De nouveaux jours sombres pour la Birmanie

De nouveaux jours sombres pour la Birmanie

CP 1er février 2021 – Un coup d’Etat est en train d’avoir lieu en Birmanie, où nous apprenons que le vice-président élu par l’armée, Myint Swe, assure la présidence par intérim et donne autorité au commandant en chef de l’armée Min Aung Hlaing. L’état d’urgence est décrété pour une durée d’un an.  

Plus tôt dans la nuit, Aung San Suu Kyi, le président Win Myint et d’autres personnalités de la LND ont été arrêtées lors d’un raid. Des personnalités politiques ont été visées à travers tout le pays, sur fond de coupure des télécommunications. Les arrestations concernent aussi des militants de la société civile, de syndicats étudiants, faisant d’emblée craindre une opération d’envergure à l’échelle du pays. Des activistes ont quitté leur domicile au plus vite par crainte pour leur sécurité. Ceux que nous avons pu joindre se disaient « en sécurité, pour l’instant.»

Le nouveau Parlement issu des législatives de novembre, et majoritairement composé d’élus LND, devait siéger aujourd’hui. Mais l’armée en a décidé autrement en mettant sa menace de coup d’Etat de la semaine passée à exécution, après avoir évoqué des « rumeurs ». La Constitution de 2008, rédigée par et pour les militaires, laisse sans recours interne face à ce coup de force qui saura se prévaloir du texte constitutionnel. Il anéantit ou révèle le visage de la « transition démocratique » amorcée il y a 10 ans.

L’issue des tensions qui ont précédé et suivi le scrutin législatif du 8 novembre dépasse cependant ce que nous pouvions redouter : l’armée bénéficie déjà d’un pouvoir exorbitant garanti par la Constitution et elle n’a cessé d’en faire usage tout au long de ces cinq dernières années. Pourquoi ce dénouement ? Mis en cause pour génocide et personnage pivot de vastes intérêts économiques, Min Aung Hlaing, proche de la retraite, sert ses ambitions personnelles par ce terrible coup de force. Alors qu’on lui prêtait des ambitions présidentielles, il n’a pas accepté la déroute électorale de l’USDP – parti affilié à l’armée – lors des législatives. Il affirmait récemment « il n’y a rien que je n’ose faire».

Le Conseil de sécurité de l’ONU prévoit de se réunir dans les jours qui viennent. La communauté internationale doit tout faire pour obtenir la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnalités politiques et de tous les militants interpellés. Elle doit faire pression sur cette armée criminelle, la sanctionner de la manière la plus ferme qui soit.

Ce matin, nous pensons au peuple birman qui voit son vote confisqué et l’histoire se répéter. Y-a-t-il seulement des mots pour décrire ce qu’il ressent ?

Contact : Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie

sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33

Menaces de l’armée à la veille de la convocation du nouveau Parlement

Menaces de l’armée à la veille de la convocation du nouveau Parlement

CP 28 janvier 2021 – Le commandant en chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing vient d’évoquer la révocation de la Constitution de 2008 comme une possibilité dans un discours prononcé mercredi à l’attention d’officiers supérieurs.

La veille, le porte-parole de l’armée dénonçait de nouveau des irrégularités lors des élections législatives du 8 novembre massivement remportées par la LND, n’excluant pas la possibilité d’un coup d’État si les vérifications demandées par l’armée n’étaient pas effectuées. Le porte-parole de l’armée a aussi indiqué que l’absence de prise en compte des allégations de fraude avancées par l’armée entraînerait une « crise politique ».  Nous y sommes. Dernier grief en date ? Le refus du parlement de tenir une session spéciale à ce sujet, au motif que la commission électorale est seule compétente en matière de contentieux électoral.

L’armée veut voir dans ce refus une violation de la Constitution. Face à la « non prise en compte » de ses demandes, elle se pose en garante de la Constitution et se dit prête à la révoquer… si elle n’est pas respectée. Des voix se lèvent pour souligner qu’un coup d’Etat serait contraire à la Constitution, mais Min Aung Hlaing balaie cet argument d’un revers de main et va jusqu’à rappeler les précédents funestes qu’a connu la Birmanie.

Alors que la Constitution de 2008 garantit des pouvoirs exorbitants à l’armée, celle-ci entend-elle seulement rappeler son rôle politique de premier plan et montrer sa force de nuisance au nouveau parlement qui doit siéger la semaine prochaine, puis au gouvernement à venir ? Entre ceux qui balaient toute menace et ceux qui y voient l’annonce d’une « action militaire » dont la forme resterait à définir, il est en tout cas manifeste que le climat politique est dégradé.

