Scrutin du 8 novembre : 10 questions à Thinzar Shunlei Yi

Scrutin du 8 novembre : 10 questions à Thinzar Shunlei Yi

Thinzar Shunlei Yi est une voix montante de la société civile en Birmanie. Très impliquée dans la défense des droits humains depuis son plus jeune âge, elle veut faire entendre les voix de la jeunesse dans son pays et milite pour sa participation dans la vie publique. Elle anime l’émission  «Under 30 dialogue » à la télévision, dédiée à la jeunesse. Elle promeut aussi le dialogue entre toutes les communautés, combat l’intolérance et l’extrémisme. Son engagement pour les droits humains lui a valu l’attribution de plusieurs prix, parmi lesquels le « Women of the Future Southeast Award 2019 ».

1/ Pour la plupart des observateurs au cours de ces derniers mois, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) allait probablement remporter le scrutin, mais avec une majorité réduite par rapport à sa victoire de 2015. Les résultats officiels des élections législatives de dimanche ne sont pas encore publics, mais on parle d’une nouvelle victoire écrasante de la LND, qui pourrait même dépasser son score de 2015. Comment expliquez-vous ce résultat ?

L’organisation des élections en pleine crise sanitaire nous a fait craindre une plus faible participation. La Birmanie est aussi en proie à la guerre, en particulier dans l’état Rakhine et dans le nord de l’état Shan : cela allait mener à de nombreuses privations du droit de vote. Nous avons interpellé les autorités à ce sujet, mais au final la Commission électorale a décidé de maintenir le scrutin au 8 novembre. En réalité, le jour du scrutin, beaucoup d’électeurs sont allés voter, avec une victoire écrasante du parti au pouvoir. La société civile elle-même a été étonnée de ce résultat. PACE, une organisation de suivi des élections, annonçait dans une étude un taux de participation de 45 %… Il y a plusieurs facteurs d’explication. On ne connaît pas encore le taux de participation. Il sera sans doute moins important qu’en 2015 (69 %), mais il est élevé au vu du contexte. Le facteur clé, à mon sens, ce sont les remarques du commandant en chef de l’armée à quelques jours du scrutin. Il a critiqué le processus électoral, la Commission électorale, et affirmé que le gouvernement devrait rendre des comptes de la mauvaise gestion de celle-ci. En parallèle, Aung San Suu Kyi a très ouvertement répondu à l’armée. Au sein de la population, cela est apparu comme une interférence de l’armée dans le processus démocratique, ce dont elle ne veut pas. Il y a aussi eu une explosion dans un bureau de vote au niveau de Bago. Cela a incité les gens à aller voter contre ces menaces. Il y a aussi eu l’apparition de Wirathu, ce moine extrémiste, à quelques jours du scrutin, appelant les ultranationalistes à descendre dans la rue. Cela est venu rappeler que nous sommes toujours sous le joug de l’armée, qui garde 25 % des sièges au Parlement, et qu’il fallait garantir le maintien de la LND au pouvoir. La question reste posée : Pourquoi cette joute avec la LND, qui a répondu aux militaires alors que d’habitude elle ne le fait pas ? C’est curieux pour les analystes et une interprétation réside dans l’alignement de ces deux acteurs politiques plutôt que dans leur opposition.

2/ La marginalisation des minorités ethniques a augmenté dans le cadre de ce scrutin, notamment avec l’annulation des élections pour plus de 1 500 000 électeurs issus de ces minorités (sans parler des Rohingya privés de citoyenneté). Qu’en est-il de leur représentation politique au vu des premiers résultats ?

La place des candidats des partis ethniques est faible, que ce soit en 2010, en 2015 ou en 2020. La Shan Nationalities League for Democracy (SNLD) dans l’état Shan et les partis politiques dans l’état Rakhine remportent des voix, notamment, mais les résultats ne sont pas ceux qui étaient projetés. Deux candidats musulmans de la LND ont été élus, donc nous ne pouvons plus dire que le Parlement ne compte aucun musulman. Mais en parallèle les Rohingya demeurent exclus et des candidats musulmans se définissant comme Rohingya ont été empêchés de se présenter. Il y a aussi eu la censure des partis ethniques dans les médias d’Etats. Ces partis ne se présentent pas avec les mêmes moyens. Des études montrent que même si les partis ethniques gagnaient tous les sièges pour lesquels ils sont candidats, cela ne représenterait que 20 % des sièges en compétition. Leur représentation politique en 2020 sera encore faible. Il n’y a pas de forte opposition. Or nous voulons une démocratie multipartite, pas un parti monolithique. Cela n’arrive pas encore.

3/ Qu’en est-il de la participation et de la représentation politique des jeunes et des femmes ?

Les femmes représentaient 13 % des parlementaires en 2015, plus qu’en 2010. On en attend plus cette année, mais nous n’avons pas encore les résultats. Certaines femmes candidates de partis ethniques ont été élues. Quant aux jeunes, 8 % des parlementaires avaient moins de 35 ans en 2015 alors que la jeunesse représente 50 % de la population. C’est un faible pourcentage et il va le rester, même s’il devrait augmenter un peu cette année. La question des jeunes et des femmes est un thème populaire, appuyé par la communauté internationale et par les bailleurs, qui poussent à les inclure davantage. Nous appuyons la participation des jeunes au niveau de tous les processus, notamment de paix. Mais la jeunesse n’est pas encore prise assez au sérieux.

