Le système éducatif birman est en ruine. Les très faibles taux de réussite aux examens de cette année et les forts taux d’abandon des élèves reflètent les difficultés auxquelles fait face le système éducatif birman après 50 ans de dictature militaire. Les programmes d’études sont largement basés sur l’apprentissage par cœur et ne permettent aucun développement de la pensée critique et créative des élèves. Conçu sous la junte militaire, ils sont liés à la discipline et à l’obéissance et limitent volontairement la réflexion et la remise en question des élèves. D’autre part, les universités ont été fermées plusieurs années par l’armée birmane qui voyait d’un mauvais œil les rassemblements étudiants, historiquement à l’origine des mouvements de protestations. Elles ont par la suite été ré ouvertes, mais ont été installées en périphérie des villes, pour compliquer leur accès. Aujourd’hui encore, la majorité des étudiants universitaires privilégient l’enseignement à distance, faute de pouvoir assister aux cours.
L’écrasante victoire du parti d’Aung San Suu Kyi lors des premières élections libres du pays depuis plus de 50 ans a suscité d’énormes espoirs. La Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) est au pouvoir depuis plus de 4 mois, mais les enjeux relatifs au système éducatif sont de taille.
Lors de l’année scolaire 2014-2015, seulement 6% du budget national a été alloué au secteur de l’éducation contre 13% pour les dépenses militaires. Malgré une hausse de 0,8% par rapport à l’année précédente, cela reste encore bien insuffisant pour faire face aux lacunes du système éducatif birman. Les locaux sont vétustes, les moyens des universités inexistants et les salaires des professeurs sont tellement faibles que ceux-ci demandent une participation financière aux élèves, accentuant évidemment les inégalités. Après 50 ans de dictature, les rumeurs et la propagande fonctionnent à merveille et aggravent les tensions interreligieuses. Le nouveau gouvernement a annoncé qu’il travaillait sur un nouveau programme éducatif national, qui priorisera la participation, les travaux de groupes et les projets indépendants, mais les changements prendront des années.
L’échec du système éducatif est encore plus prononcé dans les régions ethniques où les conflits armés durent depuis près de 70 ans. Plus de 300 000 personnes à travers le pays vivent dans des camps de déplacés où l’accès à l’éducation est limité. Les minorités ethniques sont marginalisées par la politique de « birmanisation » mise en place sous la junte militaire qui consiste à réprimer les différences ethniques pour forcer les minorités à s’adapter à la culture, la langue et la religion « bamar » (la majorité birmane). Cette approche est toujours ancrée aux politiques nationales et au système éducatif birman. Alors qu’il existe plus de 100 langues différentes dans le pays et que 20% de la population ne parle pas birman, le programme éducatif est toujours uniquement dans cette langue. L’impossibilité de suivre un enseignement officiel dans sa langue natale constitue un handicap réel et un obstacle supplémentaire pour les jeunes issus des minorités. De plus, l’histoire des régions ethniques est totalement absente des programmes qui n’abordent que les héros et les rois de la majorité bamar.
Certaines minorités comme les Kachins, ont réussi à mettre en place leur propre système éducatif dans les zones qu’elles contrôlent militairement mais ils concernent trop peu d’étudiants et ne sont pas reconnus par le gouvernement birman.
Les négociations de paix qui devraient avoir lieu à la fin du mois amènent toutefois un nouvel espoir. Les groupes ethniques armés revendiquent un état fédéral qui leur garantisse une certaine autonomie et notamment le droit d’administrer leur système éducatif. Phyoe Phyoe Aung, leader des manifestations contre la réforme de l’éducation en mars 2015, estime que « Le gouvernement a vraiment besoin de décentraliser le système car il n’y a pas d’autonomie ».
L’avancée des réformes du système éducatif devra se faire en suivant l’évolution du processus de paix. Elle devra également être inclusive pour rompre avec les politiques de la junte qui marginalisent les minorités et accentuent les inégalités.