Depuis novembre, l’armée et ses affiliés continuent de contester le résultat des élections législatives, un scrutin qui a par ailleurs fait l’objet de nombreuses contestations de la part de la société civile pour des considérations liées aux droits de l’Homme.

Les élus du nouveau parlement convoqué le 1er février s’apprêtent donc à siéger dans une ambiance bien éloignée de l’euphorie suscitée par la victoire de la LND en 2015. Face à un bilan très mitigé et à l’ampleur de la tâche à accomplir, ils restent confrontés à une armée qui n’en finit pas de plomber toute « transition démocratique ». Les échanges avec les 33 élus de l’USDP – le parti affilié à l’armée – et les militaires qui occupent automatiquement 25 % des sièges au parlement s’annoncent tendus, avec les échéances de la reconduction d’Aung San Suu Kyi en tant que conseillère spéciale, l’élection du président et des vice-présidents et la nomination d’un nouveau gouvernement en mars.

Attaques d’artillerie de l’armée birmane dans le nord de l’État de Karen : une réponse internationale urgente est nécessaire

Attaques d’artillerie de l’armée birmane dans le nord de l’État de Karen : une réponse internationale urgente est nécessaire

Un communiqué de Karen Peace Support Network (KPSN)

18 janvier 2021 –  Le Karen Peace Support Network (KPSN) condamne l’intensification des attaques d’artillerie menées par l’armée birmane dans les districts de Mutraw (Papun) et Kler Lwe Htoo (Nyaunglebin) au nord de l’État de Karen, qui ont déplacé plus de 3700 villageois et tué un chef de village le 12 janvier.

Le 15 janvier, le bataillon d’infanterie LIB 339 de l’armée birmane a tiré des mortiers lourds à Mae Wai, entraînant de graves blessures à la tête pour un garçon de onze ans.

Ces attaques, visant sans discrimination des civils, constituent des crimes de guerre. L’obstruction de l’accès à l’aide humanitaire pour les personnes déplacées est également une violation du droit international humanitaire.

La communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité des Nations Unies, a la responsabilité de faire respecter le droit international et manque à ses responsabilités.

Le KPSN exige que l’armée birmane mette immédiatement fin à ces attaques et retire les troupes de ces zones afin que les villageois puissent rentrer chez eux.

Les donateurs internationaux du «processus de paix», y compris le Fonds commun pour la paix, devraient suspendre le financement du processus jusqu’à ce que l’armée birmane cesse de violer les termes de l’Accord national de cessez-le-feu (NCA).

Depuis début décembre 2020, cinq bataillons de l’armée birmane ont tiré des obus autour de leurs bases dans les cantons de Luthaw et Dweh Lo à Mutraw (brigade KNU 5), faisant fuir 3176 villageois de douze villages, contraints de se cacher dans la jungle environnante.

Beaucoup de ces villageois ont été déplacés de la même manière l’année dernière par les bombardements de l’armée birmane lors d’une violente offensive visant à franchir une route stratégique vers le nord de Mutraw.

Des milliers de villageois de Kler Lwee Htu et Mutraw ont publiquement protesté contre ces attaques, en particulier le 6 janvier 2021 à Mu Traw, appelant l’armée birmane à arrêter la construction de routes et à supprimer les postes militaires de leur région.

Le 11 janvier 2021, l’armée birmane IB 57 a commencé à bombarder autour du village de Ta Kaw Der, dans le canton de Ler Doh, Kler Lwe Htoo (Brigade KNU 3), à l’ouest de Mutraw, déplaçant 588 villageois supplémentaires et provoquant la fermeture des écoles communautaires de la région.

Il s’agit du premier déplacement dans cette zone depuis le début du processus de paix en 2012.

Les villageois déplacés font face à des difficultés extrêmes, mais les groupes communautaires locaux ont été empêchés d’y accéder par l’armée birmane.

Aucune déclaration des donateurs du «processus de paix» n’a appelé à la fin de ces attaques et à l’accès humanitaire pour ceux qui ont été déplacés.

Le 12 janvier, des soldats de l’armée birmane LIB 404, sous le 8ème commandement des opérations militaires, ont tiré des obus depuis leur base sur les champs autour du village de Ter Nay Taw, dans le village de Mae Cho, dans la commune de Dweh Lo à Mutraw.

