Les minorités et les élections

Les minorités et les élections

Introduction : pour les minorités, que de promesses déçues…

Lors du scrutin historique de 2015 qui s’est joué sur le mode « les militaires ou la démocratie », les minorités ethniques – qui représentent environ 30 % de la population – ont largement pris part au raz-de-marée électoral du parti d’Aung San Suu Kyi [1]. La Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) avait alors fait de la paix son credo et promettait la démocratie et le fédéralisme après des décennies d’exclusion, de conflits et de violations des droits humains. Cinq ans plus tard, les minorités ethniques sont en première ligne des désillusionnés face au bilan du gouvernement LND. La promesse de réforme démocratique et de paix qui a alimenté la campagne électorale de la LND en 2015 a cédé la place au désenchantement.

La situation s’est sérieusement dégradée sur le terrain de plusieurs conflits et des violations des droits humains [2]. Depuis 2015, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées par les combats n’a cessé d’augmenter. Aux plus de 700 000 Rohingya qui ont dû fuir au Bangladesh en 2017, s’ajoutent notamment plus de 300 000 déplacés internes dans les états Kachin, Shan et d’Arakan. Depuis novembre 2018, les combats qui opposent l’Armée de l’Arakan (AA) et la Tatmadaw ont, à eux seuls, entraîné le déplacement de près de 200 000 civils. Ce conflit est le plus intense que la Birmanie ait connu depuis de nombreuses années et l’ONU y évoque de nouveaux crimes de guerre, voire des crimes contre l’Humanité, commis par l’armée.

Les Conférences de Panglong pour la paix, initiées par le gouvernement à grand renfort de communication, se sont enlisées. Limitées par le cadre non-inclusif de l’Accord national de cessez-le-feu de 2015, les discussions n’ont abouti à aucune avancée concrète. Les positions de l’armée et des organisations ethniques armées (OEA) restent inconciliables. En mars 2020, les autorités ont qualifié l’AA d’organisation terroriste, éloignant encore davantage les perspectives de voir cette OEA rejoindre la table des négociations.

Non seulement le sort des minorités ethniques n’a pas connu d’amélioration au cours de ces cinq dernières années, mais elles ne se sentent pas prises en compte par le gouvernement central. Elles lui reprochent de ne pas avoir appuyé leurs revendications d’égalité et d’autonomie. Ces minorités ont de nombreuses raisons de se sentir laissées-pour-compte : poursuite au sommet d’une politique qui promeut le nationalisme bamar-bouddhiste, afflux d’investissements et de projets économiques qui ne bénéficient pas aux populations, impacts désastreux de la réforme de la loi sur la terre pour les minorités, persistance d’un système politique qui les maintient à la marge sous l’égide de la Constitution de 2008, jusqu’à présent impossible à réformer [3].

La campagne d’édification de statues à la gloire du général Aung San, père d’Aung San Suu Kyi et de l’Indépendance, est venue illustrer les tensions entre le gouvernement central et les minorités. Le Gouvernement LND a lancé cette campagne dans les états ethniques en faisant fi de l’opposition suscitée et en réprimant les opposants au projet. Cette démarche cadrait mal avec la volonté affichée de réconcilier le pays, alors que les manifestants déclaraient : « Nous ne voulons pas la statue du général Aung San, nous voulons la réalisation de sa promesse. » Une promesse d’Etat fédéral qui, depuis 1948, tarde à se concrétiser.

La surenchère répressive des autorités est régulièrement dénoncée par les organisations de défense des droits de l’Homme (interpellation de manifestants pacifistes pour la paix, blocage de médias ethniques, poursuites judiciaires à l’encontre de journalistes et de défenseurs des droits humains). Dans un rapport publié le 8 octobre 2020, 19 organisations de la société civile pointent par ailleurs la menace que font peser les discours de haine sur le pays à la veille des élections. Le « rôle des discours de haine, des campagnes de désinformation et de l’ultranationalisme dans la résurgence de l’oppression et des violations des droits humains » y est décrypté, ainsi que « le nouvel alignement du gouvernement et de l’armée » : une « série de discours construits… se renforcent mutuellement et visent à promouvoir la domination bamar-bouddhiste au détriment des minorités ethniques et religieuses du pays.»

