publié le 18 février 2021
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Sanctionnez l’armée, pas le peuple birman
un communiqué de Justice for Myanmar et Burma Campaign UK
CP 5 février 2021 – Justice For Myanmar et Burma Campaign UK sont des organisations indépendantes distinctes qui ont toutes deux appelé à une action internationale contre les intérêts économiques de l’armée, conformément aux recommandations de la Mission internationale d’enquête indépendante des Nations Unies sur le Myanmar.
Nous nous opposons à toute forme de sanctions larges et non ciblées contre le Myanmar qui pourraient avoir un impact sur les citoyens ordinaires. Nous nous opposons au retrait des privilèges commerciaux, qui affectera davantage les gens ordinaires que les militaires. Nous ferons activement campagne contre ces sanctions si elles sont proposées.
Les entreprises internationales ont un rôle important à travers la mise en place de co-entreprises et d’accords commerciaux avec des entreprises militaires. Les sanctions internationales contre ces entreprises auront par conséquent un impact sur les bénéfices qu’elles réalisent pour l’armée et ses principaux généraux. Nous sommes cependant pleinement conscients qu’en elles-mêmes, des sanctions ciblées sur les intérêts économiques de l’armée ne changeront pas le comportement de l’armée. C’est une tactique, pas une panacée.
Nous appelons à une action internationale de grande envergure contre l’armée du Myanmar, en commençant par des sanctions ciblées contre les entreprises détenues et contrôlées par l’armée et leurs partenaires commerciaux importants. Nous appelons également à d’autres mesures, notamment des pressions diplomatiques, des pressions juridiques internationales et un embargo mondial sur les armes.
Bien que nous soutenions des sanctions ciblées contre des membres individuels de l’armée et leurs familles qui ont abusé de leur pouvoir et de leur position pour bâtir leur propre empire commercial, ces sanctions doivent s’ajouter à la sanction des entreprises détenues et contrôlées par l’armée et de leurs partenaires commerciaux importants. Il est essentiel que l’armée en tant qu’institution soit touchée par des sanctions internationales ciblées, et pas seulement des membres individuels.
C’est la seule manière d’aider le Myanmar à progresser vers la démocratie.
Nous nous félicitons de la réévaluation en cours de l’aide internationale au Myanmar que de nombreux pays entreprennent après le coup d’État. Il est essentiel que l’aide internationale ne bénéficie pas aux militaires. En plus d’examiner l’aide vers le régime militaire ou bénéficiant au régime, tous les donateurs devraient mettre en place des politiques visant à garantir que les organisations qui reçoivent leur aide ne la dépensent pas en biens et services de sociétés militaires. Les ambassades et les agences des Nations Unies au Myanmar devraient faire de même.
Nous appelons les donateurs à maintenir l’aide au Myanmar, en accordant la priorité aux victimes de violations des droits de l’Homme, en particulier aux centaines de milliers de déplacés internes et de réfugiés dans les régions ethniques qui ont tout perdu à la suite d’attaques militaires.
L’aide doit être sensible aux conflits, fondée sur les droits de l’Homme et ne jamais porter atteinte aux droits des nationalités ethniques à l’autodétermination. Il devrait y avoir un soutien accru aux organisations de la société civile qui travaillent sur la documentation, la défense et la promotion des droits de l’Homme. La discrimination systémique du Myanmar à l’égard des communautés ethniques et religieuses doit toujours être prise en considération. Les bailleurs de fonds doivent veiller à ce que leur soutien ne renforce pas la « bamarisation » du pays. Aucune personne ni organisation ne peut parler au nom de tout le peuple du Myanmar. Les donateurs doivent être ouverts à l’utilisation de différents mécanismes de soutien, y compris à des mécanismes transfrontaliers.
Lorsque nous appelons à l’action de la communauté internationale, c’est pour appuyer les populations du Myanmar opprimées et persécutées par les militaires, qui résistent au contrôle militaire et poursuivent leur lutte pour les droits de l’Homme, la démocratie, le fédéralisme et la paix. Cette lutte est menée par le peuple du Myanmar. Cependant, le peuple ne peut à lui seul apporter les droits de l’Homme et la démocratie au Myanmar sans le soutien de la communauté internationale, alors que des programmes et des engagements internationaux en cours profitent aux militaires et renforcent leur impunité. La communauté internationale a un rôle important à jouer pour changer d’orientation et garantir le respect du droit et des normes internationales. Un effort concerté doit être fait par la communauté internationale pour faire pression sur l’armée à la hauteur de la résistance du peuple du Myanmar à l’armée.
