Requête gambienne devant la CIJ : Les Pays-Bas et le Canada apportent leur appui formel

Requête gambienne devant la CIJ : Les Pays-Bas et le Canada apportent leur appui formel

CP 3 septembre 2020 – Au lendemain des commémorations marquant les 3 ans de l’exode de plus de 700 000 Rohingya de Birmanie, le Canada et les Pays-Bas annoncent leur appui formel à la requête gambienne devant la Cour internationale de justice (CIJ) mettant en cause la Birmanie pour violations de la Convention de 1948 sur le génocide.

Le Canada et les Pays-Bas, qui avaient déjà déclaré leur soutien à l’initiative gambienne, franchissent un pas supplémentaire qui mérite d’être relevé. Dans une déclaration commune du 2 septembre 2020, ils considèrent qu’il est de leur devoir de soutenir les efforts entrepris par la Gambie aux fins de lutter contre l’impunité et de faire respecter la Convention de 1948, « des efforts qui concernent l’Humanité toute entière ». Il « apporteront leur aide s’agissant des questions juridiques complexes» et « porteront également une attention particulière aux crimes liés à la violence sexuelle et fondée sur le genre, dont le viol».

Exemplaires dans le respect des obligations qui leur incombent en tant qu’Etats parties à la Convention de l’ONU sur le génocide, le Canada et les Pays-Bas appellent de nouveau « tous les États parties à cette Convention à soutenir la Gambie » dans cette affaire. Un appui aux victimes Rohingya qui, comme l’indique l’ONG Burmese Rohingya Organisation UK (BROUK) dans un communiqué du 2 septembre, s’inscrit aussi dans le sens de l’Histoire : « Une paix durable en Birmanie ne peut être atteinte sans justice. Nous voyons déjà les signes d’une répétition de l’Histoire : dans l’état d’Arakan, le génocide des Rohingya reste d’actualité.»

Info Birmanie réitère son appel pour que la France s’inscrive dans la même dynamique, en apportant un appui formel à la requête gambienne, comme l’y appellent le texte et l’esprit de la Convention de l’ONU sur la répression et la prévention du crime de génocide.

Contact presse : 

Sophie Brondel coordinatrice d’Info Birmanie 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org

 

La censure continue : Le site internet de « Justice for Myanmar » bloqué par les autorités

La censure continue : Le site internet de « Justice for Myanmar » bloqué par les autorités

Communiqué de presse – Paris, le 2 septembre 2020 Nous apprenons que les autorités birmanes ont bloqué le site internet de la campagne citoyenne « Justice for Myanmar » (JFM) lancé en avril 2020 [1] et qui publie, notamment, des enquêtes fouillées sur les exactions des membres de l’armée birmane. Sans notification préalable, les responsables de cette campagne ignorent jusqu’au fondement juridique de cette mesure. Le site internet de JFM dans sa version birmane affiche une page blanche, mentionnant un blocage « par directive du Ministère des transports et des télécommunications » selon un article paru dans le Myanmar Times.

Dans un communiqué du 1er septembre, le porte-parole de la campagne JFM souligne que les informations publiées sur le site internet ont été relayées dans des médias birmans, favorisant la mise en lumière des intérêts économiques de l’armée. Les responsables de JFM, qui attendaient une notification officielle, voient dans ce blocage une tentative de faire silence sur le cartel de l’armée, sa corruption et ses crimes. Selon Reuters, un porte-parole du Ministère des transports et des télécommunications a fait savoir que le site avait été bloqué pour diffusion de « fausses nouvelles ».

Le gouvernement birman choisit de nouveau la répression au lieu de s’engager sur le terrain du débat et de la justice. Cette décision de blocage s’inscrit en effet dans la continuité d’une politique de musèlement de la liberté d’expression et de la presse menée par les autorités.

Au printemps dernier, elles avaient déjà décidé de bloquer 221 sites internet d’information en se basant sur la section 77 de la loi sur les télécommunications qui est censée empêcher la diffusion de « fausses nouvelles », visant spécifiquement des médias dits ethniques.