Un obus de 60 mm a touché et tué Saw Maw Tha Hser, 35 ans, le chef du village de Ter Nay Taw, qui cultivait son champ. Il est le père de six enfants.

Le KPSN condamne fermement cette agression non provoquée menée par l’armée birmane, qui ignore de manière flagrante l’Accord de cessez-le-feu à l’échelle nationale signé par le KNU, ainsi que son propre cessez-le-feu unilatéral à l’échelle du pays déclaré pendant la crise du Covid-19.

Le KPSN appelle de toute urgence l’armée birmane à mettre immédiatement fin à ces attaques et à retirer ses troupes des territoires karen, afin que des négociations de paix inclusives puissent commencer.

Le KPSN exhorte également les donateurs internationaux à suspendre tout financement du «processus de paix» jusqu’à ce que l’armée birmane mette fin à ses attaques dans tout le pays et commence à retirer ses troupes des zones ethniques contestées.

Pour plus d’informations, contactez:

Saw Alex +95 0977931 3575 (Karen anglais birman)

Naw Wah Ku Shee +66086118 2261 (Karen anglais)

version originale du communiqué de presse de KPSN

Télécommunications birmanes : des entreprises françaises naviguent en eau trouble

Télécommunications birmanes : des entreprises françaises naviguent en eau trouble

CP 21 décembre 2020 – La campagne citoyenne Justice for Myanmar (JFM) s’est penchée sur l’implication de l’armée dans le secteur des technologies de l’information et de la communication en Birmanie à travers Mytel, 4ème opérateur de téléphonie mobile du pays[1]. Cela donne un rapport édifiant : « Nodes of corruption, lines of abuse: How Mytel, Viettel and a global network of businesses support the international crimes of the Myanmar military».

Cet opérateur de téléphonie mobile n’a rien de civil, comme l’illustre le rapport. Dans le prolongement du rapport de la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur les intérêts économiques de l’armée birmane, il révèle à quel point la Tatmadaw gangrène ce secteur de l’économie et en tire profit au service de ses crimes, avec tout un réseau d’entreprises birmanes et étrangères en toile de fond.

Pour Sophie Brondel d’Info Birmanie « le contenu de ce rapport tend à indiquer que la position française qui se cantonne à proscrire les liens commerciaux directs – avec des entreprises contrôlées ou détenues par l’armée birmane – ne permet pas d’appréhender la réalité du contexte birman dans toute sa dimension, même si elle constitue une première exigence à respecter scrupuleusement.»

L’enquête de JFM contient une liste d’entreprises étrangères, notamment françaises, visées pour leurs liens avec Mytel et Viettel, son principal actionnaire détenu par le Ministère de la défense vietnamien. ArianeSpace et Digital Virgo comptent parmi les entreprises françaises citées.

ArianeSpace et le lancement d’un satellite à haut risque

JFM révèle que l’industrie de la communication par satellite implique de grandes entreprises susceptibles de contribuer directement aux crimes internationaux de l’armée birmane, à la fois directement et via Mytel[2]. Dans le cadre de la transition vers une « démocratie disciplinée », l’accès de l’armée birmane aux satellites s’est accru. Cette évolution a été appuyée par l’émergence d’une industrie nationale – Satcom – dans le contexte du mouvement de réforme des télécommunications.  

JFM fait valoir que l’armée birmane a obtenu l’accès à des technologies satellitaires par le biais du Comité de suivi des satellites de l’Etat birman (State Satellite Oversight Committee) mis en place par le gouvernement LND. Ce comité est présidé par un militaire nommé et comprend aussi les Ministres de la défense et des affaires intérieures, qui sont également des militaires. 

Digital Virgo et Viettel

Parmi les entreprises françaises citées, figure également Digital Virgo[4]. En mai 2020, ce fournisseur de technologie de paiement mobile a annoncé un contrat avec Viettel Global pour appuyer le système de facturation directe de l’opérateur pour les filiales de Viettel, y compris en Birmanie. La campagne JFM ne sait pas si Mytel a déjà intégré la technologie de Digital Virgo dans son système de facturation. Elle demande à Digital Virgo de se retirer de son contrat avec Viettel et de s’assurer que l’armée birmane n’accède pas à sa technologie de paiement.

