Critères de référence pour les investissements dans les domaines de l’énergie, des industries extractives et du secteur foncier

Critères de référence pour les investissements dans les domaines de l’énergie, des industries extractives et du secteur foncier

Communiqué de presse du Groupe de travail sur l’environnement en Birmanie (BEWG)[1]

Le 22 mars 2012, une coalition d’organisations birmanes appelées le Groupe de travail sur l’environnement en Birmanie (Burma Environmental Working Group (BEWG) a publié des critères de références sur la question des investissements en Birmanie dans les domaines énergétiques, des industries extractives et du secteur foncier pour servir de cadre à des investissements responsables dans ces secteurs de premier plan. La publication de ces critères est intervenue alors que les démocraties occidentales commençaient à lever les sanctions économiques à l’encontre de la Birmanie, et que les entreprises et différents pays manifestaient un intérêt accru pour investir dans le pays en dépit d’un contexte d’investissement à haut risque.

Le respect de ces critères de référence devrait augmenter la probabilité que les investissements dans des secteurs historiquement liés à des violations des droits de l’homme et à des abus environnementaux, bénéficient à la population et ne portent pas atteinte aux progrès politiques, sociaux et environnementaux de ce pays émergent du Sud-Est asiatique.

L’augmentation des investissements depuis les années 1980, provenant notamment des pays voisins avides de ressources naturelles, y compris à travers la création de zones économiques spéciales (ZES) – a favorisé l’éclosion de violents conflits, entraîné des violations des droits de l’homme à l’encontre des communautés locales, menacé leurs moyens de subsistance traditionnels et leurs modes de vie, et causé des dommages irréparables sur l’environnement.

L’instauration de ces critères de référence a pour but de partager les bénéfices avec les communautés locales qui sont les plus affectées par les investissements dans des projets liés aux ressources naturelles ou qui se font dans le cadre des zones économiques spéciales. Le soutien aux communautés locales peut se faire par : l’adoption d’un système de distribution  des profits liés au projet, qui garantit un partage équitable des bénéfices pour les communautés, la réduction des conflits et des risques dans les zones d’investissement, le respect de l’État de droit et de la transparence; l’instauration de mécanismes de contrôle, l’amélioration et la protection des droits de la société civile, y compris le droit de participer aux décisions de développement, et le droit des communautés à accorder ou refuser leur consentement libre, informé et préalable et de veiller à un développement économique et environnemental équilibré et durable grâce à la bonne gestion des ressources naturelles du pays.

 «Les investissements en Birmanie doivent soutenir une paix véritable et la réforme nationale et doivent suivre la volonté des communautés locales qui ont longtemps payé le prix fort pour des investissements axés sur les ressources en subissant le travail forcé, la confiscation de leurs terres, des taxes illégales, la perte de vies humaines, et d’autres violations des droits humains », a déclaré Paul Sein Twa, le porte-parole de BEWG.

Puisque la société civile en Birmanie connaît un regain de liberté, BEWG a l’intention de travailler avec d’autres acteurs afin d’affiner et de faire connaître ces critères de référence. Ce qui suit est un résumé des cinq critères de référence majeurs mis en place par  BEWG à l’attention des investisseurs :

1)  Ne pas nuire

Les investissements ne doivent pas exacerber les conflits liés aux ressources naturelles et foncières en Birmanie.

Les récents pourparlers de paix engagés entre les groupes ethniques et le gouvernement pour faire avancer les réformes et la réconciliation nationale ont rendu la situation politique encore plus sensible.  Les intérêts des investisseurs peuvent interférer directement avec le processus de paix. Les projets implantés dans les zones de conflits  ont augmenté les violences, les pertes de vies humaines et les pertes des moyens de subsistance des populations. Une paix durable et véritable dans les zones où se trouvent ces projets est essentielle, mais elle ne peut pas s’instaurer instantanément. En effet, aborder tous les aspects des conflits ethniques de façon approfondie – et non pas simplement signer des accords de paix et des transactions commerciales avec les groupes armés ethniques – va prendre du temps et demander des efforts considérables. Dans la poursuite des efforts de paix, les investisseurs doivent bien comprendre les liens qui existent entre des projets spécifiques, les acteurs gouvernementaux, les partenaires commerciaux et les conflits. Ils doivent s’assurer que la sécurité du projet est le résultat de l’instauration d’un Etat de droit et non pas celui d’un processus de militarisation régional. Les investisseurs doivent mettre en œuvre les meilleures pratiques dans l’évaluation des risques de conflits et doivent suivre des stratégies de gestion des risques afin d’éviter un nouveau conflit ou la complicité en matière de violations des droits de l’homme. BEWG recommande que les nouveaux projets d’investissements soient effectués uniquement lorsque : suffisamment de réformes juridiques et réglementaires certifient que les garanties  sociales et environnementales répondent des meilleurs pratiques internationales ;  une participation significative de la population locale, son consentement et sa faculté de consultation soient inscrits dans la loi et la pratique ; que ces projets se trouvent dans des zones exemptes de tout conflit.

 2) De meilleures pratiques… ou s’abstenir

Les investisseurs doivent respecter les normes mondiales des droits environnementaux et humains, tout en suivant les meilleures pratiques internationales d’évaluation  en matière des droits de l’homme, d’impact social et environnemental.