4/ L’Union Européenne a d’ores et déjà salué la forte participation et un vote paisible lors du scrutin du 8 novembre. Elle aussi souligné les limitations liées à la Constitution de 2008 et appelé à l’inclusion de toutes les minorités, y compris les Rohingya, à la garantie des droits civils et politiques pour tous, et à la refonte du système électoral. Que vous inspire cette déclaration, alors que la communauté internationale n’a pas émis de pré-conditions avant la tenue des élections? 

Pourquoi maintenant, en effet c’est la question que l’on se pose. Ces prises de position n’ont été adoptées qu’en privé, elles auraient dû être publiques avant le scrutin. On apprécie ce rappel sur la Constitution de 2008 et sur le système électoral, c’est ce qu’on a appuyé. Nous luttons contre ce cadre. Mais cette déclaration vient sur le tard, le mal a été fait. Je participe à la campagne « no vote », qui n’a rien d’officiel. Je ne pouvais pas faire valoir mon droit de vote dimanche, je me sentais coupable par rapport aux minorités exclues du scrutin, privées de voix. Les Rakhine, les Rohingya, les autres minorités… personne ne prend en compte leurs voix. Ils se sentent très mal. La communauté internationale doit s’assurer que ces atteintes seront réparées. Les Rakhine se sentent ignorés et laissés pour compte. Qu’allons-nous faire ?

5/ L’engagement de la communauté internationale avec le gouvernement LND va-t-il continuer sur le même mode, alors que le bilan est fait de lois et de politiques répressives ?  

J’espère voir un changement. Nous apprécions le soutien de la communauté internationale pour la démocratie depuis la fin de la junte, la libération d’Aung San Suu Kyi… mais on a testé la Constitution de 2008 depuis plus de 10 ans. Il faut que nous voyions quelles sont les opportunités dans ce cadre ou que nous prenions acte qu’il s’agit d’une illusion dès lors que nous voulons aller vers une démocratie fédérale. C’est le moment de se pencher sur cette question. J’ai soutenu le processus électoral, mais quelque chose ne fonctionne pas. Je crains un système à parti unique et une répétition des souffrances. Je ne veux pas que cela arrive : un parti majoritaire qui remporte tout et une répétition du même cycle que nous avons connu, de la même souffrance. L’armée tire avantage de la Constitution de 2008 et la LND aussi, en même temps, en ne la réformant pas ou en ne réformant pas les lois répressives : les minorités sont toujours opprimées et ce n’est pas ce que nous voulons. Ce n’est pas une base sécurisante pour tous. La communauté internationale connaît ce terrain, maintenant la question posée est : quels sont les critères définis pour le pays et pour évaluer les progrès ? Un progrès pour les droits et les libertés de base.

6/ A la veille de l’élection, Aung San Suu Kyi s’est engagée à renforcer la démocratie, mais sous les 5 ans de la LND la liberté d’expression a subi de très fortes atteintes et des lois répressives ont été appliquées au lieu d’être réformées par le Parlement, notamment… Quelles sont les réformes à mettre en œuvre pour que cette parole devienne réalité ?  

Nous avons soulevé plusieurs de ces priorités au gouvernement, en vain. Nous avons aussi été exclus du processus parlementaire. Les représentants de la société civile devaient montrer leurs cartes d’enregistrement pour accéder à un rendez-vous officiel avec un parlementaire, ce qui nous a amené à multiplier les réunions informelles. Les organisations de la société civile ne sont pas prises au sérieux, l’engagement pour les droits humains est faible. Je ne suis pas optimiste pour les prochaines années, nous avons assez entendu d’excuses. J’ai notamment milité pour la réforme de la Commission nationale des droits de l’Homme. Nous avons obtenu un rendez-vous officiel par le biais d’une organisation accréditée, mais aucune de nos propositions n’a été retenue. Le contexte est déprimant. Les lois qui criminalisent la diffamation doivent être réformées, beaucoup de personnes sont poursuivies devant les tribunaux et ne peuvent pas se défendre en prouvant leur innocence. Aucun effort n’a été fait sur la liberté d’expression, nous avons soumis des propositions de réforme, toutes ont été rejetées. Personnellement, je vais me consacrer au développement local et aux élections locales qui vont avoir lieu dans quelques mois. Elles sont négligées localement et par la communauté internationale. Le parti au pouvoir l’emporte et les modalités de vote sont d’un autre âge : un représentant par foyer, le père de famille en général. Je ne peux donc pas voter à ces élections. Nous voulons un processus démocratique à tous les niveaux. Je veux aussi plaider pour la libération de tous les prisonniers politiques. La Birmanie en compte près de 600, certains sont en prison. Nous devons plaider pour leur libération, ils ne doivent pas être oubliés.  