La circulation de l’information sur internet et dans les médias est essentielle, mais à l’approche du lancement de la campagne électorale officielle, l’étau se resserre sur les voix dissidentes et sur le droit de regard de la société civile sur la marche du pays.

Nous demandons la levée du blocage du site internet de JFM et de toutes les décisions de blocage de sites internet visant les médias et la société civile.

 

Contacts Presse :

RSF – Daniel Bastard, dbastard@rsf.org 06 87 72 61 12

Sherpa – Laura Bourgeois, laura.bourgeois@asso-sherpa.org 06 78 00 07 17

Info Birmanie – Sophie Brondel, sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33

 

[1] « Justice for Myanmar » est « une campagne initiée par une équipe de défenseurs des droits humains engagés dans la protection des droits, la défense de l’égalité et la lutte pour la justice. Cette campagne a été constituée dans le but de fournir une plateforme aux personnes persécutées par l’armée birmane – quelle que soit leur origine sociale, religion, genre ou appartenance ethnique – pour les appuyer dans leurs efforts en vue d’obtenir justice et mettre un terme à l’impunité de l’armée en Birmanie. Elle se consacre au dévoilement du lien existant entre les entreprises détenues ou contrôlées par l’armée et les violations des droits humains commises à travers le pays qui représentent des violations du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, constitutives de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide. »

Génocide des Rohingya : KBZ et Max Myanmar doivent rendre des comptes

Génocide des Rohingya : KBZ et Max Myanmar doivent rendre des comptes

« Justice for Myanmar » : KBZ et Max Myanmar doivent rendre des comptes pour leur soutien criminel au génocide des Rohingya / Leurs partenaires internationaux doivent garantir la justice

 

 

CP 24 août 2020 – À l’occasion du troisième anniversaire de la campagne génocidaire de l’armée birmane contre les Rohingya, « Justice For Myanmar » appelle à une enquête pénale sur les conglomérats de cronies « Max Myanmar » et « KBZ Group » en application du droit international. Tous deux ont établi un réseau de partenaires commerciaux internationaux qui ont l’obligation, en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, de soutenir la justice et les recours pour les victimes et les survivants du génocide.

Les partenaires commerciaux de KBZ et de Max Myanmar doivent agir immédiatement pour garantir la justice aux victimes et aux survivants. Jusqu’à présent, ils ne respectent pas leurs obligations de diligence raisonnable en matière de droits humains. Ces partenaires commerciaux comprennent de grandes entreprises des États-Unis, de l’UE, du Royaume-Uni, de Suisse et du Japon, telles que Royal Dutch Shell, AIA, Accor, Sumitomo Mitsui Banking Corporation, Hughes Network Systems et Kempinski AG.

Le porte-parole de « Justice For Myanmar », Yadanar Maung, déclare :  

« L’armée birmane a mené ses« opérations de nettoyage» contre les Rohingya avec le soutien d’entreprises militaires et de « cronies ». Le financement des crimes internationaux est un crime en soi et ces entreprises doivent rendre des comptes. Les partenaires internationaux de Max Myanmar et KBZ sont complices de ces crimes par leur silence. Ils doivent agir maintenant.»

En septembre 2017, l’armée birmane a organisé une série de collectes de fonds pour recueillir des dons auprès des « cronies » et des entreprises militaires, à l’appui de sa campagne génocidaire contre les Rohingya. Les fonds collectés ont été utilisés pour soutenir les forces de sécurité dans l’État de Rakhine et pour la construction d’une barrière frontalière visant à empêcher les Rohingya déplacés de rentrer chez eux. Parmi les plus grands donateurs figuraient les plus grands conglomérats de « cronies » du pays : KBZ Group, qui a fait don de 2,47 millions de dollars USD et Max Myanmar, qui a donné 976 857 dollars USD.

L’Entreprise de l’Union pour l’assistance humanitaire, la réinstallation et le développement (UEHRD) – présidée par la conseillère d’État Daw Aung San Suu Kyi – a organisé des collectes de fonds supplémentaires pour la construction de la barrière frontalière. Les principaux donateurs étaient à nouveau KBZ, qui a fait don de 2,2 millions de dollars américains et Max Myanmar, qui a donné 654 000 dollars américains.