Il est également important de reconnaître que cela peut prendre du temps avant que l’impact des sanctions économiques ciblées et d’autres mesures prises par la communauté internationale ne se manifeste. Personne ne s’attend à ce que l’armée change immédiatement de cap le lendemain de l’imposition de sanctions économiques ciblées.
La communauté internationale doit fonctionner sur le principe suivant : tout ce qui peut être fait doit être fait. Tous les points de levier potentiels doivent être utilisés. Aucun gouvernement au monde ne peut prétendre avoir fait tout ce qu’il pouvait pour aider à promouvoir les droits de l’Homme et la démocratie au Myanmar, alors que la population est davantage opprimée et persécutée, vivant avec l’extrême violence de l’armée.
Justice for Myanmar et Burma Campaign UK continueront de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour persuader la communauté internationale d’appliquer le maximum de pression possible sur l’armée et de prendre des mesures pratiques pour appuyer les droits de l’Homme et la démocratie en Birmanie, en solidarité avec leurs alliés du monde entier.
Coup d’État en Birmanie – L’Europe doit sanctionner les entreprises militaires
Déclaration des membres de l’European Burma Network (EBN)
4 février 2021 – L’European Burma Network (EBN) condamne sans équivoque le coup d’État militaire en Birmanie et appelle à la libération immédiate et inconditionnelle d’Aung San Suu Kyi, du Président, des ministres, des militants pour la démocratie et de tous les autres civils arrêtés aujourd’hui.
Nous exhortons le commandant en chef et l’armée à respecter les résultats des élections du 8 novembre et à œuvrer par des moyens constitutionnels et juridiques pour résoudre la crise politique.
Nous appelons les militaires à renoncer à l’état d’urgence et à restaurer le gouvernement civil démocratiquement élu.
Nous exhortons la communauté internationale à répondre au coup d’État par une action vigoureuse.
Nous nous félicitons des déclarations énergiques du secrétaire d’État des États-Unis, du président du Conseil européen et du Premier ministre britannique, entre autres. Cependant, une rhétorique forte ne suffit pas et doit s’accompagner d’une action significative.
Nous exhortons l’Union européenne et les autres membres de la communauté internationale à faire comprendre à l’armée birmane qu’à moins qu’elle n’annule le coup d’État et ne respecte la volonté du peuple birman exprimée lors des élections, des sanctions solides et ciblées contre les hauts dirigeants militaires, les entreprises militaires et les ressources militaires seront utilisées.
Le coup d’État marque le renversement d’une décennie de réforme politique en Birmanie. Alors que de nombreuses et graves préoccupations en matière de droits de l’Homme ont marqué ces cinq dernières années de gouvernement élu démocratiquement dirigé par des civils, les événements d’aujourd’hui risquent de replonger le pays dans l’ère du régime militaire répressif direct que nous pensions être une caractéristique du passé.
La communauté internationale ne doit pas laisser cet outrage persister.
Signataires :
Burma Action, Irlande
Burma Campaign UK, Royaume-Uni
Burma Human Rights Network – BHRN
Burmese Rohingya Organisation UK, Royaume-Uni
Christian Solidarity Worldwide
Civil Rights Defenders, Suède
Info Birmanie, France
Swedish Burma Committee, Suède
Swiss Burma Association (Association Suisse Birmanie)
Society for Threatened Peoples, Allemagne
De nouveaux jours sombres pour la Birmanie
CP 1er février 2021 – Un coup d’Etat est en train d’avoir lieu en Birmanie, où nous apprenons que le vice-président élu par l’armée, Myint Swe, assure la présidence par intérim et donne autorité au commandant en chef de l’armée Min Aung Hlaing. L’état d’urgence est décrété pour une durée d’un an.
Plus tôt dans la nuit, Aung San Suu Kyi, le président Win Myint et d’autres personnalités de la LND ont été arrêtées lors d’un raid. Des personnalités politiques ont été visées à travers tout le pays, sur fond de coupure des télécommunications. Les arrestations concernent aussi des militants de la société civile, de syndicats étudiants, faisant d’emblée craindre une opération d’envergure à l’échelle du pays. Des activistes ont quitté leur domicile au plus vite par crainte pour leur sécurité. Ceux que nous avons pu joindre se disaient « en sécurité, pour l’instant.»
