conditions de travail sont très dures: pas de repos, des amendes pour les absences et les retards et un contrôle physique et vestimentaire sévère. Cependant, le stigma associé à cette occupation et la peur des répercussions empêchent les professionnelles qui le souhaitent de porter plainte contre leurs conditions de travail, et aux potentielles victimes de trafic de recourir à la justice.

Quelque soit le secteur, il est clair que les conditions de travail des migrantes birmanes se rapprochent de l’exploitation. Elles forment la catégorie en Thaïlande qui touche les rémunérations les plus basses si l’on croise les données par nationalité et par genre, et compensent ce manque par un nombre d’heures inhumain. Cela leur permet de renvoyer la même somme d’argent à leurs familles restées en Birmanie que les hommes, redoublant d’efforts, acceptant les conditions et sacrifiant leur bien-être.

La violence systémique à l’égard des travailleuses birmanes

Les travailleuses birmanes, surtout domestiques et du sexe, souffrent régulièrement de violences verbales, physiques et sexuelles. Isolées, occupant des rôles genrés, soumises à des relations de domination, elles sont extrêmement vulnérables à ces abus. Dans les usines, les femmes ne sont pas non plus à l’abri de violences car les travailleurs y sont logés dans des habitations communes. La sécurité et l’intimité ne sont pas respectées, avec des salles de bains collectives, peu d’éclairage, et l’impossibilité de fermer portes et fenêtres à clé. La seule garantie de protection que possèdent les femmes est la présence de leurs maris sur place, renforçant les stéréotypes de genre et leur dépendance.

Les femmes peuvent difficilement dénoncer ces atteintes en raison de la peur de représailles envers leur statut de migrantes et du jugement de la part de la communauté. A Mae Sot, les autorités reçoivent chaque année au moins 20 plaintes de viols ou meurtres de migrantes birmanes mais la police est inefficace dans le traitement de ces affaires. Elle extorque parfois même les femmes qui s’expriment, profitant de leur situation et justifiant leurs craintes.

La justice n’est pas le seul service public qui leur est quasi-inaccessible. Comme elles travaillent majoritairement de manière informelle et irrégulière, les travailleuses birmanes ne reçoivent aucune sécurité sociale et n’ont pas les moyens de souscrire au système de santé privé. La barrière de la langue les entrave et leurs mouvements sont souvent limités par la distance entre leurs lieux de travail ou de résidence et la ville, ainsi que par leurs employeurs qui leur interdisent tout déplacement en imposant un rythme de travail incessant. De ce fait, elles doivent se contenter d’auto-traitements, qu’importe la gravité de leur état. Ces obstacles affectent également leur santé sexuelle et reproductive, surtout chez les travailleuses du sexe, ce qui augmente les risques d’infections et de maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non-désirées. Bien que cela soit interdit par la loi, les employeurs n’accordent pas de congé maternité et renvoient les femmes enceintes, les obligeant à « trouver une solution ». Comme l’avortement est illégal en Thaïlande, les femmes doivent interrompre leurs grossesses clandestinement, entraînant des complications qui peuvent être fatales. Le peu de femmes qui décident de garder leur bébé opte pour des accouchements dangereux au travail ou à domicile au vu des coûts exorbitants des centres et des hôpitaux. Le gouvernement thaïlandais est au courant et même complice de ces pratiques, soumettant les femmes à des tests de grossesse avant de leur accorder des permis de travail, et menaçant régulièrement de déporter les travailleuses enceintes.

Quid de la “safe migration” prônée par l’ONU?

Les travailleuses migrantes birmanes vivent dans un climat de peur et d’appréhension permanent. Elles subissent une double discrimination de par leur statut de femmes et d’étrangères qui les empêche de jouir de droits fondamentaux et elles sont menacées par tout type de violations et d’abus par leurs employeurs, les autorités  et leurs collègues. N’ayant aucun moyen de se protéger sans risquer des représailles, elles souffrent en silence de ce cercle vicieux d’instabilité et de dangers car leurs envois d’argent sont la principale source de revenus pour leurs familles. Il est donc indispensable d’instaurer une migration sûre, afin que ces femmes n’aient pas à se sacrifier. Les lois du travail thaïlandaises doivent protéger les droits inaliénables de ce groupe marginalisé et les accords bilatéraux entre la Thaïlande et la Birmanie reconnaître l’importance de leur travail. Soulever le voile d’invisibilité qui les recouvre permettra aux travailleuses birmanes migrantes de soutenir leurs familles sans mettre leur vie et leur dignité en péril.

