“Amazing Thailand: it begins with the people”

“Amazing Thailand: it begins with the people”

InfoBirmanie, en partenariat avec Terre des Hommes France (TDH), la Fédération Internationale Terre des Hommes (FITDH), et Foundation for Education and Development (FED) participe à un projet visant à réduire la vulnérabilité des migrants entre la Thaïlande et la Birmanie. Cet article d’InfoBirmanie est le quatrième d’une série mensuelle : retrouvez tous les mois une publication thématique pour rendre compte de la situation pressante des migrants birmans en Thaïlande et du contexte de cette migration.

24/07/2019

La Thaïlande, destination de rêve pour les visiteurs et pour le PIB

« Surprenante Thaïlande : ça commence avec les gens» nous dit le slogan du pays à destination de ses visiteurs…

La Thaïlande est une destination touristique très prisée. Ses plages paradisiaques, son climat doux, sa nature exubérante et ses paysages “instagrammables” en font la première destination asiatique. En 2018, le pays recevait plus de 38 millions de visiteurs dont 10,5 millions de chinois, soit 27,5% du nombre total. A côté de cela, les 2 millions environ de touristes européens semblent négligeables. Pour autant, il ne faut pas oublier leur impact. L’industrie du tourisme est extrêmement lucrative pour la Thaïlande et représente près d’un cinquième de son PIB.

Pour stimuler cette activité, le pays dépend beaucoup de sa main d’oeuvre migrante interne et de celle de ses pays voisins, telle que la Birmanie. La proximité de ce pays avec d’incontournables sites touristiques thaïlandais comme Chiang Mai, Ranong ou Phuket facilite l’emploi de ressortissants birmans.

Là où le client est roi, le birman est exclu des lois 

Afin de garantir aux visiteurs de belles vacances, les hôtels emploient des travailleurs migrants birmans comme serveurs, jardiniers ou personnel de ménage. Une étude suédoise datant de 2015 effectuée auprès de 29 travailleurs migrants (18 dans 7 hôtels et 11 chez 6 fournisseurs d’hôtels), a établi que la moitié des employés des hôtels et la grande majorité de ceux employés par un fournisseur ne recevaient pas le salaire minimum. Hors-saison, certains d’entre eux sont mis à temps partiel, n’en touchant plus que la moitié. Cela ne suffit pas à couvrir leurs dépenses vitales, d’autant plus que 25 d’entre eux renvoient de l’argent à leurs familles restées en Birmanie. En haute saison, les travailleurs dans les hôtels et chez les fournisseurs, particulièrement des laveries ou des boulangeries, dépassent régulièrement les horaires légaux de travail, avec des journées pouvant durer de 10 à 19 heures, bien évidemment sans attribution de pauses ni de jours de repos.

Si ces migrants travaillent avec acharnement, il n’est pas dit qu’ils perçoivent les congés payés auxquels ils ont droit : trois d’entre eux pouvaient prendre des congés, mais une seule d’entre eux était payée. Lorsqu’ils sont en incapacité de travailler, leur absence est déduite de leur salaire ou de leurs jours de repos et ils ne reçoivent pas  d’indemnisation en cas  d’accident du travail.

Cette situation n’est pas la même pour tous : leurs homologues thaïlandais gagnent mieux leur vie et ont plus de droits, bénéficiant d’un statut régulier qui leur permet de posséder un véritable contrat de travail ainsi que de s’assurer. Cette discrimination à  l’égard les birmans affecte aussi leurs conditions de vie. La plupart des birmans interrogés étaient logés dans des petites cabanes en métal surpeuplées, dans des endroits inondables, infestés de moustiques et de sangsues, sans accès à l’eau potable. Obligés d’utiliser l’eau polluée d’un lac, partageant toilettes et cuisine et interdits d’utiliser les toilettes réservées à leurs collègues thaïlandais, ils étaient confrontés à une hygiène de vie déplorable et à une rude  cohabitation.

