CP 16 septembre 2019 – «La menace de génocide continue pour les Rohingya qui sont restés». Face à la gravité de la situation en Birmanie, « le scandale de l’inaction internationale doit cesser ».
Alors que la situation en Birmanie est actuellement à l’ordre du jour de la 42e session du Conseil des droits de l’Homme (CDH) qui se tient à Genève, le mandat de la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie touche à sa fin. Elle présente ses dernières conclusions et recommandations, avant que ne lui succède le Mécanisme d’enquête indépendant pour la Birmanie.
Il faut souligner l’importance du travail accompli par cette Mission en matière de documentation et de caractérisation des crimes commis depuis 2011 dans les états d’Arakan, Kachin et Shan. Elle tient par ailleurs à disposition une liste confidentielle de plus de 100 noms d’individus susceptibles de faire l’objet d’enquêtes pénales, parmi lesquels des militaires mais aussi des représentants des autorités civiles au plus haut niveau, et d’un certain nombre d’entités. Elle met aussi en cause la responsabilité de l’Etat birman au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Dans un contexte persistant de violations massives des droits humains et d’impunité totale, le nouveau Mécanisme d’enquête aura la lourde charge de « recueillir, regrouper, préserver et analyser les éléments de preuve attestant de la commission de crimes internationaux les plus graves et de violations du droit humanitaire en Birmanie depuis 2011 et de constituer des dossiers pour faciliter et diligenter des procédures pénales conformes aux normes du droit international.»
Présidé par l’américain M. Nicholas Koumjian depuis le 1e juillet 2019, ce nouveau Mécanisme a publié son premier rapport le 7 août dernier, dans lequel il définit ses priorités et souligne les limites de son mandat, qui consiste exclusivement à constituer des dossiers. Face à la nécessité de faire rendre des comptes aux principaux responsables des crimes documentés, il sollicitera la coopération des autorités birmanes, mais se prépare d’ores-et-déjà à adopter des stratégies palliant à son absence. Il souligne aussi l’importance cruciale de la coopération des Etats de la région et de la volonté de la communauté internationale pour qu’un jour des responsables soient traduits en justice.
Or jusqu’à présent, les recommandations de la Mission de l’ONU n’ont pas été suivies par la communauté internationale, en dépit de la gravité de la situation. Ses dernières conclusions s’agissant de la situation des Rohingya sont particulièrement alarmantes : elle fait état de «motifs raisonnables de conclure que les éléments de preuve qui permettent de déduire l’intention génocidaire de l’Etat birman (…) se sont renforcés» depuis l’an dernier et relève «qu’il existe un risque sérieux que des actes génocidaires puissent se produire ou se reproduire». Que faudra-t-il encore pour que l’ONU et ses Etats membres prennent des décisions et adoptent des positions à la mesure de la gravité de la situation ?
Alors que le mandat de la Mission d’établissement des faits prend fin et que lui succède un Mécanisme indépendant d’enquête, nous demandons à la France :
– d’appuyer une saisine de la Cour Pénale Internationale par le Conseil de sécurité de l’ONU
– à défaut, d’appuyer la création d’un tribunal international ad hoc, que ce soit par le Conseil de sécurité ou par l’Assemblée générale de l’ONU
– de soutenir le travail du Mécanisme d’enquête par tout autre moyen possible
– d’envisager une saisine de la Cour Internationale de Justice s’agissant de la responsabilité de l’Etat birman au titre de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide
– d’appuyer un embargo sur les armes et l’adoption de sanctions ciblées contre les individus et les entités identifiés dans les conclusions des enquêteurs de l’ONU
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Publié le 22 août, le rapport de la Mission d’établissements des faits de l’ONU sur les violences sexuelles subies par les minorités ethniques en Birmanie sera présenté le mardi 17 septembre devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Il pointe, de nouveau, l’enjeu majeur de justice et de lutte contre l’impunité. Face à l’ampleur de ces violences sexuelles, aucun haut-gradé n’a été mis en cause. Outre les obstacles légaux, il est surtout question de l’absence de volonté politique de faire juger les auteurs de ces crimes au caractère systématique.
Pour en débattre : Le mercredi 18 septembre 2019, Info Birmanie organise, en partenariat avec l’Alliance des Femmes pour la Démocratie (AFD), une projection-débat autour du film « Mère, Fille, Sœur » (VOSTF) de Jeanne Hallacy. Ce documentaire, présenté en France pour la première fois, donne la voix à des femmes Rohingya et Kachin qui appellent à la fin des violences sexuelles dans les conflits. Débat en présence d’Info Birmanie, de Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue – qui évoquera avec nous les spécificités du viol en temps de guerre – et de Michèle Idels / Elisabeth Nicoli avocates membres de l’AFD / Projection-débat du mercredi 18/09 à 19h30, REV CAFE 54ter rue Robespierre 93100 Montreuil
Contact Presse : Sophie Brondel 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org