Clara Sherratt

Meurtres de Rohingya à Inn Din : les militaires condamnés déjà libres ?  

Meurtres de Rohingya à Inn Din : les militaires condamnés déjà libres ?  

CP 27 mai 2019 – Reuters révèle aujourd’hui que les 7 militaires condamnés pour le meurtre de 10 villageois Rohingya dans le village d’Inn Din ont été libérés… depuis des mois. Selon deux co-détenus, ils auraient été libérés dès novembre 2018, dans le plus grand secret. Reuters a également reçu le témoignage de deux responsables de prison et d’un des soldats libérés.

Condamnés à dix ans d’emprisonnement en avril 2018, ces sept militaires auront donc passé moins d’un an en prison ? Les deux journalistes de Reuters, condamnés à sept ans de prison pour avoir enquêté sur ces meurtres et récemment graciés, auront donc passé plus de temps en détention que les meurtriers !

Cette libération anticipée de criminels est révélatrice de la nature d’un régime qui n’a eu de cesse d’instrumentaliser cette unique condamnation pour faire taire les critiques. Aung San Suu Kyi avait déclaré que cette condamnation était une première étape « sur le chemin de la responsabilité ». En avril dernier, le commandant en chef des armées se prévalait de cet « exemple », alors même que les condamnés ne purgeaient plus leur peine?

L’impunité dont bénéficient les auteurs des « crimes les plus graves en droit international » perpétrés notamment dans l’état Arakan – à l’origine de l’exode de plus de 700 000 Rohingya en août 2017 – est régulièrement dénoncée.

Aujourd’hui, les autorités birmanes doivent rendre compte de cette libération anticipée. Face à cette impunité persistante, il est urgent que la communauté internationale mette un terme à son impuissance et agisse comme elle en a le devoir et le mandat : les victimes n’ont aucune perspective de justice en Birmanie.

Contact : Sophie Brondel 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org  

 

 

Myitsone : un pion sur l’échiquier chinois ?

Myitsone : un pion sur l’échiquier chinois ?

Mais pourquoi donc la Chine a-t-elle récemment remis sur la table le projet de barrage de Myitsone, dans l’état Kachin ? Suspendu depuis 2011 à la suite d’une contestation populaire d’envergure, ce projet controversé, porté par la Chine, fait de nouveau parler de lui : la contestation gronde de nouveau face à la perspective de son éventuelle reprise. Alors que la décision des autorités birmanes se fait attendre, nous revenons sur ce dossier, à l’image de l’importance des intérêts et des investissements chinois en Birmanie.

Le projet de barrage hydro-électrique de Myitsone dans l’état Kachin

Comme le fait valoir Bertill Linter, un journaliste suédois qui couvre la Birmanie depuis des décennies, la Chine n’est pas sans savoir qu’un sentiment « anti-chinois » est observable dans le pays et que la mise en œuvre de ce projet très largement contesté ne ferait que l’accentuer. Alors quels sont les enjeux ? La question se pose d’autant plus que le projet de Myitsone n’est pas d’une importance stratégique majeure pour la Chine, comparé au projet de zone économique spéciale (ZES) et de port en eau profonde à Kyaukphyu dans l’état d’Arakan, et de la construction d’une voie rapide jusqu’au Yunnan, permettant de relier cette province chinoise à l’Océan Indien.

Myitsone : de quoi s’agit-il ?

En 2006, la junte militaire, sous le régime du général U Than Shwe, signe un protocole d’accord avec la Chine relatif au développement hydro-électrique de la Birmanie. Cet accord comprend le projet de Myitsone, avec la construction d’un barrage hydro-électrique porté par la Chine, situé à environ 42 kilomètres en amont de Myitkyina dans l’état Kachin.

Selon cet accord, qui n’a cependant jamais été rendu public, la plupart de l’énergie générée par ce barrage (90 %) est censée être exportée vers la Chine. Sous la junte birmane, aucune critique publique du projet n’est possible. En 2009, l’entreprise chinoise « China Power Investment Corporation » débute les travaux, avec la participation du conglomérat birman « Asia World ». Ce barrage de 6000 MW mobilise 3,6 milliards de dollars (USD) d’investissements chinois.