Pour les partis ethniques : un scrutin plus compétitif, marqué par d’énormes défis

En 2020, le manifeste de campagne de la LND reprend les grands thèmes de la réforme de la Constitution, de la paix et de l’amélioration des conditions de vie. Mais face au bilan de son mandat, de quels espoirs est-il porteur pour ceux qui n’ont vu aucune avancée dans leur situation ; voire qui l’ont vue se dégrader ? Face aux déceptions des minorités qui s’expriment au grand jour, la question est posée de savoir pour qui elles voteront. L’un des enjeux de ce scrutin est donc bien de voir s’il se traduira par de nouvelles opportunités de représentation politique pour les partis ethniques et leurs revendications.

55 des 94 partis politiques en compétition pour ces élections législatives sont des partis ethniques. Si la plupart d’entre eux n’ont aucune chance d’obtenir le moindre siège, le score des partis plus importants est un véritable enjeu pour la représentation des minorités dans les instances parlementaires, tant au niveau des 7 états ethniques qu’au niveau de l’Union.  

En 2020, le scrutin semble présenter plus d’alternatives. A l’option « les militaires ou la LND » viennent s’ajouter d’autres concurrents et les partis ethniques élargissent leur spectre, en se présentant non plus seulement dans les états ethniques mais dans toutes les circonscriptions. Selon U Yan Myo Thein, un analyste politique interrogé par l’Irrawaddy, « si on se base sur le sentiment actuel au sein des minorités ethniques, les partis ethniques peuvent très probablement remporter la majorité dans des parlements étatiques. Ils ont aussi une forte chance de remporter plus de sièges au Parlement de l’Union. Dans ces circonstances, la LND devra forger des alliances avec les partis ethniques si elle ne remporte pas assez de voix pour former un gouvernement [4]

Si ce scrutin est plus compétitif, en particulier dans les états ethniques, les partis ethniques sont cependant confrontés à de nombreux défis. La crise sanitaire sur fond de pandémie de Covid-19 impacte fortement le déroulement de la campagne électorale. Les restrictions adoptées par les autorités ont tendance à désavantager les « petits partis » par rapport aux partis principaux. Dans l’état d’Arakan en proie aux combats, il est d’autant plus difficile pour les candidats d’aller à la rencontre des électeurs. Cette situation se retrouve dans d’autres contextes de conflit actif, notamment dans le nord de l’état Shan.

En raison de ces restrictions et de la persistance de zones de combats actifs, la participation des électeurs risque aussi d’être impactée. Transnational Institute (TNI) souligne qu’en raison du risque accru de Covid-19 et de l’impact des combats en cours, ce scrutin est encore plus imprévisible. Ce contexte peut considérablement desservir les partis ethniques. Deux études récentes menées par People’s Association for Credible Elections (PACE) – une organisation de la société civile qui suit les élections – montrent qu’une faible participation a tendance à favoriser les partis principaux. Sous cet angle, le maintien du calendrier des élections sur fond de crise sanitaire ne dessert pas le parti de gouvernement.

Fait nouveau, plusieurs partis ethniques ont formé des coalitions dans le but de battre la LND dans les états ethniques et de remporter la plupart des sièges de leurs états au Parlement de l’Union pour y défendre leurs revendications d’égalité de droits et d’union fédérale. Ces coalitions tendent à ne pas se définir sur une base identitaire et à développer des bases programmatiques. Dans l’état Kachin, une coalition de six partis Kachin s’est ainsi constituée. Elle demande notamment l’abandon du projet de barrage controversé de Myitsone. Des partis ethniques constitués en coalition se préparent aussi à négocier avec la LND dans le cadre d’un éventuel nouveau rapport de force, bien que la Constitution de 2008 le rende peu probable.

Dans un rapport récent, Transnational Institute (TNI) souligne que le système institutionnel issu de la Constitution de 2008 acte la sous-représentation des minorités[5]. Dans un pays marqué par l’une des configurations ethnico-politiques les plus complexes au monde, le système en place laisse peu de leviers politiques aux minorités pour promouvoir leurs revendications de réformes démocratiques, de droits et de paix.