7/ La tenue d’élections législatives partielles dans les plus de 56 cantons où le scrutin a été annulé par la Commission électorale est aussi un enjeu, évoqué par l’Union Européenne. Quelles sont les perspectives, compte tenu de la persistance des combats ?   

C’est un point important pour l’inclusion et la représentation politique au niveau des états. Veulent-ils encourager les Rakhine à être du côté de la solution militaire ou de l’issue politique ? C’est la décision des responsables au niveau de l’Etat. La jeunesse Rakhine est forcée vers une certaine direction, alors qu’ils veulent faire partie de l’Union, prendre part à l’option politique, participer aux élections. Mais ils sont discriminés dans le cadre des mesures mises en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19, stigmatisés à cause de l’Arakan Army (AA), prêts à rejoindre l’AA… On devrait leur offrir des alternatives, les droits dont on bénéfice quand on est à Yangon, Mandalay ou Naypyidaw. Les organisations de la société civile qui travaillent sur les élections vont appuyer la tenue d’élections partielles là où le scrutin a été annulé. Je vais de mon côté me focaliser sur les droits de base, la situation des prisonniers politiques. J’ai été poursuivie, mais je n’ai pas été placée en détention. Je me sens solidaire, je ressens leur souffrance.

8/ L’historien Thant Myint-U déclare au sujet de ces élections : « la majorité Bamar a très massivement voté pour Aung San Suu Kyi parce qu’elle lie l’élection à l’histoire de son combat contre le règne militaire et pense que cette histoire n’est pas encore terminée. » Qu’en pensez-vous ?

En effet, cette histoire tourne et ne cesse de tourner. Pour être honnête, en 2010, je défendais la cause de la LND au sein d’une famille qui ne l’appréciait pas à cause de toute la propagande ambiante. J’ai fini par les convaincre. En 2020, je ne soutiens plus la LND, mais ma famille continue de soutenir ce parti ! La jeunesse est en avance sur son temps en termes d’idéologie et de pensée. Cette histoire créée il y a 20 ans par la communauté internationale et les médias continue et va encore durer 10 ans. En Birmanie, le respect dû aux femmes âgées joue aussi, tout contribue à ce soutien, jusqu’au sacrifice d’Aung San Suu Kyi pour son pays. Cela va continuer. Mais cela va au-delà du soutien à la LND. Il y a la volonté de voir l’armée et ses affiliés perdre. Même si certains ne soutiennent plus la LND, ils continuent de voter LND comme une revanche sur l’armée.

9/ L’USDP (Union Solidarity and development Party), le parti allié aux militaires, va vers un score encore plus bas qu’en 2015 ?

Oui, il perd plus que jamais, mais il ne représentait pas une forte opposition et il ne devrait d’ailleurs pas être une opposition. En réalité, il n’y a pas d’opposition et le monde doit le savoir. La LND, sans opposition, risque d’incarner un régime autoritaire centré sur les Bamar. Nous avons besoin d’une opposition forte. Ce à quoi nous assistons n’est pas un bon signe.  

10 / Un universitaire australien, Lee Morgenbesser, qualifie la Birmanie de démocratie autoritaire, un régime dans lequel les élections ont lieu mais où les citoyens sont privés de droits politiques fondamentaux et de libertés publiques. Que vous évoquent ces mots ?

J’approuve ce constat. La démocratie ce n’est pas que l’élection, mais le processus électoral, la transparence, l’inclusion, la participation politique etc… Nous n’avons pas encore assez d’éducation sur la démocratie et les droits humains. Cela va prendre du temps pour que les gens comprennent comment cela fonctionne. La population pense que la politique ce sont les élections et que les élections c’est la démocratie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ceux qui se réclament du « no vote » sont critiqués. Mais l’élection ce n’est qu’un des aspects du système démocratique.  

10 novembre 2020

Récit d’une journée de vote à Yangon

Récit d’une journée de vote à Yangon

Au matin du 8 novembre, à Rangoun, le soleil se lève sur une journée électorale qui s’annonce chaude. Malgré la mise en place de mesures sanitaires contre le Covid 19, et la victoire annoncée sans surprise du parti au pouvoir, la Ligue Nationale pour la Démocratie, les habitants se sont déplacés en nombre pour aller voter. La tension de ces dernières semaines autour de soupçons de fraude et d’accusations à l’encontre de la Commission Electorale Nationale s’est très peu ressentie, le sentiment d’accomplissement du devoir citoyen l’ayant emporté.

Alors que les bureaux de vote ouvrent leurs portes à 6h du matin, les rues sont vides, et toute trace de la campagne a disparu. Depuis le « Silent Day » d’hier, les habitants et les partis n’ont plus le droit d’afficher de signes d’appartenance politique. Les nombreux drapeaux et t-shirt visibles dans toute la ville, majoritairement colorés du rouge de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), ont été enlevés jusqu’aux balcons des sympathisants.

Devant l’entrée d’un bureau de vote du quartier de Pabedan, dans le centre historique, Daw Moh Moh, 56 ans, réajuste son masque et sa visière transparente. Elle n’en est plus à son premier vote, mais elle a longuement hésité à se déplacer cette année. « J’ai très peur du Covid 19 », nous explique-t-elle.

