Position commune de l’UE sur la Birmanie  : communiqué de l’European Burma Network (EBN)   

Position commune de l’UE sur la Birmanie : communiqué de l’European Burma Network (EBN)  

CP 18 Mars 2020 – Alors que l’Union Européenne s’apprête à renouveler sa position commune sur la Birmanie en avril, des membres de l’European Burma Network (EBN) lui demandent de renforcer son engagement en faveur des droits humains dans le pays.

Des crimes – parmi lesquels les crimes les plus graves en droit international – ont été commis à l’encontre des Rohingya et d’autres minorités à travers la Birmanie. Des conflits armés continuent d’affecter sérieusement la vie de civils, en particulier dans les régions où vivent des minorités ethniques. Les communautés touchées par les conflits n’ont qu’un accès restreint à l’aide humanitaire. Des lois répressives qui restreignent la liberté d’expression, la liberté de se rassembler et la capacité des citoyens de participer au processus démocratique, sont utilisées pour faire taire les voix critiques. Journalistes, militants des droits humains et simples citoyens font l’objet de poursuites et sont menacés d’emprisonnement en application d’une législation que le gouvernement LND en place refuse de réformer, en dépit du pouvoir dont il dispose à cette fin. L’Union Européenne doit faire de la libération des prisonniers politiques une priorité et appeler le gouvernement birman à réformer les lois répressives conformément aux standards internationaux.

Le processus de paix échoue à produire des résultats tangibles. Son architecture se révèle incapable de s’atteler aux griefs persistants des communautés impactées par les conflits. Il ne parvient pas à s’attaquer aux racines du conflit, ni à amorcer un dialogue portant sur des solutions politiques viables. L’UE continue néanmoins d’affecter des ressources financières à ce processus mené par le gouvernement. Une évaluation indépendante du financement du processus de paix par l’UE devrait être menée, avant que davantage de financements soient alloués à ce trou noir.

Les élections générales de 2020, attendues aux alentours de la fin d’année, arrivent à un moment critique. L’UE, dans son rapport de suivi des élections publié en 2019, conclut que peu de progrès a été réalisé depuis les élections de 2015. Seules 2 des 50 recommendations formulées par la mission de suivi du scrutin de 2015 avaient été entièrement mises en oeuvre en avril 2019. De vastes catégories d’électeurs potentiels n’ont pas pu participer au scrutin de 2015 et le risque qu’une partie considérable de la population soit privée de vote demeure à l’approche des élections de 2020. L’UE doit mettre l’accent sur l’importance d’un scrutin inclusif. Elle ne doit pas légitimer un processus électoral dans lequel des électeurs potentiels se voient empêchés de participer au processus démocratique. Le soutien de l’UE devrait donc être dirigé vers les organisations de la société civile, les médias libres et le suivi des élections.

Le fait que l’UE persiste à ne pas employer le mot Rohingya lorsqu’il est question des Rohingya est très préoccupant. A la suite de la décision de la Cour Internationale de Justice (CIJ) relative aux mesures provisoires que l’Etat birman doit adopter pour les protéger, l’UE a publié un communiqué en Belgique qui utilisait le mot Rohingya. Mais dans un communiqué local publié par la Délégation de l’UE à Rangoun, le mot Rohingya a été écarté. Cela ne fait qu’appuyer la politique répressive par laquelle le gouvernement birman dénie aux Rohingya le droit à une identité.

A la lumière des conclusions de la Mission d’établissement des faits de l’ONU (FFM) concernant les vastes intérêts économiques de l’armée birmane, l’UE devrait imposer des restrictions quant à tout engagement avec les entreprises détenues ou contrôlées par l’armée. La FFM recommande qu’il soit mis un terme à tout soutien – financier ou autre – à l’armée, dans la mesure où les revenus générés par ces entreprises à son profit “accentuent de manière substantielle sa capacité à se livrer à des violations massives des droits humains en toute impunité”. Les Ambassades de certains Etats européens ont demandé à leur organisations partenaires en Birmanie de rendre compte des contrats qui les lient à des entreprises détenues ou contrôlées par l’armée. C’est une mesure positive qui devrait être répliquée. L’UE doit demander à ses Etats membres d’en appeler à tous leurs partenaires pour qu’ils mettent un terme à leurs relations d’affaires ou commerciales avec les entreprises détenues ou contrôlées par l’armée. Enfin, l’UE devrait adopter des sanctions financières ciblées à l’encontre de ces entreprises, notamment en les plaçant sur la liste des entités soumises à des restrictions.

