7 août 2020 – Les prochaines élections législatives générales, prévues le 8 novembre, se tiendront quelques jours après les élections américaines de 2020, lourdes d’enjeu pour les Etats-Unis et pour le monde. Sur fond de pandémie et d’ère post-2015, le scrutin birman mobilisera-t-il l’attention des observateurs internationaux à hauteur de ses propres enjeux ? Ces élections sont très importantes pour la Birmanie. La tenue d’élections transparentes et équitables sous le gouvernement de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) apporterait une pierre à l’édifice d’une transition démocratique chancelante à tant d’égards. Certains voient d’ailleurs dans ce scrutin un « test grandeur nature des efforts de démocratisation du pays ». De nombreux indicateurs sont dans le rouge, parmi lesquels la liberté d’expression.
Ces élections se préparent dans un climat bien diffèrent de celui qui prévalait en 2015. Le slogan de campagne « Time for change » qui a porté la LND au pouvoir s’est heurté aux réalités nettement moins reluisantes de son exercice. Le gouvernement LND n’a pas pu mener à bien la réforme de la Constitution de 2008 nécessaire à l’établissement d’institutions pleinement démocratiques, ni amener le pays vers la paix. Confronté à des combats d’une intensité inégalée depuis des années sur le front qui oppose l’Armée de l’Arakan (AA) et la Tatmadaw, la Birmanie n’a pas davantage commencé à résoudre les autres conflits qui la minent, parfois depuis des décennies, toujours aux prises avec ses vieux démons identitaires et l’héritage toujours vivant de décennies de dictature militaire. La crise paroxystique des Rohingya reste entièrement non résolue, sans aucune perspective d’amélioration à court ou moyen terme en l’état de la politique menée par l’Etat birman, dont l’intention est qualifiée de génocidaire par les experts de l’ONU.Quant au bilan économique, s’il compte quelques avancées à son actif, il voit ses perspectives obscurcies par la persistance de « l’ancien monde » et par l’impact de la pandémie de Covid-19.
Alors que de nombreux pays ont fait le choix de reporter leurs élections en raison de cette pandémie, la Birmanie, qui compte officiellement moins de cas, maintient le calendrier et s’avance vers ce scrutin alors qu’une partie de son territoire est en guerre, aux prises avec des combats d’une intensité que le pays n’avait pas connu depuis des années. Tout récemment, des officiels ont annoncé que le scrutin ne se tiendrait pas sur une partie du territoire de l’Arakan si l’armée estime que les conditions de sécurité ne sont pas réunies.Un enjeu d’apparence légitime, mais en réalité problématique face à l’importance pour la population de pouvoir s’exprimer par les urnes. L’armée et le pouvoir en place ont-ils seulement la volonté de faire taire les armes pour que ce scrutin – et donc une forme de débouché politique partiel aux conflits – puisse avoir lieu ? Sur fond de pandémie, l’appel à un cessez-le-feu mondial lancé par la communauté internationale, relayé en Birmanie par de nombreuses organisations de la société civile, représentations diplomatiques et organisations ethniques armées (OEA), n’a pas été entendu.
Aung San Suu Kyi, officiellement candidate à un deuxième mandat depuis le 4 août, reste populaire au sein de la majorité Bamar, mais il n’en va pas de même au sein des minorités ethniques et parmi les défenseurs des droits humains en Birmanie. L’engouement a cédé la place à un désenchantement certain, dont la traduction dans les urnes reste à mesurer. En l’absence d’alternative face aux militaires, de quels espoirs cette élection sera-t-elle porteuse ?
Depuis des mois, le fait que la LND soit « assurée de l’emporter » revient comme un leitmotiv, la seule question posée étant celle du degré de sa victoire et des forces politiques avec lesquels elle devra ensuite composer, en sus de l’armée. Derrière cette apparente simplicité d’une majorité annoncée pour la LND, quels sont les enjeux de ce scrutin, ses nouveaux acteurs, ses risques ?
Des résultats des élections législatives partielles, on peut déjà tirer quelques enseignements. Elles ont confirmé le moindre soutien dont bénéficie désormais la LND au sein des minorités ethniques, mais aussi la capacité du Parti de l’union, de la solidarité et du développement (PUSD/USDP), le parti des militaires, à remporter des voix. La presse ne manque d’ailleurs pas de spéculer sur les ambitions présidentielles prêtées au commandant en chef de l’armée Min Aung Hlaing, bientôt à la retraite. La simple existence de ces conjectures illustre bien le spectre du poids politique de l’armée qui continue d’influer sur l’histoire du pays.
A partir de septembre, Info Birmanie proposera des analyses et partagera des témoignages d’acteurs et d’observateurs de terrain pour rendre compte de ces élections par une pluralité de voix. La campagne électorale démarre officiellement le 8 septembre.
Alors que l’Etat birman est mis en cause devant la Cour Internationale de Justice,
une image emblématique de la vie politique birmane / Rangoun – décembre 2019