En août 2019, la Mission internationale d’enquête indépendante des Nations Unies sur le Myanmar (UN FFM) a enquêté sur ces dons et a conclu qu’elle « a désormais des motifs raisonnables de conclure également que les responsables du groupe KBZ et de Max Myanmar devraient faire l’objet d’une enquête pénale et, le cas échéant, devraient être poursuivis pour avoir apporté une contribution substantielle et directe à la commission du crime contre l’Humanité « d’autres actes inhumains».»

Les recommandations de la FFM sont jusqu’à présent restées lettre morte. Les partenaires commerciaux de Max Myanmar et KBZ ont des obligations de diligence raisonnable qui les obligent à agir.

Dans le cadre de ces obligations de diligence raisonnable, « Justice For Myanmar » appelle les partenaires commerciaux de Max Myanmar et KBZ à :

• Veiller à ce qu’ils ne fassent pas affaire avec des sociétés qui ont ou pourraient avoir aidé et encouragé la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité.

• Exiger de Max Myanmar et KBZ qu’ils divulguent pleinement et publiquement toutes leurs relations d’affaires avec l’armée birmane et tous leurs dons à l’armée birmane et à l’UEHRD. Si Max Myanmar et KBZ ne parviennent pas à le faire, il convient de mettre un terme à tout lien commercial avec eux.

• Couper tous les liens avec Max Myanmar et KBZ, à moins qu’il soit établi qu’ils n’ont pas de relations d’affaires avec l’armée birmane et qu’ils n’ont pas fait et ne font pas de dons à l’armée.

Yadanar Maung poursuit :

« Il est inacceptable que Max Myanmar et KBZ continuent à opérer en toute impunité. C’est un scandale pour tous les Rohingya, pour les plus de 800 000 survivants du génocide qui croupissent dans les camps au Bangladesh, et pour ceux qui restent en Birmanie et qui continuent d’être privés de leurs droits fondamentaux sous le contrôle des mêmes forces de sécurité qui ont commis des atrocités à leur encontre. La communauté internationale doit entreprendre un effort concerté afin que les recommandations de la FFM des Nations Unies soient mises en œuvre et que tous les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre contre les Rohingya rendent des comptes ».

Note :

« Justice For Myanmar », un groupe de militants clandestins qui milite pour la justice pour le peuple du Myanmar, appelle à la fin des affaires pour les militaires, à une démocratie fédérale et à une paix durable.

Pour plus d’informations sur l’enquête et les recommandations de la UN FFM concernant les dons au génocide, vous pouvez consulter le rapport de la mission d’enquête des Nations Unies : « Les intérêts économiques de l’armée du Myanmar »

Communiqué en Anglais 

Contacts :

  • Yadanar Maung

Email: media@justiceformyanmar.org

Website: https://www.justiceformyanmar.org/

Twitter: @justicemyanmar

Facebook: https://www.facebook.com/justiceformyanmar.org/

  • Sophie Brondel coordinatrice d’Info Birmanie

sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33 (via Whatsapp)

Promouvoir une issue politique face à l’escalade de la violence dans l’Etat d’Arakan

Promouvoir une issue politique face à l’escalade de la violence dans l’Etat d’Arakan

7 août 2020 – Dans son rapport « An avoidable war : Politics and Armed Conflict in Myanmar’s Rakhine State » publié en juin 2020, l’International Crisis Group (ICG) souligne que les combats en cours dans l’Arakan sont les plus intenses que la Birmanie ait connu depuis de nombreuses années et juge cette escalade particulièrement inquiétante. Le conflit dans l’Etat d’Arakan répondant à la fois à un nationalisme virulent et à une marginalisation de la région et de ses habitants de la part du pouvoir central, ICG insiste sur l’importance
d’une solution politique afin de réconcilier la population et les autorités en place. L’impasse de la solution militaire, que ce soit pour le gouvernement ou pour l’Armée de l’Arakan (AA), est flagrante.