Alors que le nombre de cas frôle les 62 000, le gouvernement a relâché ses mesures de confinement et de distanciation sociale depuis quelques semaines, poussé par la précarité économique croissante d’une partie de sa population. Même si, en théorie, il nous est toujours interdit de quitter notre domicile ou de sortir du quartier, l’activité a repris presque à la normale, les habitants se déplacent en transports en commun, et les employés reviennent au travail petit à petit.

Une femme reçoit un spray désinfectant avant d’entrer dans le bureau de vote de Botataung, Rangoun

En revanche, devant les bureaux de vote, démultipliés afin d’éviter la formation de queue interminable en temps de pandémie, les consignes sont strictes. Au sol, des croix entourées d’un cercle, situées tous les un mètre 80, marquent l’emplacement des électeurs qui attendent leur tour. Un employé du bureau parcourt la file d’attente pour distribuer des visières en plastique, et parfois des masques. A quelques mètres de l’entrée, un policier braque son thermomètre sur le front des nouveaux arrivants, et un autre dispense du gel hydro-alcoolique dans la foulée. Cette machine bien huilée ne manque personne. Les larges panneaux expliquant les règles à respecter pour éviter la contamination sont placardés à l’entrée.

Dans le quartier de Pabedan, une jeune femme et son père feuillettent les listes électorales à l’entrée d’un bureau de vote. Mais une minute plus tard, ils tournent les talons et rentrent chez eux, dans l’immeuble d’en face. « Une erreur d’enregistrement sur la liste électorale », me glisse Ei Ei Min Thein, ma collègue.

Même si la Commission Electorale Nationale a affiché les listes électorales dans chaque quartier, beaucoup de birmans n’ont pas pu, ou pas su, corriger leurs coordonnées à temps pour pouvoir voter. Restrictions de déplacement en temps de Covid 19, incompréhension du fonctionnement du système, désintérêt pour la politique face aux contraintes de la vie quotidienne après des mois de ralentissement économique : certains partis, comme le Mon Unity Party, s’estiment chanceux si la moitié de leurs électeurs arrivent à voter. Saw Clever Shine, 25 ans, raconte que même après avoir corrigé son nom sur la liste, il a retrouvé la même erreur sur la carte d’électeur délivrée par le responsable de son quartier. Même si seule la carte d’identité est obligatoire pour voter, il s’y est pris à temps pour pouvoir modifier sa carte d’électeur, au cas où.

« Je suis heureux de savoir que je peux voter librement pour un parti qui a une vraie chance, démocratiquement, de gagner », explique-t-il. Il a rejoint la file d’attente du bureau de vote près de chez lui, dans le quartier de Mayangone, dès 8h30. Il lui faudra une heure et demi pour en ressortir, fier de son acte citoyen. « C’était un peu la galère, parce que toutes les listes sont sur papier, et pas dans l’ordre alphabétique. Ils laissent entrer les gens irrégulièrement, ce qui créé des bouchons. A part ça, tout est bon, j’ai pu voter ! » sourit-il en montrant son annulaire gauche, dont le bout est recouvert d’encre violette, l’équivalent du « a voté » français.

Une musulmane montre son annulaire encré de violet, Pabedan, Rangoun

Malgré ces difficultés, U Htin Kyaw, représentant de la Commission Electorale du bureau où Saw Clever Shine vient de déposer son vote, assure que tout est fait pour que ceux qui sont correctement enregistrés puissent voter en toute quiétude. « Je ne pense pas qu’il puisse y avoir de fraude, parce que tout est sécurisé », raconte-t-il sans plus de précisions. « On entend plein de choses en ce moment, comme quoi certaines urnes électorales sont mouillées [et donc inutilisables], ou comportent de faux tampons », nous racontait Daw Moh Moh un peu plus tôt ce matin, en haussant les épaules. « Je veux juste que cette élection se passe bien, et soit juste et équitable. »

File d’attente à l’entrée d’un bureau de vote à Sanchaung, Rangoun


A l’entrée d’un bureau de vote du quartier de Dagon, la longue file d’attente se réparti en grappes à l’intérieur des quelques taches d’ombre disponibles le long des arbres. Le soleil de midi tient les électeurs bien plus à l’écart les uns des autres que ne le fait la peur du Covid 19. A ce moment, Ei Ei Min Thein me tape sur l’épaule en me montrant son fil d’actualité Facebook sur son téléphone. Nombre de ses amis commentent des photos d’électeurs à Nay Pyi Taw, faisant la queue dans des centres commerciaux luxuriants, assis sur une chaise. Il s’agirait apparemment de bureaux de vote recevant les familles les plus aisées de la capitale, et les utilisateurs de Facebook commentent furieusement. « ça fait un mini-buzz sur Facebook », m’explique-t-elle. « D’après eux, ils font la queue sous la climatisation, alors que les familles les plus pauvres de la ville n’ont pas de bureau de vote aussi confortable ».