A titre d’illustration, le Président désigne les ministres en chef de chaque état et région, même lorsque le parti de gouvernement n’y a pas remporté la majorité des sièges lors des élections législatives[6]. Aucun amendement à la Constitution n’est venu traduire en acte les engagements pour une réforme fédérale des gouvernements qui se sont succédé depuis 2011…

Plusieurs partis ethniques font valoir que « la Constitution exacerbe les défis d’une représentation équitable et de l’inclusion politique des minorités. Le rôle phare dévolu à l’armée ne fait qu’accroître la représentation politique bamar ; et le système politique accentue la marginalisation et la fragmentation ethnique ».

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Extrait du rapport de Transnational Institute (TNI) : « Myanmar: Ethnic Politics and the 2020 General Election »

« Le contexte est délicat. La crise sanitaire de la Covid-19 est venue introduire de nouvelles complexités. Mais de nombreux partis ethniques espèrent encore parvenir à de meilleurs résultats lors du scrutin qui approche. Le risque d’une forte attente en matière de victoire électorale est d’être frappé d’une déception encore plus grande en cas de scores moins bons. Ou, tout aussi dommageable, de ne pas voir une victoire se traduire par des droits politiques et une meilleure représentation… si les partis ethniques réussissent.

Le déni de droits démocratiques est à la base de plus de sept décennies de conflit. Si une nouvelle élection mène à un échec en matière d’inclusion nationale, la confiance sera encore plus érodée. Pour que la paix et la stabilité soient atteints, le système politique doit fournir des moyens permettant à toutes les composantes de la population d’atteindre leurs aspirations à travers des moyens démocratiques, par les urnes.

De grands espoirs sont placés dans les élections en vue d’appuyer une transition pacifique en Birmanie, après des décennies de conflit ethnique et de régime militaire. Cependant, le système électoral actuel n’est pas adapté pour assurer une représentation et une influence politique des minorités du pays. Le système uninominal à un tour et l’attribution d’une majorité de sièges aux régions Bamar du centre se traduit par la domination d’un seul parti politique au service des intérêts du groupe ethnique majoritaire et d’institutions non-représentatives. Cette donnée est peu susceptible de changer après les prochaines élections.

Ce déséquilibre et le manque d’égalité font partie intégrante de l’échec de l’État et de l’instabilité du pays depuis son indépendance en 1948. Au 21e siècle, ils sont encore les plus grands obstacles à la paix nationale et à la mise en place d’une nation qui englobe véritablement sa diversité.

Depuis 2011, on s’éloigne d’un gouvernement militaire et on tend vers un système quasi-civil. Il y a eu une libéralisation générale dans de nombreux aspects de la vie nationale. Les élections générales de 2015 ont été marquées par la victoire de la LND et il faut espérer que le scrutin de 2020 marquera une nouvelle étape vers le changement démocratique.

Cependant, le système politique actuel et l’approche retenue par les dirigeants nationaux sont peu susceptibles de permettre de relever les défis des droits ethniques et de l’inclusion. Il reste à construire un avenir pacifique pour le pays dans lequel toutes les composantes de la population puissent être égales. »

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Comme en 2015, la LND a décidé de faire cavalier seul pour ces élections, déclinant toute alliance avec des partis ethniques avant le scrutin. Ces alliances devront-elles être scellées après ? En fonction des résultats, c’est une éventualité que certains espèrent. Pour pouvoir porter des revendications d’autonomie, de fédéralisme et d’égalité des droits, mais aussi pour amener la LND à un fonctionnement moins hégémonique.

Union fédérale, auto-détermination et égalité des droits : des mots simples sur le papier, mais en réalité d’une très grande complexité face à la diversité des perceptions de ces notions par les multiples acteurs en présence. Quoiqu’il en soit, le vote des minorités sera assurément sous le feu des projecteurs.