Zone géographiquement isolée et fragilisée par la gestion coloniale de son territoire, l’Arakan cherche – depuis la perte de sa souveraineté – à accéder à un gouvernement indépendant/autonome du reste de la Birmanie. Ces revendications constamment étouffées se sont transformées en frustrations au sein de la population arakanaise, ce qui explique la montée en puissance de l’AA, ainsi que d’un ethno-nationalisme local qui cible violemment la minorité Rohingya depuis une dizaine d’années. La région s’est par ailleurs considérablement appauvrie au fil des siècles, du fait de la colonisation et de la dictature Ne Win. Aujourd’hui, l’Etat d’Arakan connait le taux de pauvreté le plus élevé de tout le pays (78%, soit deux fois plus que la moyenne nationale).

Malgré la montée en popularité du Parti National de l’Arakan (Arakan National Party), fondé en 2014 et prônant l’autonomisation de la région, le pouvoir à Naypyidaw refuse toute autonomie à l’Etat d’Arakan. A cela s’ajoute des restrictions imposées par le pouvoir central s’agissant de commémorations régionales observées en Arakan. Cette situation débouche sur une rupture entre le peuple et ses représentants politiques et mène alors à l’explosion de violence que l’on observe depuis novembre 2018. Le sort du leader arakanais, le Dr Aye Maung, en janvier 2018 en est l’illustration. Accusé d’avoir suggéré que la voie des urnes n’était plus aussi efficace que la voie des armes, il est condamné à vingt ans de prison. Cette décision provoque la colère de la population arakanaise, doublé d’un sentiment d’abandon politique qui ne peut que nourrir le soutien à l’AA.

Le 4 janvier 2019, l’AA lance quatre attaques coordonnées à l’encontre de postes de police. En plus de cibler l’armée, elle ne rechigne donc pas à viser la police, mais également les politiques et les fonctionnaires décrétés de mèche avec le pouvoir en place. Bien qu’elle cible les tenants du pouvoir politique et administratif de l’Etat birman, l’AA semble manquer de structure (en comparaison à d’autres organisations ethniques armées dans le pays) pour instaurer une autorité purement arakanaise dans les régions qu’elle contrôle. En décembre 2019, elle annonce cependant la formation d’une « Autorité Arakanaise » (« Rakhine Authority ») afin de lever des impôts et administrer ses territoires .

Mais cette annonce est perçue par les observateurs comme relevant davantage d’un acte performatif et d’une démonstration de force plutôt que d’un réel projet politique. Cela n’empêche pourtant pas son leader, Tun Mrat Naing, de rêver à un « #ArakanDream2020 » dans le cadre d’un combat révolutionnaire qui vise à restaurer la souveraineté arakanaise en conférant un statut confédéré à l’Etat d’Arakan.

Après plus d’un an de combats intenses et malgré l’engagement des forces armées, l’AA ne semble montrer aucun signe de faiblesse et contrôle aujourd’hui la partie nord de l’Etat d’Arakan ainsi qu’une grande partie du canton de Paletwa dans l’Etat de Chin. De fait, le conflit armé s’y est généralisé, ainsi que l’insécurité, et les civils paient un lourd tribut. Dans un récent rapport, Amnesty International documente des frappes aériennes menées sans discernement par l’armée dans des villages et faisant des victimes parmi la population civile. De plus, la répression de l’armée contre les insurgés est marquée par la détention arbitraire et la torture des habitants soupçonnés de sympathiser avec l’AA.

Le Conseil de sécurité de l’ONU appelle pourtant à un cessez-le-feu humanitaire au nom de la lutte contre la Covid-19. Mais l’armée birmane refuse d’intégrer l’AA dans ses déclarations de trêve unilatérale, l’AA étant désignée comme une organisation terroriste par Naypyidaw. Cette accusation tend à ostraciser l’AA et à empêcher tout dialogue entre l’organisation ethnique armée, la Tatmadaw mais également toute personne ou journaliste tentant de contacter l’organisation. La criminalisation de son existence rend complexe toute tentative d’apaisement entre les deux camps, tout en cherchant à légitimer les opérations militaires de l’armée birmane à son encontre. C’est pourquoi l’ICG préconise de mettre un terme à la stigmatisation du groupe armé qui se bat pour faire entendre les revendications d’un peuple blessé par l’indifférence politique de ses représentants.