En septembre 2011, alors même que les travaux sont en cours, le projet de barrage de Myitsone est suspendu. L’administration du président U Thein Sein prend cette décision au motif qu’il est  « contraire à la volonté du peuple ». Dans le cadre du processus d’ouverture du pays, le projet de Myitsone fait en effet l’objet d’une certaine attention au niveau international et de fortes contestations sur la scène nationale.

Au niveau international, la Birmanie est encore un pays sous sanctions. La décision de suspension est un gage d’ouverture vis-à-vis des Occidentaux, avec la mise à distance « affichée » du puissant voisin chinois.

Sur la scène nationale, la mobilisation initiale de contestation porte sur les impacts environnementaux du projet. Des villageois et des défenseurs de l’environnement se mobilisent pour dénoncer un impact environnemental et social dévastateur : inondation potentielle d’une surface « équivalente à la superficie de Singapour », déplacement de milliers d’habitants de la région, perturbation de la sédimentation du fleuve, dégradation de l’agriculture…

La dimension symbolique de Myitsone est également en cause, en tant qu’emblème Kachin et lieu de confluence des deux rivières formant la source du fleuve Irrawaddy, qui traverse le pays du nord au sud et que les birmans appellent « fleuve mère ». La contestation devient alors emblématique de la lutte des minorités ethniques pour le respect de leur environnement et de leurs droits, et de leur demande de plus d’autonomie.

La position d’Aung San Suu Kyi : avant et après son arrivée au pouvoir

Lorsqu’elle était dans l’opposition, Aung San Suu Kyi a rejoint la contestation du projet de Myitsone. Lors de son arrivée au pouvoir en 2016, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a constitué une commission de vingt membres, parmi lesquels le Ministre en chef de l’état Kachin. Chargée d’évaluer les projets hydroélectriques sur le fleuve Irrawaddy, cette commission a transmis un rapport au bureau de la Présidence il y a plus d’un an. Mais son contenu n’a, jusqu’à présent, pas été rendu public.

Il en va de même du protocole d’accord conclu avec la Chine en 2006. Aung San Suu Kyi appelait à ce qu’il soit publié avant d’arriver au pouvoir. Mais depuis sa prise de fonction, le contenu du document n’a jamais été dévoilé.

En 2016, lors d’une visite en Chine, Aung San Suu Kyi déclarait être favorable à une solution satisfaisante pour les intérêts à la fois de la Chine et de la Birmanie. Un jeu d’équilibriste précaire, qui explique la position délicate dans laquelle se trouvent les autorités birmanes face à la reprise de la contestation populaire ces derniers mois.

Si la Chine ambitionne vraiment de reprendre le projet de barrage de Myitsone, alors les autorités birmanes se trouvent désormais « entre le marteau et l’enclume ». Car, tout le monde s’accorde pour dire que cette reprise serait pour le gouvernement en place de l’ordre du « suicide politique ».

Pressions chinoises pour la reprise du projet Myitsone

En décembre 2018, les autorités chinoises ont remis le projet sur la table. Dans le contexte d’un cessez-le-feu unilatéral décrété par l’armée birmane dans le nord du pays, la Chine rencontre des responsables Kachin et fait pression sur eux en vue de la reprise du projet.

Au début de l’année 2019, l’ambassade chinoise en Birmanie déclare que la population de l’état Kachin n’est pas opposée à la reprise du projet. Ces propos suscitent de vives réactions dans l’état Kachin : ils sont perçus comme une pression inacceptable exercée par la Chine.

Le 13 janvier 2019, l’ambassadeur chinois en Birmanie affirme que le report du projet de Myitsone pourrait nuire à la confiance des investisseurs en Birmanie et ajoute que le projet est crucial pour générer l’énergie requise par le projet de corridor économique entre la Chine et la Birmanie (China Myanmar Economic Corridor), au sujet duquel les deux pays ont conclu un accord en septembre 2018.

La mobilisation contre le projet renaît et se développe

En réaction aux annonces de la Chine, la contestation contre le projet de barrage de Myitsone reprend et s’amplifie : des leaders spirituels, des partis politiques et des Kachin manifestent publiquement leur opposition au projet et appellent à sa cessation.

