Conclusions de l’Union européenne sur la Birmanie : une étape importante mais insuffisante

Conclusions de l’Union européenne sur la Birmanie : une étape importante mais insuffisante

Info Birmanie salue les conclusions du Conseil des Ministres des Affaires Étrangères de l’Union européenne. L’appel des ministres au Haut représentant du Conseil à soumettre des propositions pour une extension de l’embargo à l’encontre de la Birmanie sur les armes et les équipements qui pourraient être utilisées pour de la répression interne, et pour des mesures restrictives ciblées à l’encontre des officiers militaires de l’armée birmane responsables des violations des droits humains est une étape essentielle. Cependant, ces mesures arrivent trop tardivement et sont aujourd’hui insuffisantes pour avoir un réel impact sur la situation. Depuis le 25 septembre 2017, plus de 688 000 Rohingya se sont réfugiés au Bangladesh.

Les violations des droits humains n’ont pas cessé dans le nord de l’état d’Arakan. Alors que de nouvelles images satellites publiées par l’organisation Human Right Watch le 23 février 2018[1] montrent que des villages entiers ont été rasés au bulldozer afin d’effacer les traces des villages Rohingya détruits, il est clair que les autorités birmanes ne sont pas en mesure d’assurer le retour sûr, digne et volontaire des réfugiés Rohingya.

Les recommandations émises par la Commission Consultative sur l’état d’Arakan présidée par l’ancien Secrétaire-général des Nations Unies Kofi Annan constituent un point de départ nécessaire pour la collaboration entre le gouvernement birman et la communauté internationale afin de trouver des solutions équitables et durables. Cependant, nous appelons l’Union Européenne (UE) à dénoncer la procédure de vérification de citoyenneté basée sur la loi de citoyenneté discriminatoire de 1982 et qui n’a reçu le soutien d’aucune communauté en Arakan.  L’UE doit soutenir et apporter son expertise au processus de révision de la loi de 1982, en insistant sur l’abandon de l’ethnicité comme critère majeur pour la détermination de la citoyenneté en Birmanie.

Info Birmanie salue la prise en considération de la situation dans les états Kachin et Shan. Les violations des droits humains dans ces états rappellent l’impunité dont jouissent les militaires et les stratégies utilisées par ces derniers afin d’assoir leur autorité sur les minorités ethniques à travers le pays.

La décision de l’UE de réduire la coopération militaire au strict minimum, avec le seul but de renforcer les principes démocratiques, le respect des droits humains et l’état de droit n’est pas une réponse appropriée. Cet argument avait déjà été utilisé pour défendre les programmes de coopération et de formation militaires. Tous les États-membres doivent mettre fin à ces programmes militaires.

Si l’appel de l’UE à la Birmanie à devenir partie du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) est une étape symbolique importante, il est peu probable que la Birmanie y réponde. Il est donc essentiel que l’UE agisse afin de construire un consensus international pour un renvoi de la situation de la Birmanie devant la CPI par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Pour cela, l’UE doit mener un réel travail auprès de la Chine et de la Russie qui bloquent toutes les tentatives du Conseil d’intervenir concrètement.

À plusieurs reprises, le gouvernement birman a refusé toute coopération avec les mécanismes spéciaux des Nations Unies, mettant en danger les perspectives de paix et de démocratie. Le 7 février 2018, Amnesty International publie de nouvelles preuves du nettoyage ethnique en cours attestant que les militaires affament et enlèvent les Rohingya, et volent leurs biens[2].

Face à une telle crise, l’UE doit répondre en conséquence afin de protéger les droits humains et favoriser l’accès à la justice. Il est crucial que :  

  • Les mesures restrictives ciblées à l’encontre des officiers militaires responsables des violations des droits humains comprennent le gel de leurs avoirs à l’étranger et une interdiction d’entrée au sein de l’Union européenne
  • La vente de tous types d’équipements militaires soit interdite, que tous les États-membres de l’UE mettent fin à tout type de coopération militaire et que l’UE soutienne un embargo complet mandaté par les Nations Unies sur la vente d’armes et de tous types d’équipements miliaires

Contact presse

Camille Cuisset, coordinatrice de l’association Info Birmanie
camille@info-birmanie.org / 0783997822

Version PDF

[1] « Birmanie : Des dizaines de villages rohingyas rasés au bulldozer », Human Right Watch, le 23 février 2018
[2] « Myanmar. Nouvelles preuves du nettoyage ethnique en cours : les militaires affament et enlèvent des Rohingyas et volent leurs biens », Amnesty International, le 7 février 2018