Les communautés continuent de lutter pour la défense de leurs droits et pour leur autonomie dans la gestion de ressources naturelles qui, trop souvent, sont exploitées par l’armée et par des groupes peu soucieux du développement local. Se sentent-elles représentées par les partis ethniques en lice pour les élections législatives de 2020, et pour qui voteront-elles ? L’organisation PACE souligne que la déception qui s’exprime face au mandat de la LND ne se traduira pas forcément par un vote.

Pour les minorités, l’enjeu des déplacements de population et de la situation des déplacés est crucial. En plus des 750 000 réfugiés Rohingya au Bangladesh, il y a près de 300 000 déplacés internes dans l’état d’Arakan et le sud de l’état Chin, plus de 100 000 déplacés dans le Kachin et le nord de l’état Shan, et près de 100 000 Karen et Karenni réfugiés en Thaïlande, ainsi qu’environ 150 000 déplacés le long de la frontière thaïlandaise dans les états Shan, Karen et Kayah. Parmi ces populations, peu sont prises en compte par la Commission électorale de l’Union.

En Birmanie, l’exclusion concerne les minorités ethniques et religieuses dans leur ensemble. Dans les états ethniques, on comptabilise de nombreux citoyens qui ne figurent pas sur les listes électorales. Ainsi, dans l’état Kachin, on estime à environ 150 000 personnes le nombre de birmans privés de vote pour ne pas avoir pu présenter de carte d’identité. Dans les états Karen, Chin et d’Arakan, les citoyens « privés de vote » sont aussi nombreux et des voix se lèvent pour dire que le scrutin à venir ne sera ni représentatif, ni équitable. Si la LND a désigné 2 candidats musulmans, cette initiative non dénuée de calculs politiques ne suffit pas à masquer le fait que les citoyens musulmans sont discriminés dans le pays.

Les Rohingya demeurent privés de citoyenneté et du droit de vote qui l’accompagne. Les recommandations de l’ONU visant à les restaurer dans leurs droits et à cesser les persécutions n’ont pas été mises en œuvre par la Birmanie. Mis en cause pour violations de la Convention de 1948 sur le génocide devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), l’Etat birman n’a pas infléchi sa politique d’apartheid à l’approche des élections, bien au contraire.

La question du vote des citoyens birmans vivant en zone de conflit se pose aussi avec beaucoup d’acuité, en particulier dans les états d’Arakan et dans le nord de l’état Shan. La Commission électorale doit encore préciser au courant de ce mois quels cantons pourraient être privés d’élections au motif de l’insécurité.

En conclusion

Lors des élections partielles de 2018, la LND n’a remporté que 7 sièges sur 13. Face à ce revers, elle a alors concédé qu’elle devait faire plus pour les minorités ethniques. Les résultats des élections législatives générales de 2020 l’amèneront-elle à traduire ces mots en actes ?

A l’approche des élections, la LND s’engage de nouveau à défendre une démocratie fédérale à travers la réforme de la Constitution de 2008 et à améliorer les conditions de vie des populations. Lors de son discours de campagne du 17 septembre, Aung San Suu Kyi s’est prêtée à une critique imagée du pouvoir militaire. Mais elle a aussi mis en avant un besoin primordial de sécurité et de barrières face aux « ennemis de l’extérieur », appelant à l’unité et annonçant la décision du gouvernement de financer la construction d’un mur entre la frontière ouest et le Bangladesh. Elle a aussi insisté sur le défi consistant à défendre la Birmanie sur la scène internationale. Les élans pro-démocratie ont cédé le pas à une autre rhétorique, qui illustre le tournant pris par l’alternative que la LND affirme incarner… dans un contexte qui reste assujetti au pouvoir des militaires garanti par la Constitution.

