Établir un mécanisme indépendant de réexamen de tous les cas de prisonniers politiques afin d’en finir avec les emprisonnements politiquement motivés
A l’occasion du troisième anniversaire de la mort d’U Win Tin, 22 organisations appellent à la libération immédiate de tous les individus détenus ou emprisonnés pour motifs politiques sur des accusations forgées de toutes pièces. Ces organisations appellent également à la mise en place d’un mécanisme de réexamen indépendant et efficace de tous les cas de prisonniers politiques afin de mettre fin aux arrestations et aux détentions arbitraires en Birmanie.
U Win Tin, qui a passé presque 20 ans en prison en tant que prisonnier de conscience, est connu pour s’être engagé à se vêtir d’un tee-shirt bleu, de la même couleur que celui qu’il faut porter en prison, jusqu’à ce que tous les prisonniers politiques du pays soient relâchés. Le 21 avril, des personnes du monde entier porteront un tee-shirt bleu ou des vêtements bleus en solidarité avec l’appel d’U Win Tin qui est malheureusement toujours d’actualité.
Un an après la prise de fonctions de la Ligue Nationale pour la Démocratie au gouvernement, et malgré une série de libérations de prisonniers politiques, il y a toujours un certain nombre de personnes derrière les barreaux en raison d’arrestations et d’emprisonnements politiquement motivés. Les lois répressives qui restreignent arbitrairement les droits aux libertés d’expression, d’association et de rassemblement pacifique restent en place et les autorités continuent de les utiliser pour intimider, arrêter et emprisonner les défenseurs des droits humains et activistes.
De plus, le gouvernement civil n’a toujours pas pris de mesures effectives pour faire face à la longue histoire du pays en matières d’arrestations, de détentions et d’emprisonnements pour des motifs politiques.
Dans son plus récent rapport au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains en Birmanie a recommandé au gouvernement d’entreprendre d’ici octobre 2017 « un examen exhaustif de tous les cas, basé sur des consultations publiques incluant toutes les parties prenantes pertinentes compte tenu du nombre de prisonniers politiques encore en prison ».
Nos organisations croient que l’établissement d’un mécanisme de réexamen de ces prisonniers, efficace et bien documenté, avec un mandat et des procédures clairs pour répondre aux problèmes de poursuites infondées et politiquement motivées, serait une étape cruciale pour faire face aux emprisonnements politiques qui existent depuis des décennies en Birmanie.
Un tel mécanisme devrait :
1 – Réexaminer les cas de toutes les personnes qui pourraient avoir été accusées ou privées de leur liberté en raison de l’exercice pacifique de leurs droits ou en raison de procès injustes et pour des motifs politiques. Toutes les personnes accusées ou détenues en raison de l’exercice pacifique de leurs droits doivent être immédiatement et inconditionnellement relâchées et toutes les charges à leur encontre abandonnées. Les autres individus détenus sur des accusations politiquement motivées devraient également être relâchés, à moins qu’ils ne soient immédiatement accusés d’un crime manifeste et en comparution devant un tribunal indépendant. Ceux emprisonnés suite à des procès arbitraires devraient être à nouveau jugés via un processus qui respecte les standards internationaux d’équité ;
2 – Réviser toutes les lois utilisées pour arrêter, poursuivre et punir les prisonniers politiques et les prisonniers de conscience, et recommander au Parlement l’abrogation ou l’amendement de telles lois afin qu’elles soient conformes aux lois internationales sur les droits humains et aux standards internationaux ;
3 – Formuler et présenter des recommandations aux autorités pertinentes dans le but d’en finir avec les abus des lois criminelles et la création de toute pièce d’accusations contre des individus pour des raisons politiques ;
4 – S’assurer que toutes les conditions associées à la libération des prisonniers politiques et des prisonniers de confiance soient remplies ;
