L’ouverture de l’économie birmane aux investisseurs étrangers entraîne une augmentation des cas de confiscation des terres, les hommes d’affaires politiquement connectés se saisissant des terres agricoles pour des projets de développement. La généralisation du problème a conduit à la création par le gouvernement d’une commission chargée de traiter les plaintes pour expropriation, dont le nombre augmente régulièrement.
DES TERRES CONFISQUÉES
De plus en plus de fermiers birmans perdent leurs terres et donc leurs moyens de subsistance au profit de certains entrepreneurs qui se trouvent être des partenaires de longue date de l’armée. Cette dernière ne ménage pas ses efforts pour préserver les intérêts de ces élites au détriment de paysans démunis qui constituent l’écrasante majorité de la population (90%). L’ouverture de la Birmanie aux capitaux étrangers ne fait que renforcer un système oligarchique composés de complices du gouvernement qui usent de leurs privilèges pour capter les retombées économiques de la levée des sanctions.
En Birmanie, toutes les terres appartiennent théoriquement à l’État, laissant les petits agriculteurs sans titres fonciers légaux.
Au fil des ans, les entreprises ayant des liens avec le gouvernement militaire du pays ont été en mesure de saisir les terres des fermiers et des villageois, la plupart du temps pour construire des mines ou des projets agricoles très lucratifs. L’armée birmane, qui a une longue histoire de confiscations de terres, est également accusée de continuer à se saisir des terres dans les zones ethniques. Beaucoup de ceux qui ont perdu leurs terres n’ont reçu qu’une maigre compensation.
Aujourd’hui, alors que le gouvernement est en train de considérer l’adoption de nouvelles lois pour attirer les investisseurs étrangers, les groupes de défense des droits de l’homme affirment qu’il y a eu récemment une vague de confiscation de terres. Alors que l’économie se prépare à un afflux d’investissements étrangers, les activistes parlent de 3,6 millions d’hectares déjà saisis par le gouvernement, les entreprises privées et l’armée. Il est donc à craindre, que l’ouverture de la Birmanie aux capitaux étrangers, n’accentue le phénomène.[1]
The Network for Human Rights Documentation– Burma (ND- Burma), organisation de défense des droits de l’homme basé en Thaïlande, a documenté 114 cas de violations des droits de l’homme, uniquement dans la période allant des mois d’avril à septembre 2012. Parmi eux, figurent 26 cas de confiscation de terres.[1]
Khin Ohmar, porte-parole du de l’organisation Burma Partnership, affirme que l’augmentation du nombre de terres confisquées par l’armée alimentent les doutes sur les stratégies de l’armée. « Il nous a été rapporté que l’armée se saisirait d’importantes quantités de terres dans les zones ethniques pour construire des camps militaires. La question que l’on se pose donc est pourquoi sont-ils en train de construire de nouveaux camps militaires dans un climat de transition démocratique? », a déclaré Khin Ohmar.[2]
LES VILLAGEOIS COMMENCENT A FAIRE ENTENDRE LEURS VOIX
Face à de telles injustices, les paysans trouvent malgré tout le courage de contester le sort qui leur est réservé. Un courage louable lorsqu’on sait que la loi elle-même est contre eux. En effet, selon l’article 37 de la constitution de 2008, rédigée par la junte avant le processus d’ouverture et toujours soutenue par le président Thein Sein, « L’Union est le propriétaire ultime de toutes les terres et toutes les ressources naturelles au-dessus et en dessous du sol, au-dessus et en dessous de l’eau et dans l’atmosphère de l’Union». La loi permet de plus des expropriations pour « l’intérêt national ». Cette disposition a été aggravée un bouquet de textes comprenant notamment la loi de 2012 sur les terres arables. Cet arsenal juridique réitère le principe de l’appartenance de toute terre à l’Etat et confie toutes les décisions relatives à leur affectation à un organisme de gestion des terres agricoles dont les membres sont nommés par le gouvernement. Un fait d’autant plus inquiétant que dans certains cas d’expropriation, les bénéficiaires sont des parlementaires.
Depuis qu’une loi autorisant les manifestations pacifiques sous réserve d’autorisation préalable a été votée l’an dernier, les habitants osent tester leur liberté nouvelle. Les villageois osent à présent faire campagne contre ces projets, dénonçant la confiscation de leurs terres et les risques de pollution liés à ces projets.
C’est le cas des habitants des villes de Monywa et Salingyi, dans la division de Sagaing (centre), qui continuent de dénoncer depuis des semaines la confiscation de leurs terres par une mine de cuivre sino- birmane et les risques de pollution liés au projet.
«Nous commençons seulement à oser dénoncer nos souffrances car nous avons entendu dire que nous pouvions nous exprimer normalement grâce au changement de gouvernement», a expliqué à l’AFP Myat Thaung, père de famille de 38 ans. «Nous n’osions pas nous plaindre quand les dirigeants étaient des militaires».[1]
Cependant, malgré la mise en place d’une commission gouvernementale chargé d’étudier les plaintes pour expropriation, le gouvernement a répondu aux protestations en harcelant et détenant des manifestants, notamment des activistes et des étudiants qui ont pris part à des manifestations à Rangoun et Mandalay.
[1] AFP (26 sept 2012) Le droit de manifester testé dans la pratique
[1] The Network for Human Rights Documentation– Burma , Report on the human rights situation in Burma (avril – septembre 2012)
[2] VOA (22 oct 2012) Burmese Investment Boom Fuels Worries Over Land Grabs