Pour Yadanar Maung de JFM, «l’implication d’ArianeSpace dans le programme satellite du Myanmar et la fourniture de logiciels financiers par Digital Virgo à Viettel et Mytel comportent un haut risque d’implication dans les graves violations des droits humains de l’armée birmane et violent leurs obligations en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme. Ces contrats montrent un manque choquant de diligence raisonnable en matière de droits humains et peuvent entraîner un préjudice supplémentaire pour le peuple du Myanmar, qui souffre d’une armée qui enfreint régulièrement le droit international. Justice For Myanmar appelle toutes les entreprises à mettre fin à leurs relations avec Viettel, Mytel et toute autre entité détenue par l’armée birmane et leurs partenaires. Nous appelons la France à enquêter sur le rôle des entreprises relevant de sa juridiction dans les violations internationales des droits de l’Homme au Myanmar. « 

***

Mytel, déjà épinglée par les enquêteurs de l’ONU, suscite de nombreuses préoccupations relatives aux droits humains. D’un côté, l’armée birmane met la sécurité nationale en danger en donnant à des entités de l’armée vietnamienne un accès à des infrastructures civiles et militaires et aux données personnelles, recueillies à une large échelle à travers Mytel. De l’autre, les profits générés par les parts du gouvernement dans Mytel sont détournés au profit de l’armée, dont les crimes sont rendus possibles tant par les revenus hors-budget générés par Mytel que par son accès aux technologies et services de Mytel et des entreprises qui lui sont liées.

La libéralisation du secteur des télécommunications appuyée par la Banque Mondiale a accouché d’un monstre : Mytel, « produit d’une transition démocratique corrompue, gérée par l’armée birmane afin de sauvegarder son pouvoir, ses privilèges et son impunité.»

Alors que les birmans ont très massivement rejeté les militaires et leurs affiliés dans les urnes lors des élections législatives du 8 novembre, JFM demande aux birmans de boycotter Mytel et à toutes les entreprises en lien avec Mytel et Viettel de couper les ponts. Jusqu’à ce que l’armée birmane soit placée sous contrôle civil, « désinvestie » de l’économie et rende compte de ses crimes.

Pour aller plus loin :  

Liens vers les constats et les recommandations du rapport de JFM (en français)

Contacts presse :

Yadanar Maung, JFM media@justiceformyanmar.org

Sophie Brondel, Info Birmanie + 33 (0)7 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org


[1] Si Mytel a été créée en 2018 par le gouvernement civil, qui en détient 28 % des parts, celles-ci sont gérées à travers Star High Co. Ltd., une entité privée qui n’est autre qu’une filiale du conglomérat militaire Myanmar Economic Corporation (MEC). Le plus gros actionnaire de Mytel est le Military Industry and Telecoms Group (Viettel), détenu par le Ministère de la défense vietnamien.

[2] Pages 55 et suivants du rapport

[3] Page 62 du rapport: ArianeSpace est une filiale d’ArianeGroup, une joint-venture française entre Airbus et Safran SA.

[4] Page 95 du rapport: Domiciliée en France, Digital Virgo appartient à BNP Paribas et à la société de capital-investissement Sofival, toutes deux domiciliées en France, et à Ioda SA, domiciliée au Luxembourg.

Armée birmane : un projet d’achat d’avions Airbus à arrêter !

Armée birmane : un projet d’achat d’avions Airbus à arrêter !

CP 8 décembre 2020 – La campagne citoyenne Justice for Myanmar (JFM) publie aujourd’hui des documents relatifs à un projet d’achat d’Airbus par l’armée birmane, censé avoir lieu d’ici/le 30 décembre 2020. Il concerne 2 Airbus CASA C-295s[1] de la Royal Jordanian Air Force pour la somme de 38,6 millions de dollars USD.

JFM demande à la Jordanie de ne pas procéder à cette vente qui, selon sa source, est en cours[2]. Si cet achat devait avoir lieu, toute implication de la société Airbus dans la maintenance de suivi et la délivrance de formations certifiées au bénéfice de l’armée birmane serait susceptible d’enfreindre le régime de sanctions de l’Union Européenne en vigueur.

Or, le projet d’achat relatif à cet appareil de transport tactique inclut, selon les documents dévoilés, la formation de 8 pilotes et de 4 mécaniciens « au sein des installations de formation militaire d’Airbus CASA, basé à Séville en Espagne (ou) d’une centre de formation adapté en un autre lieu (ou) chez le client en Birmanie ». La société privée impliquée dans la transaction est Aero Sofi Co. Ltd, basée au Novotel de Yangon et dirigée par l’ancien PDG de Air Mandalay, Sai Kham Park Hpa. Elle s’engage à fournir une assistance complémentaire dans la formation technique de l’équipage en fonction de ses besoins, tandis que la proposition mentionne que « tous les services de maintenance après-vente et de pièces détachées seront fournis de tout temps selon les lignes directrices de Airbus-CASA-OEM ».