5 – Pourvoir le soutien et l’assistance aux anciens prisonniers politiques et prisonniers de conscience, ainsi qu’à leur famille, en s’assurant qu’ils ont un accès effectif à la restitution, la compensation, et l’assistance, avec une amélioration dans l’accès à l’éducation et aux opportunités d’emplois et d’autres formes de réparation pour leur permettre de reprendre une vie normale ;
6 – Partager avec le public son mandat, ses termes de référence, ses procédures opérationnelles et publier des rapports d’activités réguliers ;
7 – Disposer de ressources suffisantes, recevoir un soutien approprié et une coopération de la part des organismes gouvernementaux, et permettre l’accès à toutes les prisons et à tous leurs registres, ainsi qu’aux autorités compétentes pour questionner les fonctionnaires d’État ;
8 – Être composé de membres sélectionnés selon des critères objectifs et pertinents, notamment leur indépendance et leur expertise en droits humains, de femmes et de minorités ethniques, d’experts sur les questions de genre et des droits des enfants. La commission devrait être composée d’un large éventail de parties prenantes, dont des anciens prisonniers politiques, prisonniers de conscience et leurs représentants ;
9 – Disposer de ressources suffisantes pour assurer son fonctionnement et ses capacités dans le domaine des droits humains, et donc d’être capable de rechercher une assistance technique et des recommandations d’experts externes à ce sujet ;
10 – Développer ses programmes de travail en consultant les anciens prisonniers politiques, leurs familles et leurs représentants, et prendre en compte les différentes expériences de femmes, hommes et enfants ;
Le plus grand hommage que nous pourrions rendre à U Win Tin serait de concrétiser son rêve de libération de tous les prisonniers politiques et prisonniers de conscience en Birmanie. Il nous semble qu’établir un tel mécanisme de réexamen de tous les cas de prisonniers politiques serait une avancée positive en ce sens.
Contexte:
U Win Tin, un journaliste et l’un des membres fondateurs de la Ligue Nationale pour la Démocratie, était l’un des prisonniers politiques qui a été détenu le plus longtemps en Birmanie, décrivant son séjour en prison entre 1989 à 2008 comme un enfer.
Le 7 février 2013, le Président Thein Sein a annoncé l’établissement d’une Commission pour l’Examen de tous ceux qui demeurent Prisonniers de Conscience pour « examiner les cas de prisonniers politiques qui purgent leurs peines en prison à travers le pays afin de leur accorder la liberté ». Cependant, il est rapidement apparu que cette commission avait de sérieuses lacunes. A la fin 2014, il était difficile de savoir si cette commission était opérationnelle, ce qui a entraîné la montée de critiques nationales et internationales.
Le 5 janvier 2015, le président Thein Sein a annoncé la reconstitution de cette Commission, qui était composé de 28 membres et qui devait « rapidement prendre en main le sujet des prisonniers de conscience ». Cependant, il est apparu que la Commission ne s’était ni même rencontré, et aucune information publique n’était disponible concernant son mandat, ses procédures et ses activités. Le manque d’information et d’actions a justifié les inquiétudes quant au fait que la Commission avait été reconstituée pour détourner les critiques nationales et internationales plutôt que pour résoudre la question des prisonniers politiques encore en prison.
Signataires:
- Actions Birmanie (Belgium)
- ALTSEAN-Burma
- Amnesty International
- ASEAN Parliamentarians for Human Rights (APHR)
- Asia-Pacific Solidarity Coalition (APSOC)
- Assistance Association for Political Prisoners (Burma)
- Association Suisse-Birmanie
- Burma Campaign UK
- Burma Human Rights Network (BHRN)
- Burmese Muslim Association
- Christian Solidarity Worldwide
- FIDH – International Federation for Human Rights
- Fortify Rights
- Free Burma Campaign (South Africa)
- Free Burma Coalition-Philippines (FBC-P)
- Info Birmanie (France)
- Initiatives for International Dialogue (IID)
- Korean House for International Solidarity
- Odhikar (Bangladesh)
- Progressive Voice
- Swedish Burma Committee
- US Campaign for Burma
- Union Aid Abroad – APHEDA