En janvier 2019, les villageois déplacés lors des débuts de la construction du barrage demandent au gouvernement d’annuler le projet. Les autorités chercheraient à les faire taire en les privant des aides humanitaires qu’ils perçoivent en tant que déplacés.

Les opposants au projet de Myitsone dénoncent de nouveau son impact humain et environnemental dévastateur à l’échelle du pays s’il venait à être repris : inondation d’une vaste superficie, déplacement subséquent de 10 000 civils, destruction de l’écosystème de la rivière Irrawaddy…

Le Cardinal Maung Bo va jusqu’à déclarer que le barrage de Myitsone signerait l’arrêt de mort du peuple birman. Il craint un désastre environnemental et un facteur de guerre chronique dans l’état Kachin et considère qu’avec ce projet, la Birmanie va perdre l’Irrawaddy au nom de la cupidité d’une superpuissance qui joue un rôle accru dans le pays depuis la crise Rohingya…

Il demande à Aung San Suu Kyi d’écouter le peuple et de respecter la promesse faite avant d’arriver au pouvoir. Plusieurs mises en garde sont exprimées par ceux qui s’opposent au projet : les gouvernements « qui arrivent au pouvoir mais ne travaillent pas pour le peuple ne survivent pas. »

Le 7 février 2019, près de 10 000 manifestants se rassemblent en signe de protestation à Myitkyina, capitale de l’état Kachin.

Manifestation à Mytikyina contre le barrage de Myitsone le 7 février 2019

Lors d’une autre manifestation qui a lieu le 1e avril 2019 à Rangoun, Aung Soe Myint, l’un des meneurs de la campagne de contestation, déclare que le projet contesté est « l’un des enjeux les plus pressants du pays » et souligne que la population n’accepte pas sa mise en œuvre. Tun Lwin, ancien météorologue et fondateur de Myanmar Climate Change Watch,  met également en garde sur le fait que le barrage compromettrait l’approvisionnement en eau de la Birmanie, déjà confrontée à des pénuries d’eau en conséquence du réchauffement climatique.

Lors de cette manifestation d’avril, près de 200 personnes en provenance de tout le pays se sont réunies pour mettre en place un comité national chargé d’élaborer une stratégie de campagne contre le projet de barrage de Myitsone. Des environnementalistes, des scientifiques, des écrivains, des moines et des représentants de la société civile demandent à l’unisson aux autorités birmanes l’abandon définitif de ce projet, en solidarité avec la population de l’état Kachin. Ils ont également lancé une campagne de récolte de fonds auprès de la population dénommée « Un Dollar », en vue d’offrir une compensation à la Chine en dédommagement de l’abandon du projet. Le 20 avril à Rangoun, près de 700 personnes ont participé à un panel de discussion intitulé « la volonté nous rendra l’Irrawaddy », mené par des fondations et des organisations de la société civile : la campagne « Un Dollar » est diffusée à cette occasion et une lettre ouverte mentionnant l’idée d’une compensation est adressée au président chinois.

Le 22 avril, des milliers de personnes ont de nouveau manifesté à Waimaw dans l’état Kachin pour protester contre le projet de barrage de Myitsone.

La position actuelle des autorités birmanes

Mais les autorités birmanes tardent à faire connaître leur décision. La presse locale rapporte que les trois ministres de l’état Kachin qui ont été contraints à la démission en janvier 2019 l’auraient été à la demande d’Aung San Suu Kyi. Cette décision fait craindre une volonté de reprise du projet de barrage sous la pression de la Chine, car parmi les ministres « démissionnaires » se trouve le Ministre des ressources naturelles et de l’environnement de l’état Kachin, un farouche opposant au projet de Myitsone.

Quelle est la légitimité d’un contrat signé par la junte militaire ? Cette question ne sera pas posée. Depuis le début de l’année 2019, des négociations seraient en cours pour changer la taille, l’échelle ou même la localisation du projet de Myitsone et proposer un projet alternatif à l’opérateur chinois.

Des déclarations d’Aung San Suu Kyi font cependant craindre à ceux qui dénoncent les effets dévastateurs du projet qu’il soit finalement mis en œuvre.

Le 14 mars dernier, Aung San Suu Kyi  a en effet appelé à davantage « d’ouverture d’esprit » au sujet du projet de Myitsone. Elle fait valoir que son gouvernement ne peut pas simplement « faire ce qu’il veut » avec des contrats signés par le gouvernement de U Than Shwe. Et met en garde contre un isolement de la Birmanie, si chaque gouvernement qui arrive au pouvoir échoue à respecter les accords conclus par le précédent.