La Birmanie n’a pas de lois ni d’exigences pour évaluer les impacts en matière de droits de l’homme et les impacts sociaux et environnementaux. Jusqu’à ce que ce type de lois soient mises en place et  implantées selon les normes internationales, les investisseurs devraient se référer aux normes établies par la communauté internationale et celles de leurs pays d’origine dans les secteurs de l’environnement et des droits de l’homme, afin de veiller à ce que la prise de décision soit de nature consultative et inclusive avec toutes les parties prenantes. Enfin, un consentement libre, informé et préalable (CLIP), et des normes de consultation sont nécessaires pour assurer que les droits des communautés locales sont protégés.

3)  Agir de manière transparente en suivant des principes

Les investisseurs doivent avoir une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la corruption et doivent s’engager à pratiquer pleinement la transparence financière des contrats et des revenus

La corruption en Birmanie contribue directement à la pauvreté, au sous-développement, aux violations des droits de l’homme et au financement d’opérations militaire contre des groupes ethniques. La corruption est aggravée par le manque de transparence des recettes et des contrats d’investissements étrangers. Les investisseurs doivent divulguer des informations de haute qualité de façon régulière, transparente et approfondie, spécifiant tous les profits engrangés et les activités de l’entreprise. Ces informations doivent être facilement accessibles aux différents acteurs impliqués, notamment les populations touchées mais aussi à un plus vaste public. Puisque les ressources énergétiques et extractives diminuent en Birmanie, les investisseurs, les gouvernements et les communautés locales doivent gérer leurs profits de manière transparente pour soutenir une stratégie viable de développement économique et social à long terme. Les investisseurs peuvent avoir une contribution positive sur les profits  générés à tous les niveaux en se conformant pleinement aux règles de divulgation des profits et en appliquant une surveillance approfondie de la gestion de chaîne d’approvisionnement et des politiques internes strictes de lutte contre la corruption vis à vis de tous les tiers sous-traitants.

4)  Soutenir la société civile et non l’impunité

La société civile doit être libre de jouer son rôle sans menace de répression ou d’exactions

Les droits et la protection des organisations de la société civile en Birmanie doivent être garantis par la loi et ces organisations doivent être autorisées à éduquer et renforcer les capacités des communautés locales dans le domaine des projets extractifs, énergétiques et fonciers – y compris concernant les zones économiques spéciales. Les organisations de la société civile ont un rôle important à jouer dans le contrôle et la vérification du système qui inclut le gouvernement et le secteur privé. Ces organisations aident à assurer la protection des intérêts publics et communautaires et contribuent à éviter les abus commis par des régimes autoritaires et répressifs. Les investisseurs peuvent commencer à soutenir la société civile immédiatement en engageant un dialogue direct et pacifique avec les organisations de la société civile à tous les stades des projets.

5)   Renforcer les capacités des communautés locales

Les griefs des communautés doivent être pleinement pris en compte dans les investissements existants et à venir.

Les préoccupations et les besoins des communautés dans les zones de projet doivent être pris en compte de façon impartiale et inclusive. Les collectivités locales, en particulier les femmes et les enfants, ont longtemps payé le prix de ces  investissements en Birmanie, subissant le travail forcé, la confiscation des terres, des taxes illégales, la perte de vies humaines, et d’autres violations des droits humains – avec très peu de moyens de recours pour élever des griefs ou obtenir réparation pour ces abus. En plus des normes législatives nationales et internationales déjà en vigueur, des mesures efficaces de protection interne doivent être mis en place par les investisseurs dans le cadre de chaque projet d’investissement pour protéger les droits des populations, contrôler les abus, et  permettre l’accès des population à des mécanismes de recours concernant les abus passés, présents ou futurs.

BEWG oriente les investisseurs vers les ressources suivantes (liste non exhaustive) :

  • UN Global Compact-PRI 2010 publication Guidance on Responsible Business in Conflict-Affected and High-Risk Areas
  • 006 OECD Risk Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zones
  • 2002 Global Compact Business Guide for Conflict Impact Assessment and Risk Management
  •   2011 Guiding Principles on Business and Human Rights: Implementing the United Nations “Protect, Respect and Remedy” Framework and the global Extractive Industry Transparency Initiative (EITI) and other best practice resources. Financers should consult the Equator Principles for initial guidance.

Plus d’informations sur www.bewg.org

Et dans le rapport d’information publié par BEWG en 2011 « l’environnement en Birmanie: Populations, Problèmes, Pratiques »


[1] Membres de BEWG :  Arakan Oil Watch (AOW), BRIDGE (Bridging Rural Integrated Development and Grassroots Empowerment), EarthRights International (ERI), the Kachin Development Networking Group (KDNG), the Karen Environmental and Social Action Network (KESAN), the Lahu National Development Organization (LNDO), the Network for Environmental and Economic Development (NEED), the Pa-Oh Youth Organization (PYO), the Shan Sapawa Environmental Organization (Sapawa) and the Shwe Gas Movement (SGM). Since 2005, most BEWG activities have been facilitated with support from the ADfB platform.