Thet*, 19 ans, et Moe Thu, 25 ans, font la queue depuis quelques minutes devant ce bureau, situé à cent mètres de la pagode Shwedagon. Ils nous expliquent que ce bureau de vote, installé dans un « dharmayon », un centre de prière bouddhiste, est voisin d’une caserne militaire, et accueille aujourd’hui principalement les familles des soldats. L’annonce par le gouvernement, quelques semaines avant les élections, que les membres de la Tatmadaw et leurs familles devront désormais voter à l’extérieur de leur baraquement en a surpris plus d’un. Cette volonté de faire preuve de transparence a cependant rencontré ses limites lorsque les quelques soldats rencontrés près du bureau n’ont pas souhaité partager leur expérience électorale. « Nous ne sommes pas autorisés à nous exprimer », explique l’un d’eux, avant de cacher son visage devant l’objectif de l’appareil photo.

Moe Thu, fils de militaire, est cependant content de voir que les membres de la Tatmadaw ne votent plus cachés aux yeux du grand public. « Il y a cinq ans, je suis allé voter avec ma famille dans notre baraquement. Aujourd’hui, on est enfin libres de voter pour qui on veut, il n’y a plus de contrôles ».

Alors que nous voyons arriver de plus en plus de plateaux repas destinés aux bénévoles du bureau de vote, plusieurs électeurs consultent leur téléphone et sourient. Sur Facebook, de nombreux restaurants et services de livraison proposent des promotions sur présentation de l’annulaire teinté d’encre. « C’est une bonne idée pour aller manger un morceau après avoir voté », me glisse ma collègue.

Au cœur des revendications des électeurs interrogés, l’éducation remporte la majorité des suffrages, comme l’explique Daw Moh Moh, 56 ans : « On espère beaucoup du prochain gouvernement, surtout pour la génération de nos enfants, car leur éducation est primordiale ». Thet*, encore étudiant, approuve : « Le gouvernement doit faire des changements encore plus visibles dans le domaine éducatif ». « La situation actuelle de mon pays me convient bien, donc je voudrais que cela continue », explique Moon shine, 27 ans, employée de banque. « Mais je veux que le gouvernement fasse en sorte que l’éducation ouvre des opportunités de travail à l’étranger », conclut-elle.

Un électeur nous montre son annulaire encré, Botataung, Rangoun

A Sanchaung, l’un des bastions historiques de la LND, le bruit d’un hautparleur attire notre attention vers le bureau de vote d’une petite rue ombragée. Un membre du bureau porte l’instrument à sa bouche : « Veuillez choisir la file d’attente en fonction de votre circonscription, d’après votre adresse de domicile ! Si vous avez oublié votre carte d’identité, rentrez chez vous la récupérer ! ». Malgré les trois circonscriptions que rassemble ce bureau, l’organisation semble bien en place. Il est déjà 14h30, et les files d’attente diminuent rapidement. On nous tape sur l’épaule. « Je veux bien être interrogé », nous dit un homme du nom d’U Thant Zaw. Cet employé de 49 ans nous explique que quels que soient les résultats, il faudra les accepter : « Puisque notre pays est bouddhiste, je vais voter pour un parti qui protègera la religion. Je suis venu voter parce que je veux que l’élection soit juste. Le peuple veut connaître les vrais résultats, sans triche ».  

We Media, l’un des sites d’information les plus suivis par les birmans, publie tout au long de la journée les dernières actualités sur sa page Facebook. Parmi elles, une photographie retient notre attention : plusieurs personnes y montrent leur annulaire gauche, et là où devrait se trouver l’encre violette du vote, on peut lire « no vote ». Même si la Birmanie est une très jeune démocratie, les premières voix contre le vote se font largement entendre grâce aux réseaux sociaux.

« Nous sommes effectivement un tout petit mouvement », nous raconte Zarni, par téléphone. Cet ancien prisonnier politique, membre de l’association Society for Peace and Justice, entretient une longue histoire d’arrestations et de libérations avec le gouvernement depuis la révolution de 1988, qu’il avait alors rejointe en tant qu’étudiant. Initialement fondée pour aider la population, toute catégories confondues, son organisation cible aujourd’hui les quartiers les plus impactés par les restrictions contre le Covid 19, et y distribue nourriture et fournitures. Il n’a pas voté depuis 1990, date des dernières élections générales avant la mise en place de la Constitution de 2008. « D’après cette Constitution, nous ne pouvons pas avoir de véritable gouvernement qui représente la population, résolve les conflits religieux, les problèmes de confiscation des terres, les inégalités de droits … Depuis cette date, aucune avancée majeure n’a pu avoir lieu », explique-t-il.

D’après lui, les membres du Parlement national ne peuvent pas abolir, ou amender la Constitution sans l’aide d’organisations de la société civile. « J’ai de bonnes relations avec certains parlementaires, qui sont d’anciens prisonniers politiques, comme moi. Je crois en eux en tant que personnes, mais en tant que parlementaires, ils sont coincés. Sans abolir la Constitution, comment peuvent-ils travailler pour le peuple ? Leur seul travail est de protéger la Constitution. Pour que notre gouvernement représente véritablement toute la société, le Parlement et le gouvernement doivent travailler avec des associations étudiantes, des syndicats … mais ils n’entretiennent aucune relation aujourd’hui », déplore-t-il.

