Camps de réfugiés, Bangladesh – La mousson, autrement dit saison des pluies, commencera en mai en Asie du Sud-Est. La météo s’avère être une menace supplémentaire pour les Rohingya, entassés dans les camps au Bangladesh.
Ils sont environ 688 000 réfugiés à s’être installés dans des camps sur les rives du Bangladesh depuis août 2017. Après avoir enduré les sévices de l’armée birmane et fui une mort certaine, les pluies diluviennes attendues dans les mois à venir sont une menace supplémentaire pour les Rohingya. Débutant en douceur en avril, les pluies ne cesseront de s’intensifier au cours de l’été.
Avec désormais plus de 900 000 Rohingyas sur son territoire, le Bangladesh bat à nouveau un triste record, celui d’accueillir le plus grand camp de réfugiés au monde. A lui seul, le camp de Kutupalong-Balukhali accueille 585 000 personnes, au dernier recensement de l’ONU datant du 11 février. Dans ces conditions, alors que l’ONU recommande au minimum 35 m2 par personne disponible dans un camp, on compte en moyenne 15 m2 ¨par personne dans les camps de Rohingya. Certains secteurs de Kutupalong-Balukhali atteignent une densité record d’à peine 5 m2 par personne.
Les abris sont plus que rudimentaires : une bâche en guise de toiture tendue par des bambous qui peuvent héberger juqu’à une dizaine d’individus. Ceux qui n’ont pu s’en munir se tassent sous les arbres qui ont échappé aux opérations de défrichage. Le déboisement massif, bien que nécessaire, a fragilisé les sols. La forêt constitue en effet une barrière naturelle utile pour réduire la puissance des vents cycloniques, et retenir les sols lors des pluies de mousson. Des glissements de terrain sont à prévoir en nombre, d’autant plus que la zone est vallonnée et sableuse. Une étude de vulnérabilité conduite par le HCR, l’OIM, REACH, l’ADPC (Asian Disaster Prepardness Centre) et l’université de Dhaka, estime qu’environ un tiers de la superficie des camps est sujet aux inondations. De plus des vents violents pourraient entraîner la projection de différents matériaux causant des blessures voire des morts.
Un risque sanitaire majeur
Selon le rapport d’ACAPS de mars 2018, les opération humanitaires pourraient être interrompu et la distribution de nourriture ainsi que les ambulances devront faire face à des terrains impraticables pour des véhicules motorisés. Les principales structures des organisations humanitaires risquent également d’être emportées par les glissements de terrain. Les centres de santé, les latrines et les puits pourraient être détruits entraînant d’importantes épidémies. La contamination des puits, provoquée par le débordement des latrines et la défécation en plein air, constitue un risque sanitaire majeur, propice à l’arrivée du choléra. Le drainage insuffisant des sols rendra également difficile l’évacuation des eaux stagnantes, propices au développement du paludisme.
Une course contre la montre
Afin de minimiser les dégâts, l’aide humanitaire s’organise et distribue des kits d’abris améliorés et des sacs de sable afin de consolider ces derniers. Selon un rapport du HCR, plusieurs projets d’ingénierie sont également en cours pour construire des sentiers et des escaliers en bambou, des ponts surélevés, des murs de soutènement en bambou / brique / béton pour la stabilisation des sols et des réseaux de drainage. Une campagne d’information et de sensibilisation est également appliquée dans les camps. Il faut savoir que les Rohingya vivaient dans des plaines de basse altitude dans la région de Maungdaw, dans l’état d’Arakan et n’ont jamais connu de glissement de terrain. Malgré tout, le temps risque de manquer.
Dans une tribune pour l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), de février 2018, Alice Baillat écrit : « Régulièrement exposé aux aléas climatiques […], le Bangladesh est passé maître dans la gestion des catastrophes naturelles, et dispose d’un arsenal institutionnel conséquent pour réduire les dommages humains et matériels. Si on peut donc compter sur la résilience des Bangladais pour espérer que le pire soit évité lorsque les pluies vont arriver, cela dépendra pour beaucoup de la volonté du gouvernement du pays de faciliter le travail des partenaires humanitaires, et de mobiliser son savoir-faire en matière de réduction des risques de catastrophes, pour protéger les Rohingyas. La construction d’infrastructures en dur dans les camps serait par exemple nécessaire pour mettre à l’abri les populations des cyclones et des inondations, mais des résistances se font sentir de la part des autorités. Alors qu’elles espèrent encore un rapatriement rapide des Rohingyas en Arakan, autoriser la construction de bâtiments en béton résonne en effet déjà comme un aveu d’échec des négociations menées avec le régime birman […] »
Pauline Autin