Le 2 février, sur les recommandations du Président Thein Sein, le Parlement birman a accordé le droit de vote aux détenteurs de la « white carte », qui ne disposent pas des mêmes droits que les citoyens de plein droit. Le texte voté concernait le referendum prévu pour le mois de mai mais semblait leur donner, par la même occasion, le droit de vote aux élections législatives de novembre. Cette loi a soulevé l’indignation de différents partis et organisations de la société civile, dont le parti national de l’Arakan. Le 5 février, ils ont appelé à la grève générale et ont organisé des manifestations pour que le droit de vote ne soit pas accordé à ces personnes qu’ils considèrent comme des étrangers. Fait rare, ces manifestations ont été autorisées par les autorités.
Dans le texte d’origine, et depuis plus de 20 ans, les personnes possédant la « white card » avaient le droit de voter. Cependant, l’année dernière, le Parlement a retiré cette disposition de la loi lors de son amendement. Les détenteurs de « white card » étaient pourtant censés devenir, à terme, citoyens à part entière. Ces cartes temporaires sont des documents d’identité qui avaient été attribués dans les années 1990, dans l’attente de documents définitifs. Environ 850 000 personnes détiennent ce document dans l’État d’Arakan, pour la plupart, des Rohingyas de confession musulmane, et 400 000 personnes d’origine chinoise et indienne dans le reste du pays. Les titulaires de ces cartes sont privés des droits liés à la citoyenneté birmane, mais, sont autorisés à résider temporairement en Birmanie. Ils sont considérés comme des citoyens de « seconde zone » puisqu’ils ne peuvent pas circuler librement et n’ont pas accès aux emplois publics et à certains diplômes.
Le 6 février, certains membres de la Chambre haute du Parlement ont lancé une pétition pour recueillir les 10% de signatures permettant la saisine du tribunal constitutionnel. Les détracteurs du texte dénonçaient une violation de l’article 4 de la Constitution de 2008 selon lequel : « le pouvoir souverain de l’Union [birmane] est issu des citoyens et, est en vigueur dans le pays entier ». Dès le 11 février, le gouvernement a fait marche arrière et déclaré que les « white cards » seraient révoquées de « façon juste et transparente ». Toutefois, les manifestations menées par des moines bouddhistes se sont poursuivies et ont bénéficié du soutien d’Aung San Suu Kyi et de son parti. Le 16 février, le tribunal constitutionnel a considéré que le droit de vote des détenteurs de « white cards » constituait une violation de la constitution. Peu de temps après, le gouvernement a annoncé que la validité des cartes arriverait à expiration le 31 mars et qu’elles devraient être rendues avant le 31 mai, rendant évidemment nulle la loi récemment promulguée.
Dans les camps de déplacés Rohingyas, la tension monte, la décision a été prise avec méfiance et résignation : « si le gouvernement veut récupérer ma carte, qu’est ce que je peux faire ? » – « je leur rendrais » déclare Minara, femme au foyer de 23 ans. Les experts craignent que la situation ne dégénère : « il paraît peu probable que les IDP [déplacés internes vivant dans les camps], détenteurs de « white cards », la rendent volontairement alors que rien n’indique qu’ils obtiendront une quelconque pièce d’identité en retour » explique Richard Horsey, un analyste politique indépendant basé à Rangoun. « Toute tentative de faire appliquer l’ordre pour récupérer les cartes pourrait faire éclater des violences » a-t-il ajouté.
Le revirement soudain du gouvernement sur cette question est préoccupant et permet de s’interroger sur la véritable intention de celui-ci. Avait-il réellement envisagé d’accorder le droit de vote aux détenteurs de « white card » ? Info Birmanie s’inquiète des tensions suscitées pas la confiscation des « white cards » qui permettaient aux minorités ethniques, non reconnues par la constitution mais présentes sur le territoire depuis des générations, de participer à la vie politique du pays.