Pour Zarni, la victoire de la LND ne fait – malheureusement – aucun doute. « Même si les gens savent que la LND n’aura jamais le pouvoir d’abolir la Constitution, pour qui d’autre voteraient-ils ? Si l’on n’aime pas l’armée, on n’a pas le choix. Seule la LND est assez puissante pour leur faire face », explique-t-il. Les partis d’opposition ont fleuri ces dernières années, comme le People’s Pioneer Party de l’ex-LND Daw Thet Thet Khine, ou l’Union Betterment Party de l’ancien leader militaire U Shwe Mann. Mais Zarni pense qu’il n’y a aucune chance qu’ils puissent contrer la LND. « Par exemple, le People’s Party, fondé par l’ancien leader étudiant U Ko Ko Gyi, ne sait pas comment faire campagne ! C’est l’un des partis qui pourrait réellement représenter nos droits et notre communauté, bien mieux que la LND, mais ils ne sont pas encore assez puissants », raconte-t-il, avant d’appeler la communauté internationale à soutenir ces nouveaux membres du paysage politique birman. « S’ils deviennent un jour de véritables opposants, j’envisagerai d’aller voter à nouveau », conclut-il en riant. 

Alors que les résultats de ces élections parlementaires devraient être publiés en début de semaine, l’ambiance était déjà à la victoire parmi les partisans de la Ligue Nationale pour la Démocratie, qui se sont rassemblés à la nuit tombée devant le quartier général du parti à Rangoun. Malgré le « Silent Day » toujours en vigueur, leurs chants et leur danses se sont prolongées jusqu’aux dernières minutes avant le couvre-feu.

*le prénom a été modifié

Texte & photos de Juliette Verlin, journaliste indépendante

Législatives du 8 novembre : des valeurs démocratiques en berne et un scrutin de plus en plus contesté

Législatives du 8 novembre : des valeurs démocratiques en berne et un scrutin de plus en plus contesté

CP 5 novembre 2020 – Le contexte dans lequel les élections législatives vont avoir lieu dimanche en Birmanie nous inquiète. Depuis des semaines, des représentants de l’ONU et de la société civile s’alarment d’un « espace démocratique » qui se restreint encore davantage à l’approche du scrutin (à supposer qu’il existe encore) : censure de la part de la commission électorale, atteintes systématiques à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, répression de toute parole critique visant l’armée ou le gouvernement, privation du droit de vote sur des critères de «race, d’ethnie et de religion» ou au motif de l’insécurité, discours de haine à l’encontre des musulmans sur les réseaux sociaux, restriction d’accès à internet pour plus d’un million de birmans…

Avec sa décision d’annuler la tenue du scrutin dans plus de 56 cantons au nom de l’insécurité – sans discussion préalable, sans transparence et sans alternative – la Commission électorale ne fait qu’accentuer les griefs des minorités ethniques à l’encontre du pouvoir central. Cette décision prive d’élection plus de 1 500 000 électeurs issus de ces minorités. Dans l’état d’Arakan – qui a cruellement besoin de dialogue politique et où l’enjeu de la représentation politique est particulièrement fort – les élections n’auront pas lieu dans plus de la moitié des cantons. Cela comporte le risque d’accroître la violence politique au lendemain du scrutin.

New Myanmar Foundation – une organisation de la société civile qui va suivre les élections – relève que la période pré-électorale a été marquée par davantage de cas de violence, comparée au scrutin de 2015. Cette violence, qui est allée jusqu’à la mort d’un soutien de la LND, émane principalement de partisans de l’USDP, le parti associé à l’armée.

Une armée qui, à quelques jours du scrutin, joue la carte de l’intimidation. Elle émet, à son tour, des mises en garde sur le scrutin, en pointant des irrégularités de la part de la Commission électorale et en mettant en cause la responsabilité du gouvernement. Allant jusqu’à sortir du cadre de la Constitution de 2008 qui lui confère pourtant déjà des pouvoirs exorbitants, elle met en cause par avance la légitimité du scrutin. Cette intrusion publique de l’armée dans le jeu politique vient rappeler la menace qu’elle continue de faire planer sur le pays.

Une armée de nouveau mise en cause pour des crimes de guerre – voire des crimes contre l’Humanité – dans l’état d’Arakan, qui a récemment déployé des troupes à la frontière avec le Bangladesh et qui mène actuellement une campagne de propagande en ligne aux fins de diviser les populations Rohingya et Rakhine. Les diatribes et la reddition orchestrée du moine extrémiste Wirathu – poursuivi pour sédition – ne font qu’alimenter les spéculations.   

Les élections n’ont pas encore eu lieu, mais la légitimité de leurs résultats semble déjà en cause, dans un mélange de motifs légitimes et de raisons moins louables qui ajoutent à notre inquiétude.