Le conflit provoque de surcroît une crise humanitaire importante à laquelle le gouvernement doit répondre. En effet, plus de 10 000 personnes ont dû quitter leur habitation ces derniers mois à cause des affrontements, qui ont fait plus de 100 000 déplacés depuis novembre 2018. A cela s’ajoute les persécutions subies par la minorité Rohingya, qui constituent une deuxième urgence humanitaire et politique dans la région. Le conflit armé contre l’AA et la crise Rohingya représentent deux défis d’importance pour le pouvoir birman qu’on ne peut isoler, à quelques mois des élections législatives générales de novembre. Les autorités avancent d’ailleurs des problèmes de sécurité trop importants pour que celles-ci puissent se tenir sur le sol arakanais, un argument légitime mais qui sert également le régime, menacé par la popularité du mouvement nationaliste.

Ces élections pourraient apporter la preuve que la LND est en réalité un parti minoritaire dans l’Etat d’Arakan. Si cela devait avoir lieu, il serait alors de la responsabilité du gouvernement de nommer des représentants du Parti National de l’Arakan (ANP) sans mettre en avant les membres du parti au gouvernement, comme cela a été fait par le passé en dépit des résultats électoraux. Cela représenterait un premier pas, nécessaire afin de renouer avec les Arakanais, et leur redonner confiance en ce système électoral et politique qui leur a, à plusieurs reprises, fait défaut.

Le problème que connaissent aujourd’hui les autorités à Naypyidaw vis-à-vis de l’Etat d’Arakan est un problème d’ordre stratégique. La capitale semble ne prendre en compte qu’une voie, celle du conflit armé afin de régler les revendications arakanaises. Or cette dernière n’a provoqué qu’une escalade du conflit, d’où l’appel de plusieurs ONG à envisager un changement de stratégie, cette fois d’ordre politique pour travailler efficacement à la résolution de la crise.

Si le gouvernement LND annonce la tenue en août de la 4ème Conférence de Panglong pour la paix pour trois jours de discussions entre le gouvernement et les 10 organisations ethniques armées signataires de l’Accord national de cessez-le-feu (NCA) de 2015, l’AA n’en fait pas partie. Non-signataire du NCA, elle a bien demandé à pouvoir participer à la Conférence, mais les autorités ont répondu qu’elle ne sera pas conviée en raison de sa qualification d’organisation terroriste.

Avec la perspective d’une énième Conférence pour la paix, nombreux sont sceptiques face à ce qui ressemble davantage à un outil politique et communicationnel du gouvernement à l’approche des élections qu’à une véritable plateforme destinée à résoudre les ruptures profondes entre le pouvoir central et les minorités du pays. L’arrêt des combats, fut-il provisoire, reste un enjeu de taille pour la tenue et la légitimité des élections qui approchent.

un article de Juliane Barboni

A 3 mois des élections, un scrutin marqué par de nombreuses inconnues

A 3 mois des élections, un scrutin marqué par de nombreuses inconnues

7 août 2020 – Les prochaines élections législatives générales, prévues le 8 novembre, se tiendront quelques jours après les élections américaines de 2020, lourdes d’enjeu pour les Etats-Unis et pour le monde. Sur fond de pandémie et d’ère post-2015, le scrutin birman mobilisera-t-il l’attention des observateurs internationaux à hauteur de ses propres enjeux ? Ces élections sont très importantes pour la Birmanie. La tenue d’élections transparentes et équitables sous le gouvernement de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) apporterait une pierre à l’édifice d’une transition démocratique chancelante à tant d’égards. Certains voient d’ailleurs dans ce scrutin un   « test grandeur nature des efforts de démocratisation du pays ». De nombreux indicateurs sont dans le rouge, parmi lesquels la liberté d’expression.