A la lumière de ce qui précède, nous demandons à l’Union Européenne :

  • d’appuyer officiellement les conclusions de la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie (FFM) et de mettre en oeuvre ses recommendations
  • d’enjoindre au gouvernement birman : de procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, de retirer toutes les plaintes à l’encontre des militants, défenseurs des droits humains et de l’environnement et autres citoyens, qui expriment des critiques à l’encontre du gouvernement et de l’armée ; et d’abolir ou réformer toutes les lois répressives
  • de ne plus avoir recours aux services fournis par les entreprises détenues ou contrôlées par des militaires (ni à leurs joint-ventures) et de demander à ses Etats membres de faire de même
  • d’adopter des sanctions financières ciblées à l’encontre des entreprises détenues ou contrôlées par des militaires (et de leurs joint-ventures)
  • de soutenir la procédure en cours devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) visant à déterminer si l’Etat birman a violé ses obligations au titre de la Convention sur le génocide
  • de continuer à enjoindre au gouvernement birman de mettre en oeuvre les mesures provisoires ordonnées par la Cour Internationale de Justice (CIJ) conformément au droit international, et suivre de près cette mise en oeuvre
  • d’appeler le gouvernement birman à coopérer avec l’ONU en laissant le Mécanisme Indépendant International sur la Birmanie (IIMM) et le Rapporteur Spécial sur la situation des droits humains en Birmanie accéder à son territoire et accomplir leurs mandats
  • de toujours utiliser le terme Rohingya, dans les déclarations publiques et dans toute discussion, au cours de laquelle les Rohingya sont évoqués
  • de s’assurer que les besoins humanitaires de tous les déplacés internes dans les états d’Arakan, Kachin, Shan et Karen sont satisfaits et continuer d’appeler le gouvernement birman à garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire pour les communautés affectées; de garantir également que les besoins humanitaires des réfugiés (dans les zones frontalières) sont satisfaits, y compris à travers le rétablissement des financements dans les camps en Thaïlande, jusqu’à ce que les conditions pour un retour sécurisé, volontaire et digne soient réunies
  • d’appuyer un embargo global sur les armes à l’encontre de la Birmanie
  • d’appuyer le renvoi de la situation en Birmanie devant la Cour Pénale Internationale ou la mise en place d’un tribunal international indépendant
  • de mener une évaluation indépendante et publique du soutien apporté par l’UE au processus de paix et des programmes/projets de développement menés à ce titre dans l’état d’Arakan

Signataires :

Burma Campaign UK

Burma Human Rights Network

Burmese Rohingya Organisation UK

Civil Rights Defenders

Christian Solidarity Worldwide

Info Birmanie

Progressive Voice (observateur EBN)

Swedish Burma Committee

Swiss Burma Association

Contact Presse : Sophie Brondel sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33

 

Birmanie : le processus de paix au point mort? 10 questions pour comprendre

Birmanie : le processus de paix au point mort? 10 questions pour comprendre

24 février 2020

A l’approche des élections générales de 2020, Info Birmanie dresse un état des lieux de la situation du pays à l’aune des espoirs et des promesses de l’année 2015, marquée par l’arrivée au pouvoir de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND). Lors des élections historiques de cette même année, Aung San Suu Kyi avait fait de la paix sa priorité, dans un pays marqué par soixante-dix ans de guerre civile. Nous commençons donc notre rétrospective par un dossier sur ce thème. Si les birmans, dans leur très grande majorité, aspirent à vivre en paix dans un pays prospère, cette aspiration se trouve contrariée depuis des décennies dans les états ethniques dans lesquels vit près d’un tiers de la population. Dans ces régions, il existe une conscience aigüe de la guerre et de ses conséquences. Ce qui n’est pas le cas dans la majorité du pays, à l’exception de personnes éclairées et de jeunes qui sympathisent avec les souffrances des minorités ethniques et/ou mesurent l’impact des conflits sur la pauvreté et le sous-développement du pays.

Ce dossier vise à rendre compte de ce qui a été entrepris, des obstacles rencontrés et des perspectives de paix. Que reste-t-il aujourd’hui de la promesse de paix formulée en 2015 et du slogan de campagne de la LND « Time for change » ? En mars 2018, Yanghee Lee, Rapporteure Spéciale de l’ONU sur la situation des droits humains en Birmanie, s’inquiétait face à un processus de paix « perdant de son Momentum ». Face à l’écueil dans lequel le processus de paix se trouve actuellement, pouvait-il en être autrement ?