Le pays étant fermé, le suivi des élections par les organisations locales et la société civile est crucial. D’autant que les médias locaux ont été mis de côté par le gouvernement : ils sont considérés comme une « activité non-essentielle » dans le cadre des restrictions sanitaires.

A défaut de pouvoir être sur place, Info Birmanie continuera de relayer les voix de ses contacts sur le terrain. A quelques jours des élections, nous pensons à tous les birmans qui défendent les valeurs de la démocratie et les droits humains et en appelons aux médias français pour qu’ils suivent de près le scrutin, le positionnement de la France et de la communauté internationale, et l’évolution de la situation post-électorale.

Contact presse : Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33

Législatives 2020 : la voix des migrants/expatriés birmans encore étouffée ?

Législatives 2020 : la voix des migrants/expatriés birmans encore étouffée ?


Les élections législatives générales du 8 novembre approchent à grand pas et la situation des travailleurs birmans habitant à l’étranger reste incertaine. Ces derniers, tout comme les organisations de défense de leurs droits, sont inquiets pour leur droit de vote.

Alors qu’environ 4 millions de birmans résident à l’étranger, seuls 30 000 d’entre eux ont pu se rendre aux urnes en 2015 ! Trop longtemps négligée, cette partie de l’électorat birman demande à être informée et soutenue par le gouvernement afin d’éviter sa privation d’un droit constitutionnel. Pour ne pas être exclus du scrutin, certains migrants birmans ont fait le choix de voter en avance, se levant dans la nuit pour espérer atteindre leur ambassade dans une métropole parfois située à plusieurs jours de route, et ce durant leur seul jour de repos. Pour beaucoup, ce périple est la seule manière de pouvoir faire entendre sa voix après la déception qu’a représentée leur exclusion lors de l’élection de 2015.

En 2020, les autorités ont annoncé avoir enregistré 101 526 birmans de l’étranger pour voter, après avoir reçu 109 470 demandes. Les bulletins de vote ont été envoyés aux représentations diplomatiques du pays. Cette année, les modalités du vote à l’avance se sont un peu améliorées. Le créneau d’une journée prévu en 2015 s’est allongé. Les birmans de l’étranger ont eu entre 3 et 18 jours (selon le nombre de votants) pour voter à l’avance en octobre au sein de 45 ambassades et consulats.

La Commission électorale (UEC) déclare tout mettre en œuvre pour permettre aux birmans de l’étranger de voter et travaille désormais en collaboration avec les ambassades et consulats birmans à l’étranger, notamment en Thaïlande et en Malaisie. Une campagne d’enregistrement des électeurs en dehors des frontières nationales s’est déroulée pendant l’été. Les migrants birmans ont dû remplir le « formulaire 15 » pour faire reconnaître leur droit de vote.

Mais malgré tout, la situation reste peu propice à un vote massif de cette catégorie de la population birmane. Après la situation de 2015 certains acteurs politiques se demandent d’ailleurs si les travailleurs migrants se sentent encore concernés par la tenue des élections.  En réalité, la plupart souhaite peser dans l’élection de novembre, en dépit des obstacles qui bloquent leur accès aux urnes. Un souhait d’autant plus présent après l’échec des élections de 2015. 90% des migrants concernés rencontrés par l’ONG Fondation pour l’Education et le Développement (FED) et par le Réseau pour les Droits des Travailleurs Migrants de Birmanie, déclarent n’avoir jamais pu voter. Beaucoup de jeunes âgés entre 19 et 24 ans se saisissent d’ailleurs de leur droit de vote pour la première fois cette année.

Mais de nombreux migrants birmans demeurent peu renseignés sur les démarches à suivre et limités dans leurs possibilités de déplacement. Certaines ONG de défense des droits ont donc appelé les ambassades à distribuer le « formulaire 15 » au plus grand nombre de personnes concernées. U Htoo Chit, directeur de FED – dont l’un des bureaux se situe dans le sud de la Thaïlande – a mobilisé son organisation en contactant les travailleurs migrants de la région, pour leur donner accès au formulaire et aux informations essentielles. Néanmoins, le délai pour rendre le formulaire a été jugé trop court par la société civile.

Ce n’est d’ailleurs qu’une première étape : une fois reconnu comme électeur à part entière, le citoyen birman de l’étranger doit ensuite se rendre à l’ambassade pour présenter son vote. Or la majorité des travailleurs migrants résident hors des métropoles où se situent les ambassades, comme celle de Bangkok. C’est pourquoi les organisations de la société civile ont appelé les autorités birmanes à prolonger les délais et à prévoir des bureaux de vote mobiles au plus près des travailleurs.

