Les ressources naturelles, si elles constituent un formidable potentiel de développement, peuvent se transformer en malédiction pour les populations. C’est le cas en Birmanie, où l’exploitation des ressources naturelles par des investisseurs étrangers est à l’origine d’une intensification des conflits armés et d’une multiplication des violations des droits de l’homme contre les civils.
En mars 2014, la Commission européenne a publié une proposition de règlement visant à rompre le lien entre ressources et conflits en créant des chaines responsables d’approvisionnement en minerais pour l’Europe. Toutefois la proposition est largement insuffisante puisque dans sa forme actuelle, elle ne concerne que quatre ressources minières et n’impose aucune obligation aux entreprises puisqu’elle se fonde uniquement sur une démarche volontaire de leur part.
En Birmanie, l’exploitation des ressources naturelles se fait essentiellement dans les régions où vivent les minorités ethniques, et depuis 50 ans, l’accès aux ressources est la principale cause de conflits armés qui opposent l’armée birmane aux groupes armés issus de ces minorités. En effet, afin de contrôler les zones où se trouvent les ressources naturelles, l’armée birmane attaque les groupes armés ethniques qui se trouvent sur ces territoires. Cette militarisation accrue implique des violations massives des droits de l’homme contre les civils : extorsion, torture, humiliation, meurtre, utilisation de boucliers humains, viols, travail forcé, destruction de village, etc.
La Birmanie est notamment le premier producteur mondial de jade jadéite. Cette variété rare de pierre précieuse est extraite à 90% dans l’État Kachin, théâtre de violents affrontements entre l’armée birmane et l’Armée d’Indépendance Kachin. Les combats pour le contrôle des mines de jade ont conduit à des déplacements massifs de populations. La commercialisation des pierres demeure largement informelle et profite essentiellement aux trafiquants et aux militaires. De plus, les conditions de travail dans les mines sont extrêmement difficiles et certains employeurs paient les mineurs directement en dose d’héroïne. La zone détient ainsi le triste record de consommation de drogue du pays mais aussi l’un des taux de prévalence du sida les plus importants.
L’exploitation des ressources naturelles pourrait aussi aggraver le conflit interreligieux en cours entre les Rohingyas musulmans et les bouddhistes Arakanais si le gouvernement continue de profiter des terres abandonnées par les populations en fuite pour les attribuer aux entreprises. C’est notamment le cas de la zone industrielle de Kyaukpyu (autour de la ville de Sittwe), où les minorités musulmanes qui ont fui les violences interconfessionnelles en octobre 2012, ne pourront jamais récupérer leurs terres puisque celles-ci sont désormais utilisées pour un projet industriel d’exploitation de gaz et de pétrole.
Les intérêts des investisseurs interfèrent directement avec le processus de paix, et plutôt que de bénéficier de leurs richesses, les minorités ethniques sont lourdement impactées par les confiscations de terres, les déplacements massifs de populations et les violences militaires. En juillet 2014, les Nations Unies recensaient 642 600 personnes déplacées dans le pays à cause des conflits armés et des violences interreligieuses. Dans ce contexte où exploitation des ressources naturelles rime souvent avec violences, il est primordial que l’afflux d’investisseurs européens ne contribue pas à attiser d’avantage les tensions du pays.
Alors que l’Union européenne pourrait avoir un rôle capital à jouer pour briser le lien entre ressource et conflit dans les zones à risque du monde entier, la proposition faite par la Commission est extrêmement décevante.
Info Birmanie appellent les parlementaires français et européens à s’engager en faveur d’un règlement plus ambitieux que le projet initial, qui exige notamment légalement que les entreprises contrôlent leurs chaînes d’approvisionnement et identifient et atténuent les risques conformément aux normes internationales en vigueur.