Introduction

  1. Quelle est la situation actuelle sur le terrain des conflits ?
  2. Quels sont les facteurs historiques de conflit ?
  3. A quand remontent les négociations de paix actuelles ?
  4. En quoi consiste l’Accord national de cessez-le-feu de 2015 ?
  5.  Pourquoi la paix comme promesse de campagne en 2015 a-t-elle rapidement été trahie ?
  6. Quel est le bilan du nouveau cycle de Conférences pour la paix du 21ème siècle ?
  7. Quel est le rôle de la Chine dans le processus de paix ?
  8. Quels sont les facteurs persistants de conflit / les obstacles à la paix ?
  9. Quel est le rôle de la société civile, quelles sont ses recommandations ?
  10. Quelles sont les perspectives à l’approche des élections législatives générales de 2020 ?

Annexes et sources 

Pour découvrir le dossier complet, cliquez ici.

Promouvoir le tourisme dans un Etat mis en cause pour génocide : à quel prix ?

Promouvoir le tourisme dans un Etat mis en cause pour génocide : à quel prix ?

4 février 2020 – Même si la situation politique et les violations des droits humains en Birmanie bénéficient d’une certaine couverture médiatique, l’image d’Epinal de ce pays persiste. Le marketing de l’exotisme, à rebours d’une démarche de connaissance d’un pays et de sa complexité, est habilement développé par les autorités actuelles. Comme il le fut en son temps sous la junte lorsque celle-ci décida d’ouvrir la manne financière du tourisme tout en dissimulant ses crimes.  Pays longtemps fermé au monde teinté d’une indéfinissable « authenticité », paysages aux mille pagodes scintillant d’or, diversité culturelle extraordinaire… Voilà la « belle image » dont les autorités du pays se servent aujourd’hui encore. Car pour l’Etat birman, le tourisme n’est pas qu’une affaire de rentrée de devises, qui profite au passage pour partie à l’armée, présente dans plusieurs secteurs clés de l’économie. Il s’agit aussi de communication. Véhiculer la « belle image » est une préoccupation majeure pour un Etat accusé des crimes les plus graves contre une partie de sa population et qui reste dans le déni de ces crimes. Ainsi, les autorités birmanes savent mettre en avant la diversité ethnique et culturelle du pays dans leurs brochures officielles donnant l’illusion d’une contrée en paix, marginalement affectée par quelques différends mineurs. Dans un pays où le commandant en chef de l’armée, Min Aung Hlaing, est mis en cause pour génocide sur la scène internationale mais proclame qu’il est pour « la justice et la paix éternelle », cela n’a rien de surprenant. 

Plus troublant, la Chambre de commerce France-Birmanie a organisé un concours pour promouvoir le tourisme dans le pays et a décerné ses prix à l’occasion d’une cérémonie qui s’est tenue le 11 décembre dernier au Novotel de Rangoun. Ce concours pourrait sembler anecdotique, mais il nous semble au contraire tout à fait symptomatique d’une époque où les mots ont perdu leur sens et où le « business as usual» mène le monde, quand bien même il s’agirait juste de vouloir remplir des chambres d’hôtel désertées ou de relancer un secteur économique en berne. Ce concours a été lancé le 16 septembre, le jour même où les enquêteurs de l’ONU concluaient à l’intention génocidaire de l’Etat birman et lançaient un cri d’alarme pour nous dire que les quelque 600 000 Rohingya demeurant en Birmanie restaient exposés à un risque persistant de génocide. 

Dans un contexte où la parole de la France se fait rare et où notre pays se refuse – pour des raisons que chacun appréciera – à prendre publiquement et officiellement position sur la situation catastrophique des droits humains en Birmanie en dehors des instances internationales, ce concours nous interpelle. « Bienvenue en Birmanie ! » , «  C’est unique ! », «  Quoi de neuf ? »… Le sentiment diffus que ce concours participe, qu’il le veuille ou non, à la communication officielle d’un Etat mis en cause pour génocide ne peut nous échapper. Car n’est-ce pas là, indirectement, la voix de la France qui s’exprime ? Même si l’on nous dira que la Chambre de commerce n’est rattachée ni à l’Ambassade, ni au Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. 