Elle précise néanmoins que toute décision des autorités concernant les grands projets du pays sera prise en considérant leur impact économique, social, politique et environnemental. « Nous ne sommes pas en politique pour être aimé, mais dans l’intérêt du pays. » a-t-elle alors déclaré. Le 20 mars, Aung San Suu Kyi ajoutait que ce projet de 6000 MW devait être considéré sous « une perspective plus large ». Ces propos ont suscité énormément de réactions à travers le pays et contribué au développement de la mobilisation de contestation.

Les réactions au sein de la classe politique, et au-delà

Si les déclarations d’Aung San Suu Kyi restent ambivalentes, d’autres acteurs de la vie politique du pays ont des propos nettement plus tranchés.

En février 2019, lors d’une rencontre avec des responsables religieux dans l’état Kachin, le commandant en chef des forces armées Min Aung Hlaing a déclaré que la décision finale sur le projet de Myitsone dépendait des souhaits de la population et du parlement.

Le vice-président de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ministre en chef de la région de Mandalay, Zaw Myint Maung, a publiquement affirmé que son parti se tenait aux côté du peuple. En janvier 2019, un parlementaire de la chambre haute, Khun Win Thaung, de l’état Kachin, déclarait à l’Irrawaddy : « L’état Kachin a une longue expérience avec la Chine et ne peut pas éviter de s’engager avec ce pays, on doit dépendre ou compter sur la Chine d’une façon ou d’une autre… Les autorités doivent faire preuve d’intelligence quand elles prennent une décision : si le gouvernement ne peut se décider, il devrait essayer de rendre ce projet acceptable pour la population. » 

Le Ministre de l’investissement et des échanges économiques extérieurs a pour sa part affirmé que l’électricité produite serait rendue à la Birmanie, car « la Chine produit plus d’électricité que de besoin pour couvrir sa consommation domestique ». Une affirmation potentiellement contredite par les déclarations chinoises déjà mentionnées, selon lesquelles la Chine a besoin de cette électricité dans le cadre du China Myanmar Economic Corridor. Le Ministre met aussi en avant l’importance des investissements déjà entrepris dans le projet et l’existence d’autres sites susceptibles d’accueillir des projets hydroélectriques. Les autorités seraient en train de rechercher d’autres sites pour produire l’électricité dont le pays a besoin, sans affecter les populations et l’environnement.

Les déclarations d’Aung San Suu Kyi suscitent de l’incompréhension. U So Thein, un ancien ministre de l’ancien président et actuel membre du parlement, interroge la situation d’incertitude actuelle : « Les responsables politiques actuels se sont aussi opposés au projet de Myitsone lorsque nous étions au gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi il y a maintenant des discussions au sujet de sa reprise ». Il préconise de renoncer au projet une bonne fois pour toutes, quitte à indemniser la Chine de ses conséquences.

Myitsone et l’influence croissante de la Chine en Birmanie  

L’analyse publiée dans le Global Times, un média détenu par la Chine, illustre assez bien la « propagande » chinoise : elle fait valoir que l’opposition au projet de Myitsone serait motivée par des considérations politiques et que certaines organisations seraient encouragées par des « forces occidentales » tentant de nuire aux relations entre la Chine et la Birmanie… « L’expert » chinois cité par ce média met également en avant des bénéfices pratiques du projet pour la Birmanie (électricité et emploi). Pour un autre « expert » chinois, c’est la crédibilité des autorités birmanes qui est en jeu, ainsi que leur capacité à assurer un environnement sain aux investisseurs étrangers. Ce dernier argumentaire ressemble à celui récemment développé par… Aung San Suu Kyi.

Les pressions de la Chine pour la reprise du projet de barrage de Myitsone sont emblématiques : la Chine est de nouveau « au cœur » de la vie économique et politique birmane.

Le pic des investissements chinois en Birmanie remonte à l’année fiscale 2010-2011 après l’arrivée au pouvoir du président U Thein Sein. L’année suivante, les investissements chinois ont entamé leur déclin, après que le projet de barrage de Myitsone ait été suspendu.

