CP 6 juin 2019 – Alors que plus d’un million de Rohingya demeurent contraints à l’exil et que des membres de la minorité musulmane sont la cible d’extrémistes bouddhistes en Birmanie, Aung San Suu Kyi affiche des convergences sur « l’Islam » et « l’immigration» avec un représentant de l’extrême droite européenne.
Lors de son déplacement en Europe, Aung San Suu Kyi s’est en effet rendue à Budapest où elle a rencontré le Premier Ministre hongrois Viktor Orbán, récemment suspendu du Parti Populaire Européen (PPE) au Parlement Européen en raison de sa dérive nationaliste et xénophobe.
Le moment n’est pas anodin. En Birmanie, une campagne citoyenne #WhiteRose4Peace prônant la tolérance et la paix se développe actuellement, en réaction aux attaques de musulmans perpétrées par des extrémistes bouddhistes pendant le Ramadan. Le fait pour Aung San Suu Kyi de se montrer en phase avec Viktor Orbán s’inscrit dans le prolongement de positions passées, tout en marquant un pas inquiétant dans les dérives du nationalisme bamar-bouddhiste : « L’immigration » serait, selon le communiqué publié à l’issue de leur rencontre, « un des plus grands défis de leurs pays et régions respectifs.» La Birmanie ne manque pourtant pas de réels défis en matière de respect des droits humains, de justice et de paix.
Le rapprochement entre Aung San Suu Kyi et un individu qui incarne une menace pour la démocratie et l’Etat de droit en Europe va-t-il se développer ? Il devrait en tout cas alerter ceux qui ont pour position de défendre « la transition démocratique en cours », indépendamment de sa réalité. La question se pose d’autant plus que nombre d’observateurs craignent que cette dérive nationaliste se renforce à l’approche des échéances électorales de 2020. D’un côté, le risque évoqué d’un retour de l’armée au pouvoir, de l’autre le reniement des valeurs démocratiques ?
Dans ce contexte, soulignons que le mandat d’arrêt contre le moine extrémiste Wirathu n’a pas été émis dans la volonté de lutter contre sa propagande xénophobe contre les musulmans du pays. Ce sont bien davantage ses propos sur le régime en place qui lui valent d’être dans le collimateur des autorités aujourd’hui. Les poursuites à son encontre risquent donc, hélas, de n’être qu’un écran de fumée face à la menace xénophobe qui plane en Birmanie.
Contact : Sophie Brondel sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33