En novembre dernier, M. Le Drian a reçu Thaung Tun, Ministre de l’investissement et des relations économiques extérieures et Conseiller à la sécurité nationale d’Aung San Suu Kyi. Il est connu pour avoir, à plusieurs reprises, rejeté les accusations de nettoyage ethnique et de génocide contre la minorité Rohingya et a récemment qualifié la requête de la Gambie devant la Cour Internationale de Justice de tactique d’intimidation. Il n’en a pas moins profité de sa visite en France pour rencontrer des entreprises françaises. Pendant ce temps, l’Ambassade de France organisait des défilés de mode à Naypyidaw et à Rangoun. 

A l’heure où il est question de l’intention génocidaire de l’État birman, ce concours, cette visite au sommet et ces défilés nous semblent révélateurs d’un véritable écueil. D’un côté, un silence qui tire officiellement sa justification d’un soutien à une « transition démocratique » sérieusement ébréchée, de l’autre la défense de nos intérêts économiques. Au milieu, un génocide ? Cela nous évoque tristement le constat formulé par Véronique Nahoum-Grappe au sujet de nos démocraties abîmées par le drame syrien. En Birmanie aussi, la culture du réalisme – teintée de « soutien à la transition démocratique en cours » – coûte cher à nos valeurs. 

Pour voir les vidéos, cliquez sur les titres ci-dessous :

Bienvenue en Birmanie 

C’est unique ! 

Un jour en Birmanie 

Contact : Sophie Brondel : sophie@info-birmanie.org / 07 62 80 61 33

Décision de la CIJ : la France doit appuyer la mise en œuvre de ces mesures d’urgence

Décision de la CIJ : la France doit appuyer la mise en œuvre de ces mesures d’urgence

CP 23 janvier 2020 – La Cour Internationale de Justice (CIJ) vient d’ordonner à l’Etat birman de prendre des mesures d’urgence pour protéger les Rohingya qui demeurent en Birmanie, rejetant les arguments avancés par la Birmanie lors de l’audience, notamment par la voix d’Aung San Suu Kyi.

Cette décision historique de la CIJ montre, si besoin en était, que la communauté internationale doit renforcer la pression exercée sur l’armée birmane, mais aussi sur le gouvernement civil, face à la politique persistante de persécutions et de déni de droits qui frappe les Rohingya en Birmanie.

Alors que de plus en plus de pays – parmi lesquels la Grande-Bretagne, le Canada et les Pays-Bas – soutiennent la requête gambienne, nous demandons à la France d’ajouter sa voix à ce mouvement qui vient pallier à l’échec du Conseil de sécurité de l’ONU et de ses membres. La France doit sortir du silence et porter un message fort auprès des autorités birmanes relatif à la nécessité de mettre en œuvre ces mesures d’urgence pour protéger les Rohingya.

Contact : Sophie Brondel sophie@info-birmanie.org

Western Union met fin à son partenariat avec la banque Myawaddy

Western Union met fin à son partenariat avec la banque Myawaddy

CP 8 janvier 2020 – Grâce à une mobilisation citoyenne internationale portée par International Campaign for the Rohingya et Burma Campaign UK, Western Union a pris la décision de cesser son partenariat avec la banque Myawaddy, subsidiaire de l’UMEHL (Union of Myanmar Economic Holdings Ltd), un conglomérat d’affaires de l’armée birmane.

Cette décision fait suite à plusieurs initiatives d’une campagne citoyenne qui ne demandait pas à Western Union de cesser d’opérer en Birmanie, mais de mettre fin à ses liens avec l’armée.

Le 31 octobre 2019, Info Birmanie avait rejoint les 33 organisations signataires d’une lettre ouverte adressée au PDG de Western Union dans le cadre de cette mobilisation, s’appuyant sur les recommandations de la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la situation en Birmanie.

Celle-ci a appelé la communauté internationale « à couper tout lien avec l’armée birmane et le vaste réseau d’entreprises qu’elle contrôle et sur lequel elle s’appuie », car « toute activité d’une entreprise étrangère impliquant l’armée et ses deux conglomérats (UMEHL et MEC) expose à un haut risque de contribuer ou d’être en lien avec des violations du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire ». « A minima, ces entreprises étrangères alimentent la capacité financière de l’armée.»

La décision de Western Union est exemplaire et montre la voie à suivre pour que les acteurs économiques en Birmanie ne contribuent pas à financer une armée criminelle, encore très présente dans l’économie du pays.

Pour plus d’informations :

Communiqué de presse du 7 janvier 2020 de International Campaign for the Rohingya et Burma Campaign UK

Contact : Sophie Brondel sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33