Entre 2014 et 2016, il y a ensuite eu une augmentation régulière des investissements chinois. En dépit d’une méfiance du public vis-à-vis de ces investissements, la crise Rohingya et les condamnations occidentales ont ramené la Birmanie dans l’orbite de la Chine. Ce pays est de nouveau le partenaire économique et stratégique majeur de la Birmanie.

Bien que Singapour soit devenue le premier investisseur dans le pays depuis janvier 2019, devant la Chine, celle-ci occupait encore le premier rang en 2018. La Chine reste également le premier partenaire commercial de la Birmanie et son « protecteur diplomatique », grâce à son droit de veto au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle joue également un rôle dans les négociations de paix, tout en soutenant la quasi-totalité des organisations ethniques armées dans le nord du pays. Comme le souligne un observateur, la Chine ne veut pas la guerre, mais un conflit non-résolu ; elle ne veut pas la paix, mais une stabilité favorable à ses intérêts. Et ceux-ci sont nombreux.

Belt and Road Initiative (BRI) et China Myanmar Economic Corridor (CMEC)

La Chine a clairement rattaché Myitsone au China Myanmar Economic Corridor, et par extension à la Belt and Road Initiative. De quoi s’agit-il ?

La Birmanie est située à un carrefour stratégique dans le cadre de la Belt and Road Initiative (BRI). Entre l’Asie du sud et du sud-est, entre l’Océan indien et la province enclavée du Yunnan. Le projet de la BRI est une « route de la soie des temps modernes » par laquelle serait créée un réseau de routes commerciales, terrestres, fluviales et maritimes reliant la Chine l’Europe en passant par l’Asie centrale, la Russie et le Moyen-Orient. Révélé en 2013, le BRI comprendra à terme soixante-dix pays et les deux tiers de la population mondiale.

En septembre 2018, la Birmanie a signé un protocole d’accord avec la Chine pour la mise en œuvre du China Myanmar Economic Corridor (CMEC), devenant ainsi partenaire dans le cadre de la BRI, qui se présente à l’heure actuelle comme « la source la plus significative d’investissement et d’appui à la croissance économique en Birmanie ».

En dépit de critiques croissantes relatives au rôle de la Chine et au risque du « piège de la dette », le gouvernement birman s’affiche de plus en plus favorable à la BRI. Le corridor économique entre la Chine et la Birmanie (CMEC) va s’étendre sur 1700 km. Partir du Yunnan, traverser les principales villes économiques de la Birmanie (Mandalay, Rangoun…) et aller jusqu’à la côte au niveau de la zone économique spéciale (ZES) de Kyaukphyu dans l’état d’Arakan, avec un projet de port en eau profonde donnant un accès direct à l’Océan indien. L’enjeu pour La Chine ? Importer le pétrole sans passer par le  détroit de Malacca et développer la province enclavée du Yunnan… Dans le cadre de la CMEC, la Chine a trente projets en vue. A ce jour, la Birmanie a conclu des accords relatifs à neuf d’entre eux.

Des critiques se lèvent pour dire que la BRI risque d’entraîner un endettement insoutenable pour le pays et de générer davantage de conflits dans les zones concernées. Pourtant, la Birmanie a signé un protocole d’accord pour étudier la proposition d’une autoroute entre Muse et Mandalay. Et à Rangoun, le projet controversé de « nouvelle ville » fait partie du CMEC. Les deux pays sont aussi tombés d’accord sur la mise en oeuvre de trois zones de coopération économique dans les états Shan et Kachin.

Des sources proches des investisseurs chinois affirment que Pékin a investi au moins 6 milliards de dollars dans l’état Kachin (dont les 3,6 milliards dans le projet de barrage de Myitsone).  Le Journal Irrawaddy a d’ailleurs publié une infographie : « 30 years of chinese investment in Myanmar » permettant de visualiser l’ampleur des projets d’investissement chinois à travers le pays : la Chine compte en particulier de très nombreux projets dans le secteur de l’énergie, qui représente 67 % du total de ses investissements.

Dans le cadre de la protestation contre la reprise du projet de barrage de Myitsone, des voix birmanes se lèvent pour mettre en question la souveraineté du pays et s’interrogent sur la marge de négociation des autorités birmanes face au géant chinois.

Intérêts chinois v. intérêts birmans ?