Lien vers l’article complet en PDF (petite police/nécessite de zoomer): http://www.info-birmanie.org/wp-content/uploads/FINAL.pdf

Quelques sources bibliographiques

« 2020 Elections: Ethnic Minority Representation » : Recording of a seminar held by the Swedish Burma Committee on September 23rd with panelists Ying Lao of the Salween Institute and Ko Sai Ye Kyaw Swar Myint of PACE Myanmar

« Myanmar: Ethnic Politics and the 2020 General Election », MYANMAR POLICY BRIEFING | 23 | September 2020 TNI Transnational institute https://www.tni.org/files/publication-downloads/bpb23_def_26092020_highres.pdf

REPORT, « HATE SPEECH IGNITED: UNDERSTANDING HATE SPEECH IN MYANMAR », October 8, 2020


[1] En 2015, les minorités ont, dans l’ensemble, davantage voté pour la LND que pour les partis ethniques aspirant à les représenter. En 2015, la LND a remporté 59,4 % des sièges du Parlement de l’Union et les partis ethniques 8,7 %. Dans les parlements des états ethniques Chin, Kayah, Kachin, Kayin et Mon, la LND a remporté plus de 50 % des sièges. La situation est cependant différente dans l’état Shan, où la LND n’a remporté que 16,2 % des sièges, l’USDP en ayant raflé 23,2 %. Quant à l’état d’Arakan, où la minorité Rohingya était privée du droit de vote, l’Arakan National Party (ANP) a remporté 48,9 % des sièges du parlement, la LND n’obtenant que 19,1 %.

[2] En 2018 et 2019, la Mission d’établissement des faits de l’ONU – mandatée pour enquêter sur la situation dans les états d’Arakan, Kachin et Shan à partir de 2011 – a documenté des éléments génocidaires, des crimes contre l’Humanité et des crimes de guerre à l’encontre de la minorité Rohingya, des violations systématiques des droits humains à l’encontre de la population Rakhine, et des crimes contre l’Humanité et des crimes de guerre dans les états Kachin et Shan. En septembre 2020, l’ONU a fait état de nouveaux crimes de guerre, voire de crimes contre l’Humanité, commis par l’armée birmane dans l’Arakan.

[3] L’armée dispose de 25 % des sièges du Parlement selon la Constitution, et donc d’un droit de veto sur la réforme de ce texte : il faut plus 75 % des voix au Parlement pour le modifier. Un système mis en place par et pour l’armée en 2008 !

[4] Les militaires disposent d’office de 25 % de sièges au Parlement, une donnée de taille pour le calcul de la majorité nécessaire à la mise en place d’un gouvernement…

[5] Myanmar: Ethnic Politics and the 2020 General Election, MYANMAR POLICY BRIEFING | 23 | September 2020 TNI Trannational institute https://www.tni.org/files/publication-downloads/bpb23_def_26092020_highres.pdf

[6] La Birmanie comprend 21 subdivisions administratives – parmi lesquelles 7 états ethniques et 7 régions – réunies dans le cadre d’un système politique centralisé. Les régions sont majoritairement peuplées de Bamar, mais y vivent aussi des personnes appartenant à des minorités ethniques. Les Bamar représentent environ 70 % de la population.


MEHL ou comment l’armée birmane finance ses crimes

MEHL ou comment l’armée birmane finance ses crimes

CP 10 septembre 2020 Dans un rapport publié aujourd’hui, « Military Ltd : the company financing human rights abuses in Myanmar », Amnesty international expose comment le conglomérat Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL) sert à financer les crimes de l’armée birmane. Après avoir détaillé son mode opératoire, l’ONG dévoile sa participation dans les violations des droits humains et les crimes internationaux de la Tatmadaw. L’ONG, qui s’est adressé à 8 entreprises opérant avec le MEHL, interpelle par ailleurs les partenaires d’affaires de celui-ci en leur demandant de mettre fin à une relation qui les met en lien direct avec les crimes commis par l’armée.

La campagne citoyenne « Justice for Myanmar » (JFM), dont le site internet a récemment été bloqué par les autorités[1], a fourni à Amnesty International un document confidentiel qui dévoile la liste des actionnaires de MEHL sur la période 2010-2011, analysé dans ce rapport. Ce document et les données actuelles peuvent désormais être consultés en anglais sur le site internet de JFM : « HOW BUSINESS FINANCES THE CRIMES OF THE MYANMAR MILITARY: MEHL FILES ».

Il ressort des données 2019 que le MEHL est détenu par 381 636 actionnaires individuels, qui sont tous des militaires en exercice ou à la retraite, et par 1 803 actionnaires « institutionnels » constitués de commandements régionaux, de divisions, de bataillons de l’armée ou d’associations de vétérans.

