CP 16 juillet 2019 – Depuis trois semaines, neuf townships dans les états d’Arakan et Chin restent coupés du monde parce que les autorités birmanes ont décidé de couper l’accès à internet de toute une zone de guerre. Les personnes déplacées par les combats sont particulièrement affectées par cette coupure et Radio Free Asia, dans son édition du 5 juillet et du 9 juillet 2019, rapporte des informations inquiétantes relatives aux pratiques de l’armée birmane dans le cadre de son opération en cours contre l’Armée de l’Arakan (AA). Loin des regards, les informations sont parcellaires, mais alarmantes.
La décision des autorités birmanes a entraîné de nombreuses réactions au sein de la société civile, birmane et internationale. Au niveau de l’ONU, la Rapporteuse spéciale sur les droits humains en Birmanie, Mme Yanghee Lee – qui reste interdite d’accès dans ce pays – a particulièrement exhorté les autorités à lever cette mesure liberticide et dangereuse. Des réactions gouvernementales ont suivi : l’Ambassade de Suède a publié une déclaration le 26 juin et le Département d’Etat américain a également réagi.
Nous avons attendu la réaction de la France mais, de manière tout à fait étonnante, c’est la Chambre de commerce française en Birmanie qui s’est exprimée dans un communiqué commun des Chambres de commerce européennes publié le 10 juillet dernier :
« En tant que chambres de commerce représentant des investisseurs européens responsables, nous nous inquiétons de la coupure internet au niveau de neuf townships affectés par le conflit dans les états Chin et d’Arakan depuis le 21 juin 2019. Cette coupure affecte plus d’un million de personnes dans ces townships ; elle a un impact négatif sur l’économie locale et la société. Nous demandons aux autorités birmanes de considérer également cette coupure internet sous l’angle de son impact possible sur la réputation de la Birmanie au niveau de la communauté internationale et de l’image du pays en tant que destination pour un investissement responsable. A la lumière, en particulier, des préoccupations en matière de droits de l’Homme exprimées par l’ONU et les gouvernements concernés, nous espérons que l’accès internet sera rapidement rétabli.»
Mis en perspective avec le silence de la France, ce communiqué interroge, et trouble. La France a-t-elle délégué sa communication à sa Chambre de commerce ? La situation est-elle à ce point dégradée que nous ne pouvons plus exprimer des préoccupations légitimes face à l’évolution de la situation des droits de l’Homme en Birmanie ? Le levier de l’image pour l’investissement est-il le seul qui soit désormais audible par les autorités birmanes ? Et si oui, cela justifie-t-il d’y recourir et/ou d’en faire notre seul argument ? Sommes-nous préoccupés par les perspectives d’investissement (responsable) ou par la situation des droits humains dans ce pays ?
La France, par la voix de son Président à l’automne 2017, avait eu des mots forts face à l’exode des Rohingya. Alors que la date commémorative de cette crise majeure approche, que la situation des droits humains se dégrade et que l’armée birmane continue de commettre des crimes en toute impunité, nous attendons de la France qu’elle fasse entendre sa voix.
Contact : Sophie Brondel 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org