La volonté de reprise de Myitsone est-elle réelle ou affichée ? Aung San Suu Kyi s’est rendue en Chine en avril dans le cadre d’un 2e Forum consacré à la Belt and Road Initiative (BRI). Au cours de sa rencontre avec le Président chinois Xi Jinping, le projet controversé de Myitsone n’a pas été évoqué, selon la Présidence birmane. A l’issue du Forum, la Birmanie et la Chine ont signé deux nouveaux protocoles d’accord et un accord dans le cadre de la mise en œuvre du CMEC.

La visite d’Aung San Suu Kyi avait été précédée de celle du commandant en chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing, qui a rencontré le président chinois le 10 avril et indiqué que le BRI comprenait de nombreux projets susceptibles de bénéficier à la Birmanie, ajoutant que les militaires étaient prêts à coopérer pour leur mise en œuvre.

Le gouvernement chinois va-t-il renoncer au projet de barrage de Myitsone en échange de certains avantages économiques et stratégiques en lieu et place d’une importante compensation financière comme cela a déjà été évoqué ? Pour en revenir à l’hypothèse formulée au début de cet article, il se pourrait que Myitsone ne soit qu’une diversion, un stratagème dans les négociations en cours dans le cadre du CMEC et de la BRI, comprenant des projets bien plus stratégiques pour la Chine. 

En conclusion

Au-delà du projet de barrage de Myitsone, le débat actuel indique que les projets d’infrastructure et de développement doivent être gérés avec plus de transparence, associer les populations et répondre au « bien commun ». En l’absence de paix et de système démocratique fédéral en Birmanie, les grands projets sont plus à même d’être source de déstabilisation supplémentaire et d’exposer les populations à des conséquences néfastes. Sous cet angle, Myitsone n’est que « l’arbre qui cache la forêt ».

23 mai 2019

Exécutions extra-judiciaires dans l’Arakan : plaidoyer de la société civile birmane pour une Commission nationale des droits de l’Homme effective

Exécutions extra-judiciaires dans l’Arakan : plaidoyer de la société civile birmane pour une Commission nationale des droits de l’Homme effective

Le 16 mai 2019

Dans un communiqué du 14 mai, 24 organisations de la société civile (OSC) interpellent la Myanmar National Human Rights Commission (MNHRC) sur ses prises de position récentes. En dépit d’informations faisant état d’exécutions extra-judiciaires imputées à des militaires, la MNHRC s’est en effet bornée à reprendre à son compte la version de « légitime défense » avancée par l’armée.

Alors que les opérations de l’armée birmane (Tatmadaw) dans le nord de l’état d’Arakan continuent de se traduire par des violations des droits humains, ces OSC insistent sur la nécessité pour l’institution nationale des droits de l’Homme birmane, la MNHRC, de jouer son rôle et de mener une enquête indépendante. « Au mieux la MNHRC dissimule les crimes de l’armée, au pire elle s’en fait complice » déplorent ces organisations. Elles demandent donc à la MNHRC de conduire une enquête indépendante et transparente sur le mort de villageois dans le nord de l’état d’Arakan et d’agir pour que les parties concernées, en particulier l’armée, rendent des comptes.

Ces 24 OSC viennent d’ailleurs de constituer un groupe de travail qui plaide pour la réforme de la Myanmar National Human Rights Commission (MNHRC). Leur ambition ? Qu’elle devienne une institution effective, indépendante et transparente qui promeut et protège les droits humains conformément aux Principes de Paris adoptés en 1993 par l’Assemblée générale de l’ONU[1].

Civils arbitrairement détenus, villageois victimes d’exécutions extra-judiciaires… Ces dernières semaines, des cas de violations des droits humains imputés à l’armée birmane dans le nord de l’état d’Arakan ont fait l’objet d’une certaine couverture médiatique. Hélas, les méthodes de la Tatmadaw en zone de conflit restent inchangées, alors qu’aucune institution, nationale ou internationale, ne semble en mesure de mettre un terme au cycle infernal de l’impunité.

Le 30 avril dernier, environ 250 hommes âgés de 15 à 50 ans ont été arrêtés par l’armée dans le village de Kyauk Tan, au niveau du township de Rathaedaung, sur la base de leurs liens supposés avec l’Armée d’Arakan (AA). Ils ont été placés à l’arrêt dans une école pour y être interrogés. Le 2 mai, six d’entre eux ont été abattus par des militaires en pleine nuit, dans des circonstances qui font l’objet de récits divergents. Dans son communiqué du 6 mai, Human Rights Watch (HRW) rapporte que si l’armée a invoqué la « légitime défense », des témoins oculaires blessés par les tirs ont indiqué que les militaires avaient ouvert le feu après que l’un des villageois ait crié et tenté de s’enfuir.