Dans le cadre de la publication de ces informations, Info Birmanie interpelle Airbus. La Birmanie fait l’objet d’un embargo sur les armes de l’Union Européenne, étendu en avril 2018 aux « biens à double usage » pour couvrir les produits et technologies qui peuvent être utilisés tant à des fins civiles que militaires[3]. Le rappel de cet embargo et de sa portée est d’autant plus important que, selon nos sources, une délégation d’Airbus Helicopters s’est rendue en Birmanie à l’automne 2019 pour prospecter sur le marché birman. 

Il convient par ailleurs de s’assurer qu’Airbus met tout en œuvre pour s’assurer du respect de ses obligations en matière de « diligence raisonnable » dans le cadre des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme[4].

Yadana Maung de JFM déclare : « Si l’achat des C-295 se poursuit, ils seront probablement utilisés pour transporter des troupes dans des zones ethniques, soutenant les crimes internationaux de l’armée. Nous appelons le gouvernement jordanien à s’abstenir de vendre des armes à l’armée birmane, y compris des avions C-295… Airbus et ses partenaires doivent mettre fin à tous les liens directs et indirects avec l’armée birmane, y compris la formation et le soutien technique ».

Selon les documents rendus publics par JFM, l’armée a également signé un contrat en 2019 pour le réaménagement luxueux d’un Airbus A 319-112, préalablement utilisé par Myanmar Airways International, une compagnie aérienne détenue par les groupes KBZ[5] et 24 Hours . La société Aero Sofi est également impliquée dans cette transaction de plus de 4,8 millions de dollars US, dont le statut ne peut être confirmé par JFM. Tout service après-vente incluant Airbus serait susceptible d’enfreindre l’embargo sur les armes de l’UE. Comme le souligne JFM, la propriété de cet Airbus de KBZ par l’armée soulève aussi des inquiétudes sur la « diligence raisonnable » d’Airbus en matière de droits humains et des parties tierces à la vente.

Airbus doit s’engager à respecter l’embargo en vigueur au sein de l’Union Européenne et a un rôle important à jouer pour bloquer le projet de vente documenté des 2 Airbus CASA C-295s de la Royal Jordanian Air Force en refusant de fournir la moindre assistance ou formation –  qu’elle qu’en soit la forme – sur ses appareils au profit d’une armée mise en cause pour les crimes les plus graves en droit international.

Contacts presse :

Yadana Maung, Justice For Myanmar Email: media@justiceformyanmar.org Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie 07 62 80 61 33 sophie@infobirmanie.org


[1] Selon le site d’Airbus, le C-295 est « entièrement certifié et fonctionne régulièrement jour et nuit dans des missions de combat dans toutes les conditions météorologiques extrêmes ».

[2] JFM mentionne par ailleurs que les documents ont été fournis au Projet de signalement de la criminalité organisée et de la corruption (OCCRP), un consortium international de journalistes d’investigation qui a révélé des lacunes dans la réglementation des sanctions de l’UE. L’OCCRP a pu confirmer auprès d’une source jordanienne proche de l’accord en cause que la Jordanie vend les avions, bien que la source ne sache pas à quel pays ils sont vendus. L’OCCRP consacre un article à ce sujet. JFM publie également d’autres documents budgétaires du Ministère de la défense, dans lesquels les technologies d’Alcatel sont identifiées dans les demandes de budget, destinées aux communications militaires.

[3]  Article 3 du RÈGLEMENT (UE) 2018/647 DU CONSEIL du 26 avril 2018 modifiant le règlement (UE) no 401/2013 concernant des mesures restrictives instituées à l’encontre du Myanmar/de la Birmanie

[4] Ces principes directeurs ont été approuvés par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011.

[5] Selon les enquêteurs de la Mission d’établissement des faits de l’ONU, KBZ doit faire l’objet d’une enquête pour sa contribution directe et substantielle à la commission de crimes contre l’Humanité : le groupe KBZ opère des mines de jades et de rubis avec la Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL), conglomérat de l’armée, et a fait don de près de 2,5 millions de USD à l’armée en 2017 durant sa campagne contre les Rohingya.