Le 27 mars 2019
Le Bangladesh a récemment annoncé que la relocalisation de Rohingya sur le site contesté de Bhasan Char, un îlot submersible situé à une heure des côtes, allait débuter en avril. Cette fois, les travaux d’aménagement du site sont terminés et l’agence Reuters a eu connaissance d’un document du Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations Unies, relatif aux modalités possibles de son assistance.
Lundi 25 mars, l’ONU a en effet déclaré qu’elle examinait comment assister le Bangladesh dans la mise en œuvre de ce projet, tandis que des officiels de l’ONU mettent l’accent sur la nécessité pour cette relocalisation d’avoir lieu sur une base volontaire et dans le respect des principes humanitaires.
Or, des agences d’aide internationales et la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la Birmanie, Mme Yanghee Lee, ont fait part de leurs vives inquiétudes, notamment au sujet de la possibilité pour le site de Bhasan Char de résister aux cyclones. Des centaines de milliers de personnes ont péri au Bangladesh ces cinquante dernières années, principalement dans les zones côtières. Mme Yanghee Lee, qui s’est rendue à Bhasan Char en janvier, a récemment exprimé sa préoccupation : « Même après ma visite, beaucoup de choses me sont inconnues, notamment la question de savoir si l’île est vraiment habitable ou non ». L’ONU n’a pourtant jamais pris position pour dire que ce projet n’était pas viable et promouvoir des alternatives auprès des autorités bangladaises, confrontées à une situation incontestablement lourde de défis.
Aujourd’hui, des ONG de défense des droits humains telles que Human Rights Watch et Fortify Rights s’alarment de nouveau de la mise en œuvre de ce projet et s’inquiètent face à ce qui ressemble de plus en plus à un aval de l’ONU. Comme le souligne Fortify Rights, cette relocalisation, présentée comme une solution face à la situation très difficile qui prévaut dans les camps au Bangladesh, risque en réalité d’entraîner une nouvelle crise.
Car le site de Bhasan Char, interdit aux médias, est un banc de sable apparu en 2006 dans le golfe du Bengale, régulièrement inondé selon les marées, les pluies de mousson et les cyclones. S’il faut environ une heure en bateau pour rejoindre le site, des tempêtes violentes peuvent rendre le trajet dangereux, si ce n’est impossible. Les autorités bangladaises ont pourtant investi 280 millions de dollars pour transformer les lieux, en construisant notamment une digue de trois mètres de haut et en surélevant les zones les plus basses.
Mais outre les inondations, les Rohingya craignent la séparation d’avec leurs proches, l’isolement, le manque d’accès aux services essentiels et l’impossibilité d’exercer une activité génératrice de revenus. Quelle est la marge de manœuvre de ces personnes vulnérables pour décliner cette relocalisation ? S’il manque de « volontaires », on peut craindre que la coercition devienne de mise, sous différentes formes.
Alors que l’ONU vient de s’engager dans l’évaluation de son action menée en Birmanie, la mise en œuvre de ce projet, décriée par les Rohingya eux-mêmes, s’annonce déjà comme un nouvel échec dans la réponse apportée au drame que vivent ces réfugiés. Comme le rappelle Fortify Rights, « les Nations Unies ont un lourd passif de défaillance vis-à-vis des Rohingya et cela se poursuit. Le projet, vicié à la base, entraînera de nouvelles violations des droits humains ». Les organisations et officiels qui s’élèvent contre ce projet s’accordent pourtant pour dire qu’il y a d’autres solutions au niveau du district de Cox’s Bazar. Mais elles n’ont pas été promues.