En Thaïlande, ce sont 39 000 birmans qui se sont enregistrés pour voter à l’avance en octobre. Selon le consulat basé à Cheng Mai, environ 1000 birmans se sont enregistrés dans le nord du pays. En 2015, il fallait obligatoirement se rendre à Bangkok pour voter et seules quelques dizaines de migrants birmans avaient fait le déplacement. En 2020, il y a donc bien une mobilisation plus forte de cet électorat, mais toute relative par rapport aux millions de travailleurs migrants birmans en Thaïlande. Voter reste un parcours du combattant. Certains électeurs témoignent avoir mis 2 jours pour se rendre à Bangkok pour voter. Les restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 viennent aussi limiter les déplacements. Les autorités birmanes ont expliqué ne pas pouvoir mettre en place de bureaux de vote mobiles au plus près des migrants en raison de la crise sanitaire. Les coûts des transports, le manque d’informations, voire la confiscation du passeport par l’employeur, sont autant d’obstacles qui font que beaucoup de travailleurs birmans ne feront pas le voyage pour voter. 

Dans les provinces du nord de la Thaïlande, ce sont 1000 migrants birmans qui se sont enregistrés pour voter à l’avance sur une estimation de plus de 60 000 travailleurs birmans. Près de 80 % des électeurs enregistrés à Chiang Mai sont originaires de l’état Shan. L’Irrawaddy a réalisé des interviews de plusieurs dizaines d’entre eux. Si leur vote balance entre la LND et la Shan Nationalities League for Democracy (SNLD), ils ont, pour la plupart, la paix comme préoccupation première après avoir fui les conflits armés en Birmanie.

Si la majorité des migrants birmans travaillent en Thaïlande, et en Malaisie, d’autres résident au Japon, en Australie, en Corée du Sud ou encore à Singapour. Le vote de ces birmans ne répond pas aux mêmes défis, car ils appartiennent généralement à une élite de travailleurs qualifiés. Ils bénéficient de ressources et d’informations, ce qui facilite leur accès au vote. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2015, seuls 600 birmans ont pu voter en Thaïlande, alors qu’à Singapour ils étaient 19 000. En 2020, plus de 32 000 birmans se sont enregistrés pour pouvoir voter à l’avance à Singapour. La presse locale rapporte cependant que 2000 d’entre eux n’ont pas reçu leurs bulletins de vote en raison de dysfonctionnements. 

Les autorités birmanes doivent résoudre le problème de l’accès à l’information et aux technologies des travailleurs migrants les moins privilégiés. Dans le cas contraire, les birmans de l’étranger perdraient de fait massivement leur droit de vote en voyant, année après année, leur voix étouffée.

En attendant des réformes décisives de la part du gouvernement, les ONG locales appellent les autorités à travailler en collaboration avec les attachés diplomatiques, mais aussi avec les responsables d’usines où sont employés les migrants. Des réunions entre les représentants diplomatiques et les travailleurs permettraient de leur faire parvenir les informations relatives aux élections à venir. En dehors de ces réunions sur le terrain, une éducation numérique à propos des enjeux électoraux est envisageable. En passant par les réseaux sociaux, il est en effet possible de sensibiliser une grande partie de la population, autrement délaissée par la communication gouvernementale.

Cette éducation est d’autant plus importante à mettre en place qu’une grande partie des travailleurs immigrés sont reconnus comme minorités ethniques et souffrent de leur invisibilisation par les autorités sur le sol birman. Dans le contexte des conflits qui déstabilisent le pays, il est essentiel de lutter contre le silence encore imposé aux birmans de l’étranger. La société civile qui défend leurs droits vient rappeler que leurs voix devraient être l’une des composantes de la légitimité, voire de la régularité du scrutin à venir, à l’heure où il est aussi question des centaines de milliers de birmans privés de vote à l’intérieur du pays.

Juliane Barboni

Le 28 octobre 2020

Vidéo : Débat sur les élections législatives 2020

Vidéo : Débat sur les élections législatives 2020

A quelques semaines des élections législatives fixées au 8 novembre 2020, nous dressons un état des lieux du contexte pré-électoral et de la situation politique du pays. Cinq ans après l’arrivée au pouvoir de la LND, c’est l’heure du bilan. Dans quel contexte se déroulent ces élections, quelle est la situation politique et où en est le rapport de force entre l’armée et la LND ? Quel est l’impact de la crise sanitaire sur fond de pandémie de Covid-19 ? Quelles sont les perspectives pour les Rohingya et les minorités ethniques d’une manière générale, ainsi que pour le règlement du conflit qui oppose l’armée de l’Arakan (AA) à la Tatmadaw et les promesses de paix ? Quel rôle joue la Chine et quelle est la position de la communauté internationale à l’approche du scrutin ?

Une conférence-débat animée par Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie

Intervenants :

Guillaume Pajot – Journaliste indépendant, il collabore notamment avec la revue XXI, Paris Match, Le Monde Diplomatique… Il a réalisé plusieurs reportages dans le cadre de ses voyages en Birmanie et au Bangladesh dans les camps de réfugiés Rohingya.

Olivier Guillard – Chercheur à l’Université du Québec à Montréal, titulaire d’un doctorat en droit international public, il est spécialiste de l’Asie. Auteur à Asialyst, il publie régulièrement des articles sur la Birmanie.

Lien vers la vidéo : « Elections législatives 2020 en Birmanie : enjeux et perspectives »

(date : 20 octobre 2020 / durée : 1h12)

https://www.youtube.com/watch?v=frUXrqVc3aA