Le document datant de 2010-2011 contient des données sur les actionnaires et le montant des dividendes perçus sur la période 1990-2010 : 18 milliards de dollars (USD), desquels le MEHL a transféré environ 16 milliards de dollars (USD) à des unités de l’armée.

La conclusion formulée par JFM est sans appel : « les documents relatifs aux actionnaires de MEHL établissent que toutes les relations commerciales et tous les investissements financent les crimes internationaux de l’armée et alimentent une corruption systémique. Cela doit prendre fin. Toutes les entreprises de l’armée doivent être démantelées et les auteurs des crimes poursuivis. Les entreprises qui continuent de faire des affaires avec l’armée, nationales ou internationales, ne peuvent pas continuer ; elles doivent couper les liens. »

Contact :

Justice for Myanmar media@justiceformyanmar.org

[1] JFM a aussitôt mis en place un nouveau site accessible en birman.

 

Les actionnaires du MEHL et les crimes de l’armée (source : JFM)

Requête gambienne devant la CIJ : Les Pays-Bas et le Canada apportent leur appui formel

Requête gambienne devant la CIJ : Les Pays-Bas et le Canada apportent leur appui formel

CP 3 septembre 2020 – Au lendemain des commémorations marquant les 3 ans de l’exode de plus de 700 000 Rohingya de Birmanie, le Canada et les Pays-Bas annoncent leur appui formel à la requête gambienne devant la Cour internationale de justice (CIJ) mettant en cause la Birmanie pour violations de la Convention de 1948 sur le génocide.

Le Canada et les Pays-Bas, qui avaient déjà déclaré leur soutien à l’initiative gambienne, franchissent un pas supplémentaire qui mérite d’être relevé. Dans une déclaration commune du 2 septembre 2020, ils considèrent qu’il est de leur devoir de soutenir les efforts entrepris par la Gambie aux fins de lutter contre l’impunité et de faire respecter la Convention de 1948, « des efforts qui concernent l’Humanité toute entière ». Il « apporteront leur aide s’agissant des questions juridiques complexes» et « porteront également une attention particulière aux crimes liés à la violence sexuelle et fondée sur le genre, dont le viol».

Exemplaires dans le respect des obligations qui leur incombent en tant qu’Etats parties à la Convention de l’ONU sur le génocide, le Canada et les Pays-Bas appellent de nouveau « tous les États parties à cette Convention à soutenir la Gambie » dans cette affaire. Un appui aux victimes Rohingya qui, comme l’indique l’ONG Burmese Rohingya Organisation UK (BROUK) dans un communiqué du 2 septembre, s’inscrit aussi dans le sens de l’Histoire : « Une paix durable en Birmanie ne peut être atteinte sans justice. Nous voyons déjà les signes d’une répétition de l’Histoire : dans l’état d’Arakan, le génocide des Rohingya reste d’actualité.»

Info Birmanie réitère son appel pour que la France s’inscrive dans la même dynamique, en apportant un appui formel à la requête gambienne, comme l’y appellent le texte et l’esprit de la Convention de l’ONU sur la répression et la prévention du crime de génocide.

Contact presse : 

Sophie Brondel coordinatrice d’Info Birmanie 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org

 

La censure continue : Le site internet de « Justice for Myanmar » bloqué par les autorités

La censure continue : Le site internet de « Justice for Myanmar » bloqué par les autorités

Communiqué de presse – Paris, le 2 septembre 2020 Nous apprenons que les autorités birmanes ont bloqué le site internet de la campagne citoyenne « Justice for Myanmar » (JFM) lancé en avril 2020 [1] et qui publie, notamment, des enquêtes fouillées sur les exactions des membres de l’armée birmane. Sans notification préalable, les responsables de cette campagne ignorent jusqu’au fondement juridique de cette mesure. Le site internet de JFM dans sa version birmane affiche une page blanche, mentionnant un blocage « par directive du Ministère des transports et des télécommunications » selon un article paru dans le Myanmar Times.

