Le 30 mars dernier, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) faisait son entrée au sein du gouvernement. Les élections les plus libres depuis plus de 50 ans ont suscité de nombreux espoirs, pour une réelle transition démocratique. Un an après l’entrée au gouvernement de la LND, le bilan est décevant. Il est vrai que le défi est de taille ! Lors de son discours marquant les un an de la LND au sein du gouvernement, Aung San Suu Kyi – de facto leader du gouvernement – a reconnu que les réformes étaient lentes, tout en rappelant que son parti avait hérité d’un pays dirigé par les militaires pendant des décennies.
En effet, l’armée birmane – la Tatmadaw – a assuré ses arrières. La constitution de 2008 garanti aux militaires 25% des sièges au Parlement, assez pour bloquer tout changement, notamment quant aux réformes de fond. Cela leur accorde de fait un droit de veto, car tout amendement de la constitution nécessite un vote à plus de 75% au Parlement. Les militaires dirigent également trois ministères clés : les ministères de l’Intérieur, de la Défense et des Frontières. Pour ces raisons, la marge de manœuvre du gouvernement se voit restreinte et l’armée continue d’agir en toute impunité.
Il y a un an, Aung San Suu Kyi déclarait que sa priorité était de mettre fin aux conflits ethniques à travers la mise en place d’un nouveau cycle du processus de paix, réunissant toutes les parties prenantes autour d’une table. Ce nouveau cycle a débuté fin août 2016 avec la Conférence de Panglong pour le 21e siècle, prévoyant une nouvelle rencontre tous les six mois. Malgré les promesses d’un processus inclusif, la participation aux négociations impose à tous les groupes ethniques armés de signer l’Accord National de Cessez-le-feu de 2015. Si cinq groupes viennent d’annoncer qu’ils allaient signer cet accord, des groupes majeurs tels que la Kachin Independance Army, ou encore la Myanmar National Democratic Alliance Army, se sont rassemblés sous l’égide de l’Armée Wa, la plus puissante du pays, afin d’engager un dialogue politique en dehors du cadre de cet accord.
L’intensification des conflits au nord du pays, dans les États Kachin et Shan, est l’une des raisons de ces évolutions. Les affrontements dans ces zones n’ont pas été aussi intenses depuis des décennies. Les forces armées gouvernementales n’hésitent pas à utiliser de l’artillerie lourde, notamment à proximité des camps de déplacés internes. La situation humanitaires s’est également beaucoup dégradée, notamment car l’accès des organisations était restreint dans certains secteurs.
D’autre part, l’armée est accusée de graves violations de droits de l’Homme à l’encontre de la minorité musulmane des Rohingya. En effet, suite à l’attaque revendiquée par une organisation Rohingya de deux postes de frontières avec le Bangladesh ayant fait neuf victimes du côté des forces de sécurité, l’armée birmane a lancé une opération de « nettoyage » pendant plus de quatre mois. Le bilan est terrible et de nombreux rapports, dont un émanant de la rapporteuse spéciale des droits de l’homme en Birmanie, dénonce les exactions de l’armée birmane : plus de 1000 morts, des viols en réunions, des arrestations arbitraires, des cas de tortures, des incendies volontaires… La possibilité de « crimes contre l’humanité » a poussé le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies à adopter une résolution comprenant l’envoie d’une mission internationale indépendante « d’établissement des faits ». Pourtant, le gouvernement s’en est dissocié et Aung San Suu Kyi, lors de son discours marquant les 1an du gouvernement, a rejetté cette décision en précisant qu’elle n’était pas appropriée au contexte birman… Alors que l’ONU estime que la minorité musulmane Rohingya est l’une des plus persécutés au monde, aucune solution n’est envisagée pour la protection de leurs droits qui sont sans cesse bafoués, que ce soit sur le court ou le long terme.
Les violences à l’égard des minorités ethniques et religieuses de la part de l’armée ont entraîné la fuite de milliers de civils : depuis que la LND est entrée au gouvernement, plus de 160 000 personnes ont été déplacées.
Enfin, le cadre juridique en vigueur ne permet pas la protection des droits sociaux et environnementaux en Birmanie et pourtant, la LND tente d’attirer des investisseurs étrangers en leur offrant de nombreux avantages. Les violations des droits sociaux sont de plus en plus criantes : des salariés syndiqués et des grévistes licenciés, un salaire minimal de 2,50 euro par jour qui est également devenu un salaire « maximum » pour tous les nouveaux employés … Des réformes à ce sujet sont cruciales avant d’accueillir de nouveaux investisseurs.