Le nouveau Parlement issu des législatives de novembre, et majoritairement composé d’élus LND, devait siéger aujourd’hui. Mais l’armée en a décidé autrement en mettant sa menace de coup d’Etat de la semaine passée à exécution, après avoir évoqué des « rumeurs ». La Constitution de 2008, rédigée par et pour les militaires, laisse sans recours interne face à ce coup de force qui saura se prévaloir du texte constitutionnel. Il anéantit ou révèle le visage de la « transition démocratique » amorcée il y a 10 ans.
L’issue des tensions qui ont précédé et suivi le scrutin législatif du 8 novembre dépasse cependant ce que nous pouvions redouter : l’armée bénéficie déjà d’un pouvoir exorbitant garanti par la Constitution et elle n’a cessé d’en faire usage tout au long de ces cinq dernières années. Pourquoi ce dénouement ? Mis en cause pour génocide et personnage pivot de vastes intérêts économiques, Min Aung Hlaing, proche de la retraite, sert ses ambitions personnelles par ce terrible coup de force. Alors qu’on lui prêtait des ambitions présidentielles, il n’a pas accepté la déroute électorale de l’USDP – parti affilié à l’armée – lors des législatives. Il affirmait récemment « il n’y a rien que je n’ose faire».
Le Conseil de sécurité de l’ONU prévoit de se réunir dans les jours qui viennent. La communauté internationale doit tout faire pour obtenir la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnalités politiques et de tous les militants interpellés. Elle doit faire pression sur cette armée criminelle, la sanctionner de la manière la plus ferme qui soit.
Ce matin, nous pensons au peuple birman qui voit son vote confisqué et l’histoire se répéter. Y-a-t-il seulement des mots pour décrire ce qu’il ressent ?
Contact : Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie
sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33
Menaces de l’armée à la veille de la convocation du nouveau Parlement
CP 28 janvier 2021 – Le commandant en chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing vient d’évoquer la révocation de la Constitution de 2008 comme une possibilité dans un discours prononcé mercredi à l’attention d’officiers supérieurs.
La veille, le porte-parole de l’armée dénonçait de nouveau des irrégularités lors des élections législatives du 8 novembre massivement remportées par la LND, n’excluant pas la possibilité d’un coup d’État si les vérifications demandées par l’armée n’étaient pas effectuées. Le porte-parole de l’armée a aussi indiqué que l’absence de prise en compte des allégations de fraude avancées par l’armée entraînerait une « crise politique ». Nous y sommes. Dernier grief en date ? Le refus du parlement de tenir une session spéciale à ce sujet, au motif que la commission électorale est seule compétente en matière de contentieux électoral.
L’armée veut voir dans ce refus une violation de la Constitution. Face à la « non prise en compte » de ses demandes, elle se pose en garante de la Constitution et se dit prête à la révoquer… si elle n’est pas respectée. Des voix se lèvent pour souligner qu’un coup d’Etat serait contraire à la Constitution, mais Min Aung Hlaing balaie cet argument d’un revers de main et va jusqu’à rappeler les précédents funestes qu’a connu la Birmanie.
Alors que la Constitution de 2008 garantit des pouvoirs exorbitants à l’armée, celle-ci entend-elle seulement rappeler son rôle politique de premier plan et montrer sa force de nuisance au nouveau parlement qui doit siéger la semaine prochaine, puis au gouvernement à venir ? Entre ceux qui balaient toute menace et ceux qui y voient l’annonce d’une « action militaire » dont la forme resterait à définir, il est en tout cas manifeste que le climat politique est dégradé.
Depuis novembre, l’armée et ses affiliés continuent de contester le résultat des élections législatives, un scrutin qui a par ailleurs fait l’objet de nombreuses contestations de la part de la société civile pour des considérations liées aux droits de l’Homme.
Les élus du nouveau parlement convoqué le 1er février s’apprêtent donc à siéger dans une ambiance bien éloignée de l’euphorie suscitée par la victoire de la LND en 2015. Face à un bilan très mitigé et à l’ampleur de la tâche à accomplir, ils restent confrontés à une armée qui n’en finit pas de plomber toute « transition démocratique ». Les échanges avec les 33 élus de l’USDP – le parti affilié à l’armée – et les militaires qui occupent automatiquement 25 % des sièges au parlement s’annoncent tendus, avec les échéances de la reconduction d’Aung San Suu Kyi en tant que conseillère spéciale, l’élection du président et des vice-présidents et la nomination d’un nouveau gouvernement en mars.