Dans un communiqué du 1er septembre, le porte-parole de la campagne JFM souligne que les informations publiées sur le site internet ont été relayées dans des médias birmans, favorisant la mise en lumière des intérêts économiques de l’armée. Les responsables de JFM, qui attendaient une notification officielle, voient dans ce blocage une tentative de faire silence sur le cartel de l’armée, sa corruption et ses crimes. Selon Reuters, un porte-parole du Ministère des transports et des télécommunications a fait savoir que le site avait été bloqué pour diffusion de « fausses nouvelles ».

Le gouvernement birman choisit de nouveau la répression au lieu de s’engager sur le terrain du débat et de la justice. Cette décision de blocage s’inscrit en effet dans la continuité d’une politique de musèlement de la liberté d’expression et de la presse menée par les autorités.

Au printemps dernier, elles avaient déjà décidé de bloquer 221 sites internet d’information en se basant sur la section 77 de la loi sur les télécommunications qui est censée empêcher la diffusion de « fausses nouvelles », visant spécifiquement des médias dits ethniques.

La circulation de l’information sur internet et dans les médias est essentielle, mais à l’approche du lancement de la campagne électorale officielle, l’étau se resserre sur les voix dissidentes et sur le droit de regard de la société civile sur la marche du pays.

Nous demandons la levée du blocage du site internet de JFM et de toutes les décisions de blocage de sites internet visant les médias et la société civile.

 

Contacts Presse :

RSF – Daniel Bastard, dbastard@rsf.org 06 87 72 61 12

Sherpa – Laura Bourgeois, laura.bourgeois@asso-sherpa.org 06 78 00 07 17

Info Birmanie – Sophie Brondel, sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33

 

[1] « Justice for Myanmar » est « une campagne initiée par une équipe de défenseurs des droits humains engagés dans la protection des droits, la défense de l’égalité et la lutte pour la justice. Cette campagne a été constituée dans le but de fournir une plateforme aux personnes persécutées par l’armée birmane – quelle que soit leur origine sociale, religion, genre ou appartenance ethnique – pour les appuyer dans leurs efforts en vue d’obtenir justice et mettre un terme à l’impunité de l’armée en Birmanie. Elle se consacre au dévoilement du lien existant entre les entreprises détenues ou contrôlées par l’armée et les violations des droits humains commises à travers le pays qui représentent des violations du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, constitutives de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide. »

Génocide des Rohingya : KBZ et Max Myanmar doivent rendre des comptes

Génocide des Rohingya : KBZ et Max Myanmar doivent rendre des comptes

« Justice for Myanmar » : KBZ et Max Myanmar doivent rendre des comptes pour leur soutien criminel au génocide des Rohingya / Leurs partenaires internationaux doivent garantir la justice

 

 

CP 24 août 2020 – À l’occasion du troisième anniversaire de la campagne génocidaire de l’armée birmane contre les Rohingya, « Justice For Myanmar » appelle à une enquête pénale sur les conglomérats de cronies « Max Myanmar » et « KBZ Group » en application du droit international. Tous deux ont établi un réseau de partenaires commerciaux internationaux qui ont l’obligation, en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, de soutenir la justice et les recours pour les victimes et les survivants du génocide.

Les partenaires commerciaux de KBZ et de Max Myanmar doivent agir immédiatement pour garantir la justice aux victimes et aux survivants. Jusqu’à présent, ils ne respectent pas leurs obligations de diligence raisonnable en matière de droits humains. Ces partenaires commerciaux comprennent de grandes entreprises des États-Unis, de l’UE, du Royaume-Uni, de Suisse et du Japon, telles que Royal Dutch Shell, AIA, Accor, Sumitomo Mitsui Banking Corporation, Hughes Network Systems et Kempinski AG.

Le porte-parole de « Justice For Myanmar », Yadanar Maung, déclare :  

« L’armée birmane a mené ses« opérations de nettoyage» contre les Rohingya avec le soutien d’entreprises militaires et de « cronies ». Le financement des crimes internationaux est un crime en soi et ces entreprises doivent rendre des comptes. Les partenaires internationaux de Max Myanmar et KBZ sont complices de ces crimes par leur silence. Ils doivent agir maintenant.»