Pour les travailleurs birmans, plage et piscine ne sont donc pas au programme dans ces “coins de paradis”, qui cachent plus d’une sombre réalité…

Le tourisme sexuel et la capitalisation sur les fantaisies orientalistes

L’industrie du sexe thaïlandaise a gagné en notoriété entre les années 1950 et 1970 lors de la guerre du Vietnam. A l’époque, les soldats américains allaient à Pattaya pendant leurs permissions, créant une des premières infrastructures de tourisme du sexe et attirant des femmes et femmes transgenres de Thaïlande et des pays voisins comme la Birmanie. Lors du retrait des troupes, le tourisme est devenu un secteur clé du développement économique thaïlandais et le pays a donc soutenu son expansion dans toutes ses formes, y compris le tourisme sexuel. Même si la prostitution est aujourd’hui illégale en Thaïlande, le gouvernement fait peu pour limiter les structures qui proposent des services aux “touristes sexuels”. Le Ministère du Tourisme décourage ce genre d’activités en partageant des vidéos de sensibilisation à bord des avions à destination du pays et en distribuant des brochures aux professionnels du tourisme. Ils organisent aussi des formations locales afin de prévenir l’exploitation sexuelle des enfants dans cette industrie.

Cependant, la grande visibilité du travail du sexe dans les lieux touristiques et l’apparition d’établissements proposant ce genre de services sur les listes des “top” choses à faire en Thaïlande sur les sites internet illustre que l’exotisation des corps (surtout de femmes) asiatiques par les touristes, soutient un commerce très lucratif. La plupart des travailleuses du sexe ont des postes dans le secteur du divertissement, tels que les bars, les boîtes, les karaokés, les casinos et les salons de massage, et proposent des services de nature sexuelle hors-site afin de contourner les règlements qui régissent ce secteur d’activité. S’il existe une prostitution professionnelle et voulue, ainsi qu’une “demande” pour les prostitués hommes et garçons, ce sont surtout de jeunes birmanes, y compris mineures, victimes de trafic d’êtres humains, qui alimentent le marché du sexe et le tourisme qui y est lié en Thaïlande.

Avec ou sans consentement, ce domaine reste extrêmement problématique. Il nourrit et développe des stéréotypes à l’égard des femmes thaïlandaises, birmanes et des autres pays d’Asie du sud-est et maintient des relations de pouvoir inégales. Le touriste, venant en Thaïlande expressément pour profiter d’une activité illégale ne court aucun risque, étant même le bienvenu en prévision de ses dépenses qui dynamisent l’économie. A l’inverse, la travailleuse du sexe est criminalisée, stigmatisée et son statut déjà doublement précaire de migrante et prostituée est d’autant plus mis en danger.

“Mais alors, on ne peut plus partir en vacances en Thaïlande?”

La contribution, même inconsciente, à un tourisme qui exploite les migrants birmans, entre autres, peut être limitée. A titre individuel, voyager de manière responsable et respectueuse est indispensable. Privilégier une organisation indépendante et informée, au lieu de passer par des compagnies de tours et de voyages, est extrêmement important.

En effet, les hôtels et les filiales choisis pour l’étude suédoise avaient des accords commerciaux avec des tours-opérateurs comme Thomas Cook pour vendre leurs séjours. Ces entreprises, et elles ne sont sûrement pas les seules, n’ont pas pris les mesures adéquates pour contrer l’exploitation des travailleurs chez leurs partenaires ni le long de la chaîne de travail, ce qui constitue une violation claire des principes relatifs aux entreprises et droits de l’Homme de l’ONU. Tant que les entreprises n’effectuent pas le processus d’identification, de prévention et de résolution des risques liés au tourisme en Thaïlande, il faut être prudent face à leurs offres alléchantes et se demander: quel est le prix humain de nos vacances?

Clara Sherratt