Le Secrétaire Général de l’Arakan National Party (ANP) souligne que la ligne de défense de l’armée est peu vraisemblable en raison de l’extrême surveillance et des conditions de détention dont ces villageois faisaient l’objet. Il a adressé une lettre au gouvernement, à l’armée et à la MNHRC, demandant qu’une réponse effective soit apportée suite à ces exactions et que la protection des civils soit assurée.

Des médias locaux ont rapporté que des centaines de militaires ont été dépêchés sur place après les tirs, bloquant l’accès au site, notamment aux organisations souhaitant fournir une assistance médicale aux blessés. Ce n’est que dans un deuxième temps que les blessés (au moins huit) ont pu être évacués.

Dans un communiqué du 10 mai, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) de l’ONU se dit « profondément préoccupé par ces exécutions extrajudiciaires, ces détentions arbitraires et au secret, ces mauvais traitements et par l’utilisation prolongée d’une école à des fins militaires ». « Et par ce qui semble être une punition d’un groupe important de villageois pour des actes de violence perpétrés par un groupe armé ». Le HCDH souligne que « jusqu’à 50 personnes sont toujours en détention au secret sans avoir accès à un avocat, à un médecin ou à toute autre forme de protection ».

Le HCDH rappelle aussi que « l’incident » de l’école du village de Kyauk Tan n’est pas « un cas isolé ». « Le 22 avril dernier, trois hommes de l’ethnie rakhine, qui figuraient parmi 27 personnes arrêtées au niveau de Mrauk-U, également à la suite de l’attaque perpétrée par l’armée Arakan le 9 avril, ont été abattus en détention. Les autorités ont réfuté les allégations selon lesquelles ils auraient été abattus, mais les corps ont été incinérés peu de temps après leur mort et avant que leurs familles ne soient informées. »

L’annonce de la mise en place par l’armée d’un comité d’officiers chargé de mener l’enquête suscite le scepticisme. Les exemples passés montrent que les investigations de la Tatmadaw ne servent qu’à blanchir leurs crimes.

Dans ces conditions, l’ONU plaide pour une enquête crédible, impartiale et indépendante sur les « incidents » rapportés, alors que d’autres exactions sont susceptibles d’avoir lieu sans qu’on en soit informé. L’accès au nord de l’état d’Arakan demeure en effet restreint depuis les opérations militaires menées contre les Rohingya en octobre 2016, puis à compter d’août 2017. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas pris fin et des Rohingya continuent d’être pris pour cible.

« Tout en plaidant pour un accès humanitaire à toutes les zones de conflit, y compris dans le nord de l’État de Rakhine, le HCDH rappelle que la poursuite des violations des droits de l’Homme, des punitions collectives et de l’impunité ne fera qu’alimenter le conflit entre la Tatmadaw et l’armée d’Arakan. « La paix est fondée sur la justice et sans elle, aucun progrès ne peut être réalisé.»

Au-delà de la mobilisation en réaction à ces récentes exactions, le plaidoyer mené par la société civile birmane pour la mise en place d’une institution nationale des droits de l’Homme effective et indépendante en Birmanie se doit d’être relayé.

Contact : Sophie Brondel 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org

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Communiqué du 14 mai 2019 de 24 organisations de la société civile birmane : « la MNHRC doit se positionner sur les exécutions extra-judiciaires de villageois Rakhine »

Contacts presse :  

Moe Thway, Generation Wave : moethway@gmail.com (0095) 09979238220

Thet Thet Aung, Future Light Center Thet2aung2012@gmail.com (0095) 09794932344

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[1] La MNHRC a été accréditée « B » par l’Alliance Globale des Institutions Nationales de Droits de l’Homme (GANHRI) en 2015, soulignant son application seulement partielle des Principes de Paris. Le sous-comité d’accréditation s’inquiétait alors du degré d’indépendance de la Commission vis-à-vis du gouvernement, de la faible diversité de ses membres, ainsi que de sa volonté et de sa capacité limitée pour opérer dans un contexte de conflit armé et de régime autoritaire. En 2020, la MNHRC sera de nouveau évaluée.