En septembre 2017, l’armée birmane a organisé une série de collectes de fonds pour recueillir des dons auprès des « cronies » et des entreprises militaires, à l’appui de sa campagne génocidaire contre les Rohingya. Les fonds collectés ont été utilisés pour soutenir les forces de sécurité dans l’État de Rakhine et pour la construction d’une barrière frontalière visant à empêcher les Rohingya déplacés de rentrer chez eux. Parmi les plus grands donateurs figuraient les plus grands conglomérats de « cronies » du pays : KBZ Group, qui a fait don de 2,47 millions de dollars USD et Max Myanmar, qui a donné 976 857 dollars USD.

L’Entreprise de l’Union pour l’assistance humanitaire, la réinstallation et le développement (UEHRD) – présidée par la conseillère d’État Daw Aung San Suu Kyi – a organisé des collectes de fonds supplémentaires pour la construction de la barrière frontalière. Les principaux donateurs étaient à nouveau KBZ, qui a fait don de 2,2 millions de dollars américains et Max Myanmar, qui a donné 654 000 dollars américains.

En août 2019, la Mission internationale d’enquête indépendante des Nations Unies sur le Myanmar (UN FFM) a enquêté sur ces dons et a conclu qu’elle « a désormais des motifs raisonnables de conclure également que les responsables du groupe KBZ et de Max Myanmar devraient faire l’objet d’une enquête pénale et, le cas échéant, devraient être poursuivis pour avoir apporté une contribution substantielle et directe à la commission du crime contre l’Humanité « d’autres actes inhumains».»

Les recommandations de la FFM sont jusqu’à présent restées lettre morte. Les partenaires commerciaux de Max Myanmar et KBZ ont des obligations de diligence raisonnable qui les obligent à agir.

Dans le cadre de ces obligations de diligence raisonnable, « Justice For Myanmar » appelle les partenaires commerciaux de Max Myanmar et KBZ à :

• Veiller à ce qu’ils ne fassent pas affaire avec des sociétés qui ont ou pourraient avoir aidé et encouragé la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité.

• Exiger de Max Myanmar et KBZ qu’ils divulguent pleinement et publiquement toutes leurs relations d’affaires avec l’armée birmane et tous leurs dons à l’armée birmane et à l’UEHRD. Si Max Myanmar et KBZ ne parviennent pas à le faire, il convient de mettre un terme à tout lien commercial avec eux.

• Couper tous les liens avec Max Myanmar et KBZ, à moins qu’il soit établi qu’ils n’ont pas de relations d’affaires avec l’armée birmane et qu’ils n’ont pas fait et ne font pas de dons à l’armée.

Yadanar Maung poursuit :

« Il est inacceptable que Max Myanmar et KBZ continuent à opérer en toute impunité. C’est un scandale pour tous les Rohingya, pour les plus de 800 000 survivants du génocide qui croupissent dans les camps au Bangladesh, et pour ceux qui restent en Birmanie et qui continuent d’être privés de leurs droits fondamentaux sous le contrôle des mêmes forces de sécurité qui ont commis des atrocités à leur encontre. La communauté internationale doit entreprendre un effort concerté afin que les recommandations de la FFM des Nations Unies soient mises en œuvre et que tous les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre contre les Rohingya rendent des comptes ».

Note :

« Justice For Myanmar », un groupe de militants clandestins qui milite pour la justice pour le peuple du Myanmar, appelle à la fin des affaires pour les militaires, à une démocratie fédérale et à une paix durable.

Pour plus d’informations sur l’enquête et les recommandations de la UN FFM concernant les dons au génocide, vous pouvez consulter le rapport de la mission d’enquête des Nations Unies : « Les intérêts économiques de l’armée du Myanmar »

Communiqué en Anglais 

Contacts :

  • Yadanar Maung

Email: media@justiceformyanmar.org

Website: https://www.justiceformyanmar.org/

Twitter: @justicemyanmar

Facebook: https://www.facebook.com/justiceformyanmar.org/

  • Sophie Brondel coordinatrice d’Info Birmanie

sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33 (via Whatsapp)