Ces élections se préparent dans un climat bien diffèrent de celui qui prévalait en 2015. Le slogan de campagne « Time for change » qui a porté la LND au pouvoir s’est heurté aux réalités nettement moins reluisantes de son exercice. Le gouvernement LND n’a pas pu mener à bien la réforme de la Constitution de 2008 nécessaire à l’établissement d’institutions pleinement démocratiques, ni amener le pays vers la paix. Confronté à des combats d’une intensité inégalée depuis des années sur le front qui oppose l’Armée de l’Arakan (AA) et la Tatmadaw, la Birmanie n’a pas davantage commencé à résoudre les autres conflits qui la minent, parfois depuis des décennies, toujours aux prises avec ses vieux démons identitaires et l’héritage toujours vivant de décennies de dictature militaire. La crise paroxystique des Rohingya reste entièrement non résolue, sans aucune perspective d’amélioration à court ou moyen terme en l’état de la politique menée par l’Etat birman, dont l’intention est qualifiée de génocidaire par les experts de l’ONU.Quant au bilan économique, s’il compte quelques avancées à son actif, il voit ses perspectives obscurcies par la persistance de « l’ancien monde » et par l’impact de la pandémie de Covid-19.

Alors que de nombreux pays ont fait le choix de reporter leurs élections en raison de cette pandémie, la Birmanie, qui compte officiellement moins de cas, maintient le calendrier et s’avance vers ce scrutin alors qu’une partie de son territoire est en guerre, aux prises avec des combats d’une intensité que le pays n’avait pas connu depuis des années. Tout récemment, des officiels ont annoncé que le scrutin ne se tiendrait pas sur une partie du territoire de l’Arakan si l’armée estime que les conditions de sécurité ne sont pas réunies.Un enjeu d’apparence légitime, mais en réalité problématique face à l’importance pour la population de pouvoir s’exprimer par les urnes. L’armée et le pouvoir en place ont-ils seulement la volonté de faire taire les armes pour que ce scrutin – et donc une forme de débouché politique partiel aux conflits – puisse avoir lieu ? Sur fond de pandémie, l’appel à un cessez-le-feu mondial lancé par la communauté internationale, relayé en Birmanie par de nombreuses organisations de la société civile, représentations diplomatiques et organisations ethniques armées (OEA), n’a pas été entendu.

Aung San Suu Kyi, officiellement candidate à un deuxième mandat depuis le 4 août, reste populaire au sein de la majorité Bamar, mais il n’en va pas de même au sein des minorités ethniques et parmi les défenseurs des droits humains en Birmanie. L’engouement a cédé la place à un désenchantement certain, dont la traduction dans les urnes reste à mesurer. En l’absence d’alternative face aux militaires, de quels espoirs cette élection sera-t-elle porteuse ?

Depuis des mois, le fait que la LND soit « assurée de l’emporter » revient comme un leitmotiv, la seule question posée étant celle du degré de sa victoire et des forces politiques avec lesquels elle devra ensuite composer, en sus de l’armée. Derrière cette apparente simplicité d’une majorité annoncée pour la LND, quels sont les enjeux de ce scrutin, ses nouveaux acteurs, ses risques ?

Des résultats des élections législatives partielles, on peut déjà tirer quelques enseignements. Elles ont confirmé le moindre soutien dont bénéficie désormais la LND au sein des minorités ethniques, mais aussi la capacité du Parti de l’union, de la solidarité et du développement (PUSD/USDP), le parti des militaires, à remporter des voix. La presse ne manque d’ailleurs pas de spéculer sur les ambitions présidentielles prêtées au commandant en chef de l’armée Min Aung Hlaing, bientôt à la retraite. La simple existence de ces conjectures illustre bien le spectre du poids politique de l’armée qui continue d’influer sur l’histoire du pays.

A partir de septembre, Info Birmanie proposera des analyses et partagera des témoignages d’acteurs et d’observateurs de terrain pour rendre compte de ces élections par une pluralité de voix. La campagne électorale démarre officiellement le 8 septembre.

Alors que l’Etat birman est mis en cause devant la Cour Internationale de Justice,
une image emblématique de la vie politique birmane / Rangoun – décembre 2019